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Culture - Festival de Byblos

Milky Chance, au saut du lit, vers le port de Byblos...

Malins, hirsutes, gouailleurs et sacrément doués, les Allemands qui avaient enflammé le web avec les tubes « Stolen Dance » et « Down by the River » se sont produits hier soir à Jbeil.

Les Allemands de Milky Chance ont offert leur pop tendre, mais ébouriffée, fabriquée pour faire chavirer les cœurs en chantier de l’adolescence… Photo Press Agency

Ce ne sont pas que des liens de sons, mais aussi ceux d'une amitié de bancs de classe, qui ont d'abord réuni Clemens Rehbein et Philipp Dausch du duo Milky Chance. Milky Chance, en écho à Milky Way (galaxie), Milky Chance comme faire un saut à l'élastique ou comme on se propulse dans la stratosphère en se fichant d'avoir, ou pas, la chance blottie au creux de la poche.

C'est de la sorte que les deux gamins taquins, à peine sortis de leur lycée de Kassel, au centre de l'Allemagne, ont lancé leur groupe et leur musique qui est immédiatement devenue l'emblème d'une pop adolescente, tel un bonbon acidulé, qui fait flamber les lèvres, mais au cœur tendre et moelleux. Le mariage incongru de maladresse et de sens mélodique inné, balancé sur leur chaîne YouTube en 2012 à travers les refrains déchirants aux échos secrets de Running, Down by the River ou Stolen Dance, avait immédiatement mis le feu aux blogs et affolé les rois de l'industrie du disque.

 

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Des garçons dans le vent
Foncièrement libres, un rien impertinents, quoique culminant en tête du hit-parade ou des dix morceaux les plus shazamés de la planète en 2014, les deux musiciens n'avaient pourtant pas cédé aux chants (alléchants) des sirènes des maisons de disque et avaient eu l'intelligence de contenir leur excitation débordante, de peaufiner sans émousser leur jubilation juvénile et ainsi fonder leur propre label Lichtdicht Records, soit une belle manière de s'affranchir de cette industrie redoutable et de concocter, comme à la maison, en toute autonomie, un premier album baptisé Sadnecessary.

À l'époque, Clemens (au chant et à la guitare) et Philip (à la batterie, aux percussions et aux chœurs) sont à peine majeurs, mais leur groupe s'avère l'être. Majeur, et surtout mûr, en produisant exactement le genre de disque connoté et agité qu'il fallait pour remettre l'Allemagne sur le terrain de jeu d'une pop palpitante, teenager (dans le bon sens du terme), crâneuse et ambitieuse.

À peine ont-ils eu le temps de profiter du succès de Sadnecessary, que les Allemands sont revenus à la charge avec un deuxième album, Blossom (sorti en mars dernier), rejoints par un troisième membre, Antonio Greger, à la guitare et à la basse. Comme le titre du disque l'annonce (Blossom veut dire éclosion en français), la pop de ces musiciens sort de sa mélancolie toute en pastels pour gambader sur un terrain balisé d'arc-en-ciel fluo. De toute évidence, sur la scène du Festival de Byblos, on aurait d'abord pu croire que le groupe, mûri et affranchi, se serait concentré sur les titres récents qui se sont enchaînés dont Clouds sur lequel s'est ouvert le concert, Ego à l'éraillement rasta grunge, Blossom ou encore Cocoon qui fait perler cordes et beats affolés avec un swing hoquetant fait de « Eh, ah ! », issus d'une discographie pourtant bien fournie et qui n'a cessé d'évoluer depuis le premier morceau datant d'il y a cinq ans.

 

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Un concert chamarré
Sauf qu'un pied dans l'adolescence et l'autre dans l'âge de l'émancipation, le trio, qui a gagné remarquablement en audace mais aussi en volupté, en sophistication et en diversité, ébauche (toutefois) un dégradé allant du sucré à l'acide, une construction assez surprenante (avec pour toile de fond la citadelle de Byblos) qui ratisse tout sur son passage, sans craintes et sans hiérarchie – quitte à parfois se perdre dans une noria d'influences musicales – et engendre de la sorte un patchwork de sons chamarrés, quoique parfois inégaux.

Aucune frontière, aucun mur donc entre la version quasi acoustique d'un Cold Blue Rain qui basculerait presque dans une soul dégoulinante, et des titres plus « produits » genre Bad Things, Doing Good ou Peripeteia. Et très vite, rattrapés par une adolescence qui semble sans cesse les tirer par la manche, les morceaux du premier album reviennent titiller les musiciens du trio, ainsi que le public qui s'enflamme aux notes de groove contemporain éclaboussé à cette matière folk concoctée par les tendres mains des Milky Chance.

D'abord Down by the River qui a émergé en deuxième moitié de concert dans un feu d'artifice à l'après-goût presque murmurant, puis le tubesque Stolen Dance au refrain entêtant, quémandé en bis puis repris par l'assistance relativement molle jusqu'à ce moment. En résumé : une chose n'aura pas bougé avec le temps, à part ce look au saut du lit et cette façon de chanter généreusement, sans fards ni anicroches, c'est le son Milky Chance qui demeure toujours ce beau bordel bariolé, à base de friandises multicolores et de bouteilles à bulles. Et musicalement, sur scène, le résultat est à la hauteur de cette sincérité. Il tient les promesses d'un concert efficace, sans minauderie rockeuse excessive, ni démonstration de muscles particulière. Sinon celle d'une pop solaire, échevelée et attendrissante, euphorique par-ci et valsant avec mélancolie par-là, parfois maladroite et allant dans tous les sens, mais sans ne jamais rien perdre en tonus et en malice. Le genre de musique à nous transporter illico vers une chambre épinglée de posters, une folk à faire gigoter une myriade de papillons dans le ventre et à coller un sourire extatique sur le visage, comme lorsqu'on chantait face à un miroir, brosse à la main en guise de micro, sur les ruines encore fumantes d'une adolescence qu'on voudrait éternelle...

 

 

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C'est de la sorte...

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