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Nos Lecteurs ont la Parole - par Lina ZAKHOUR

Voir au-delà du film « L’Insulte »

ABC Achrafieh, 20 heures. À l'écran : L'Insulte.
Parmi les spectateurs, combien de Tony et combien de Yasser, les deux acteurs principaux du film, l'un chrétien libanais, l'autre musulman palestinien, étaient présents dans la salle de cinéma ?
Tous deux, de bons gars.
Tous deux victimes.
De leur propre souffrance. De leur propre violence.
Et de la souffrance, et de la violence, de l'autre aussi.
Tous deux otages de combats qu'ils n'ont pas tout à fait choisis. De vécus subis.
En quête d'une justice... qui ne sera pas rendue en réalité.
Surtout, combien d'hommes, de femmes porte-drapeaux, s'accrochent-ils encore à des discours, et accrochent-ils encore aux murs de leurs maisons des photos de ces leaders, morts ou vivants, qui nourrissent et entretiennent des mémoires chargées de haine ou de douleur ?
Me détournant de l'écran, j'avais envie d'allumer une petite lumière dans cette salle obscure, pour lire dans les yeux des spectateurs l'histoire de chacun d'entre eux.
Qu'ils soient originaires de Damour ou d'un autre village du Liban. Qu'ils soient palestiniens ou libanais. Ce conflit, filmé à l'écran, matrice de la guerre libanaise, n'en est qu'un parmi tant d'autres qui, depuis 1975, ou même avant, sont nés, ont émergé, se sont compliqués, ont muté... mais sans forcément finir devant une Cour de justice, comme c'est le cas à l'écran.
Mais si l'action se déroule dans un tribunal, ce film n'a pas tant voulu en réalité pointer les responsabilités ni rendre justice. Même s'il en a l'air, et même s'il donne une figure plus sympathique, plus humaine à chacun des deux tristes protagonistes... le but premier n'est pas tant de réhabiliter une partie, une mémoire !
Pour cause : la leçon de ce film peut être transposée un peu partout, et prendre différents visages. Les massacres et autres tueries ne se sont-ils pas produits dans chaque recoin de ce pays ? Qui a commencé ? Qui a raison et qui a tort ? Comme l'ont montré les deux avocats, chaque situation si complexe appelle moult explications et justifications...
Les ficelles sont si bien tirées que ces peuples qui ont eu la malchance, le malheur, de naître là et à cet instant-là, sont les premières victimes de toutes ces horreurs même si des fois ils en furent les acteurs « volontaires »... les bourreaux autoproclamés.
Une certitude : ce qui est resté inchangé au fil des ans et des époques, c'est bien cette figure du politicien véreux qui a, à chaque fois, tiré son épingle du jeu, et survécu.
En 2017, il ressemble à ce soi-disant bienfaiteur, qui œuvre à enjoliver les murs de sa ville, en prévision des prochaines élections. Des murs dont les bases sont tellement craquelées qu'ils risquent de s'effondrer à chaque instant, à chaque insulte, n'en déplaise au politicien complaisant, sans scrupules, si antipathique à l'écran et comme il y'en a pléthore en vérité...
Mais il ne lui viendrait pas à l'idée de traiter la source du mal. Le règne de l'argent, le culte des apparences ont toujours la primauté dans ce pays : sauver la face. Et tant pis si le fond, lui, est pourri.
C'est à ce fond que Joëlle Touma et Ziad Doueiri ont voulu s'attaquer.
Pour dire que non, ça ne va pas.
Nous n'allons pas bien. Tous.
Même si cet été les festivals ont battu des records, dans nos villages. Même si des gratte-ciel poussent comme des champignons dans nos villes...
L'Insulte n'est qu'un film de cinéma qui a voulu mettre le doigt là où ça fait – encore – très mal, des décennies plus tard.
Le film réel, lui, se déroule chaque soir dans la salle. Et à la sortie des salles, lorsque chacun rentre chez lui. Pris au piège de sa propre histoire.
Si seulement ce film pouvait aider les spectateurs à se distancer – sans nier leurs douleurs – et à se libérer de ce réel...
À réaliser le grotesque et l'absurde de ces événements qui enlisent leurs vies, sabotent leurs présents et sabordent leurs futurs.
À tuer tous les Yasser et Tony en chacun d'eux. Yasser et Tony qui réélisent les mêmes politiciens véreux depuis des années, reproduisent le même schéma, et sont otages et victimes de leurs différentes visions d'un même réel, qui les fait tant souffrir...
C'est à ce seul prix qu'une renaissance est possible.
Pour chacun d'entre nous. Rêvant de vérité historique.
Et pour ce pays. Assoiffé de justice.

 

ABC Achrafieh, 20 heures. À l'écran : L'Insulte.Parmi les spectateurs, combien de Tony et combien de Yasser, les deux acteurs principaux du film, l'un chrétien libanais, l'autre musulman palestinien, étaient présents dans la salle de cinéma ?Tous deux, de bons gars.Tous deux victimes.De leur propre souffrance. De leur propre violence.Et de la souffrance, et de la violence, de l'autre...

commentaires (1)

Mouais. Too much. Bon film en moyenne mais passages à vide dus justement à l'absurdité des situations montées en sauce de manière bien excessive (les causes du deuxième procès) et mon Dieu ce monstrueux vice de forme (l'identité des deux avocats) qui aurait dû le rendre caduc. Les mêmes qui comme vous y voient une profonde révélation de nature à les faire inventer une deuxième fête nationale de la réconciliation style la fête de l'Annonciation qui prétend jeter des ponts là où il n'y en a aucun besoin (je prétends qu'il n'y a absolument aucun problème majeur de nature religieuse au Liban au niveau de la population) me rétorqueront que c'est du cinoche. Et c'est bien heureusement la meilleure défense du film qui mérite d'être vu pour ça.

M.E

05 h 07, le 21 septembre 2017

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Commentaires (1)

  • Mouais. Too much. Bon film en moyenne mais passages à vide dus justement à l'absurdité des situations montées en sauce de manière bien excessive (les causes du deuxième procès) et mon Dieu ce monstrueux vice de forme (l'identité des deux avocats) qui aurait dû le rendre caduc. Les mêmes qui comme vous y voient une profonde révélation de nature à les faire inventer une deuxième fête nationale de la réconciliation style la fête de l'Annonciation qui prétend jeter des ponts là où il n'y en a aucun besoin (je prétends qu'il n'y a absolument aucun problème majeur de nature religieuse au Liban au niveau de la population) me rétorqueront que c'est du cinoche. Et c'est bien heureusement la meilleure défense du film qui mérite d'être vu pour ça.

    M.E

    05 h 07, le 21 septembre 2017

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