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Moyen Orient et Monde - Birmanie

Suu Kyi dénonce la « désinformation » sur les Rohingyas

Selon les autorités birmanes, la dirigeante se serait rapprochée de la Chine et de la Russie pour échapper à une condamnation par le Conseil de sécurité.

Des réfugiés rohingyas au Bangladesh, le 1er septembre. Mohammad Ponir Hossain/Reuters

Aung San Suu Kyi, qui dirige de facto le gouvernement birman, a dénoncé hier l'« iceberg de désinformation » donnant selon elle une vision trompeuse de la crise des musulmans rohingyas, qui alarme la communauté internationale. C'est le premier commentaire officiel, depuis le début des troubles fin août de la prix Nobel de la paix, très critiquée à l'étranger pour son silence sur le sort de cette minorité musulmane, qui fuit par dizaines de milliers au Bangladesh.
La compassion internationale à l'égard des musulmans rohingyas est le résultat d'un « énorme iceberg de désinformation créé pour générer des problèmes entre les différentes communautés et promouvoir les intérêts des terroristes », a-t-elle déclaré lors d'un échange téléphonique avec le président turc Recep Tayyip Erdogan. Il a par ailleurs annoncé l'envoi de 10 000 tonnes d'aide humanitaire pour les Rohingyas. « J'ai parlé hier avec elle (Aung San Suu Kyi). Ils ont ouvert les portes après notre appel », a-t-il déclaré lors d'un rassemblement de son parti à Ankara.
M. Erdogan a à plusieurs reprises condamné la réponse du gouvernement birman à cette crise, parlant de « génocide » dans cette région du nord-ouest de la Birmanie, l'État de Rakhine. Une accusation rejetée par Aung San Suu Kyi, qui a toujours défendu l'action de l'armée et affirmé que son pays fait « en sorte que tous les habitants voient leurs droits protégés ».
Dans un communiqué émis par ses services sur Facebook, elle ne fait en revanche aucune mention du départ de dizaines de milliers de Rohingyas vers le Bangladesh voisin pour fuir les violences. Dans son communiqué, la dirigeante birmane assure que le gouvernement « a déjà entamé la protection de toute la population de Rakhine de la meilleure manière possible ». Aung San Suu Kyi cite notamment le cas de photos postées sur Twitter par un vice-Premier ministre turc qui les a ensuite effacées parce qu'elles ne provenaient même pas de Birmanie.
Les autorités birmanes ont par ailleurs pris contact avec la Russie et la Chine pour échapper à une éventuelle condamnation du Conseil de sécurité de l'ONU, selon Thaung Tun, conseiller à la Sécurité nationale. « Nous négocions avec des pays amis pour que cela n'aille pas devant le Conseil de sécurité. La Chine est notre amie et nous avons aussi des relations amicales avec la Russie. Il ne sera donc pas possible que cette question aille plus loin », a-t-il déclaré à la presse.

Fuite risquée
D'après les organisations humanitaires, outre les 146 000 réfugiés, principalement rohingyas, arrivés au Bangladesh depuis le 25 août, des milliers de personnes seraient en route et certaines toujours bloquées à la frontière. « J'ai marché pendant sept jours avec ma famille portant ma mère de 90 ans sur mon dos », raconte Ali Ahammad, un Rohingya de 38 ans, maigre et épuisé.
Nombre de Rohingyas tentent leur chance sur des rafiots de pêche à travers la rivière Naf, qui marque une frontière naturelle entre la Birmanie et la pointe sud-est du Bangladesh. Une solution risquée, les flots de ce cours d'eau pouvant être particulièrement capricieux en cette période de mousson en Asie du Sud. Les corps de cinq enfants noyés dans le naufrage de leur bateau se sont échoués hier côté Bangladesh.
Plusieurs réfugiés ont perdu des bras ou des jambes en sautant sur des mines placées du côté birman de la frontière. Le Bangladesh a convoqué hier l'ambassadeur de Birmanie pour protester contre ce minage de la zone.
Les violences ont commencé par l'attaque le 25 août de dizaines de postes de police par les rebelles de l'Arakan Rohingya Salvation Army (ARSA), qui dit vouloir défendre la minorité rohingya.
Depuis, l'armée birmane a déclenché une vaste opération dans cette région pauvre et reculée, l'État de Rakhine, qui a fait 400 morts. Jusqu'à présent, les Rohingyas n'avaient presque jamais recouru à la lutte armée. La donne a changé en octobre 2016 avec les premières attaques de l'ARSA.

Manifestation à Djakarta
Depuis des décennies, la minorité musulmane des Rohingyas, qui compte environ un million de personnes en Birmanie, est victime de discriminations dans le pays. Considérés comme des étrangers au sein de la Birmanie, pays à plus de 90 % bouddhiste, les Rohingyas sont apatrides, même si certains vivent dans ce pays depuis des générations. Ils n'ont pas accès au marché du travail, aux écoles, aux hôpitaux. Et la montée du nationalisme bouddhiste ces dernières années a attisé l'hostilité à leur encontre, avec des affrontements meurtriers. Une situation qui rendait le silence d'Aung San Suu Kyi inacceptable à l'étranger. Des milliers de musulmans ont manifesté hier à Djakarta pour exiger la fin des violences. Le Programme alimentaire mondial a de son côté annoncé hier qu'il distribuait au Bangladesh de la nourriture à des dizaines de milliers de réfugiés, essentiellement les Rohingyas.
Pour Amnesty International, « Aung San Suu Kyi semble minimiser les informations terribles qui parviennent de la région ». Prenant la tête des protestations internationales, la jeune prix Nobel de la paix Malala Yousafzai avait critiqué lundi la gestion du drame par la Birmanie évoquant « le traitement honteux dont font l'objet les Rohingyas ».
Certains analystes estiment que la prix Nobel de la paix est impuissante face à la montée des bouddhistes extrémistes et face à une armée qui reste très forte y compris politiquement dans un pays qui fut pendant près de 50 ans une dictature militaire.
Après une enquête sur la précédente flambée de violence, l'ONU avait dénoncé la vaste entreprise de répression « généralisée et systématique » menée essentiellement par l'armée à l'encontre des Rohingyas. Les Nations unies estimaient que cela avait abouti à un « nettoyage ethnique » et « très probablement » à des crimes contre l'humanité. Le sort de ces réfugiés, souvent démunis de tout, inquiète fortement les représentants des Nations unies sur place. À New York mardi, le secrétaire général de l'organisation, Antonio Guterres, a écrit – fait rare – au Conseil de sécurité pour le mettre en garde contre « une catastrophe humanitaire ».
Sources : agences

Aung San Suu Kyi, qui dirige de facto le gouvernement birman, a dénoncé hier l'« iceberg de désinformation » donnant selon elle une vision trompeuse de la crise des musulmans rohingyas, qui alarme la communauté internationale. C'est le premier commentaire officiel, depuis le début des troubles fin août de la prix Nobel de la paix, très critiquée à l'étranger pour son silence sur le...
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