Le « like » posté – avant d'être rapidement retiré – la semaine dernière par la directrice du bureau de lutte contre la cybercriminalité au sein des Forces de sécurité intérieure, Suzanne Hajj, sur son compte Twitter, en réaction à un tweet de l'humoriste Charbel Khalil autour de l'autorisation de conduire donnée récemment aux Saoudiennes, continue de faire des remous. Non seulement Mme Hajj a été aussitôt démise de ses fonctions, mais hier Assaad Béchara, conseiller de l'ancien ministre de la Justice Achraf Rifi, a déposé une dénonciation auprès du procureur général près la Cour de cassation dans laquelle il l'accuse d'« attiser les dissensions communautaires et (de) perturber les relations entre le Liban et un pays frère (l'Arabie saoudite) ».
Il a également dénoncé M. Khalil, estimant que son tweet – que beaucoup ont pourtant qualifié de plaisanterie – « est un exemple qui défigure la liberté d'expression ». Pour lui, l'humoriste « a porté atteinte de manière flagrante à la dignité de la femme saoudienne et plus généralement au peuple saoudien qu'il a accusé de terrorisme ». Pour rappel, M. Khalil avait tweeté en ces termes : « La nouvelle de l'autorisation pour les femmes de conduire une voiture en Arabie saoudite est tronquée. Elles ont seulement été autorisées à conduire des voitures piégées. »
Dans sa requête auprès du parquet, M. Béchara accuse Mme Hajj d'« avoir approuvé, volontairement et consciemment, la remarque de Charbel Khalil, en y apposant un "like" qu'elle a ensuite supprimé ». Comment un « like » qui, selon des informations concordantes, a été effacé à peine quelques secondes après avoir été posté, peut-il être décrit comme ayant été exprimé en toute conscience et volonté plutôt que par erreur ? Des personnes proches du conseiller de M. Rifi répliquent à L'Orient-Le Jour que ce « like » « n'a été enlevé qu'une heure plus tard ».
Il convient de noter que M. Béchara a basé sa dénonciation sur l'article 317 du code pénal qui stipule que « tout acte, écrit ou discours par lequel on cherche à fomenter des dissensions confessionnelles ou ethniques est sanctionné par l'emprisonnement pour une durée d'un à trois ans ». Le requérant estime par ailleurs que le tweet de l'humoriste ainsi que le « like » de l'officier des FSI constituent une infraction à l'article 288 du code pénal qui sanctionne « les actes, écrits et paroles propres à perturber les liens entre le Liban et un pays frère, et à provoquer des réactions nuisibles aux Libanais et à leurs intérêts ».
Quelles sont les motivations qui ont poussé M. Béchara à soumettre sa dénonciation ? Des personnes de son entourage, interrogées par L'OLJ, indiquent que « tout individu a le droit de le faire », soulignant que « le délit dénoncé est imputé à un officier responsable qui a mené campagne contre le royaume wahhabite, l'accusant de promouvoir le terrorisme ». Ces mêmes personnes affirment que le conseiller de M. Rifi ne connaît ni de près ni de loin la directrice du bureau de lutte contre la cybercriminalité, mais qu'il a voulu ainsi réagir contre la plainte qu'elle a déposée à son encontre après avoir été démise de son poste, l'accusant d'avoir effectué une capture d'écran de son like, transmise par la suite à Ziad Itani, responsable du site d'informations Ayoub News. Assaad Béchara serait-il effectivement l'auteur de ces actes ? Ses proches affirment qu'« en tout état de cause, une capture d'écran ne constitue pas un délit ».
Il reste qu'il a été convoqué par la police judiciaire de Jdeidé pour être entendu sur cette affaire en tant que témoin mais, indiquent ces mêmes personnes, « il a refusé de témoigner, soulignant qu'il ne le fera que devant le juge d'instruction ». En outre, « il a à son tour intenté lundi une action pénale contre Mme Hajj, pour fausses imputations de crime, avant de poursuivre sur sa lancée hier en déposant sa dénonciation auprès du parquet ». Un recours au moyen duquel chaque personne peut alerter les autorités judiciaires de l'existence d'une infraction, même si elle est étrangère aux faits qu'elle rapporte.
Joint par L'OLJ, Charbel Khalil a commenté la démarche de M. Béchara en affirmant que « ce recours n'a aucune valeur ». « Le parquet classera sans suite la dénonciation », a-t-il estimé.
Pour mémoire
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ET... PERSE !
LA LIBRE EXPRESSION
10 h 20, le 11 octobre 2017