On s'est souvent définis, en tant que Libanais(es), comme étant les rois et reines de l'hospitalité. Rois et reines de la solidarité, des services rendus, de la joie de vivre. Kings and Queens de la nightlife et de ce qu'on fait de mieux en général. Le taboulé par exemple. C'est vrai aussi qu'on rit fort, qu'on est souvent loud et qu'on conduit plutôt mal. Mais au-delà de ce que nous avons chez nous et de ce que nous mangeons, il y a certains traits que l'on retrouve chez un très grand nombre d'entre nous. Quel que soit l'âge, la religion, l'orientation sexuelle, le milieu. Bref chez quasiment tous les Libanais et les Libanaises.
Nos expressions communes. Pas les proverbes et autres dictons populaires. Non. La façon qu'on a de s'exprimer en onomatopées, ou avec des mots et des phrases aussi génériques que cultes. D'abord, il y a le sempiternel Yalla. Qui, selon l'intonation, change de signification. Il y a le Yalla court et impératif. Le Yallaaaaaa élastique et le Yalla, précédé d'un Wlak ou d'un Wlik qu'on aime bien utiliser avec le Khalaaaass étiré que nos enfants ne supportent plus d'entendre. Oui, généralement ça veut dire « Allez ! » Mais ça peut vouloir dire également « OK », « J'y vais », « J'arrive ». Yalla bye quoi. C'est facilement explicable à un étranger qui entend ce mot sortir de la bouche de la plupart des gens qu'il croise au Liban (ou de celle des fans de Calogéro).
Si on remonte de deux lettres dans le dictionnaire, on a les intraduisibles Walla et Walaw, suivis de très près par Wlo. Walla avec point d'interrogation, ça peut vouloir dire « C'est vrai ? » Ça peut être aussi bien un « Ah, ouais » ironique comme un « Pas mal » admiratif. Ou pour jurer qu'on dit la vérité. Bref, on se comprend. Dans la série des W, le tsar de la non-traduction, le mystère de notre langue : le Walaw. Walaw ??? Walaaaaaaaw ! Walaw, s'il te plaît, apporte-moi mon pull. Inno Walaw. Que celui qui peut donner une définition de cette onomatopée, yi 3allé 2ido. La Wlo ? Le Wlo est une sorte de uuuffff qu'on emploie fréquemment dans la langue de Feyrouz. On peut également décliner ce Wlo. Tour à tour exaspéré, étonné, choqué, il a pour synonyme entre autres : Ya Allah. Qui n'est pas un appel à Dieu comme on pourrait l'imaginer. Cette soi-disant invocation divine est en réalité l'expression de différents sentiments. Là aussi, le ton utilisé est primordial. Énervement, déception, irritation ; tout dépend du point d'exclamation et de la lettre sur laquelle on appuie.
Laaaa ? Mbala. Ah bon ? Ben oui. Avec un sourire, un mouvement de nuque vers l'arrière ou un soupçon de sarcasme (No shit) et l'interprétation change. Laaaa, la bouche grande ouverte. Un peu comme le hochement de tête. Vers le bas, c'est « oui » ou Mbala. Vers le haut c'est « non » ou le fameux Tsk Tsk. « Non » auquel on peut rétorquer un Machchina ! Rien à voir avec le « Faire marcher » français. Non, Machchina, c'est un peu de Bcharafak/Bcharafik saupoudré d'un soupçon de la2mané qui ne trouvera pas non plus de traduction exacte. Ni ironie ni sarcasme, la la2mané se conjugue, au grand désarroi de tout touriste qui s'aventure sur le territoire libanais.
Meché l'7al. La situation se porte bien. C'est un fait, sauf que là, ça veut dire « ça vaaaa », avec petit coup de poignet vers le haut. Je te suis rentré dedans alors que j'étais en sens interdit ? Meché l'7al. Une petite moue dédaigneuse est de rigueur. Uft. Ma32oul ? Et Mech Ma32oul. Possible, impossible, qui, à l'instar d'autres exclamations, ne veut pas forcément dire ce qu'il est censé dire. C'est un peu de « c'est vrai ? » en guise de demande de confirmation et pas de véridicité. Un peu de l'anglais No way. Bref, ça se veut multiples et doit, dans le langage SMS arabe constitué de nombres, être suivi d'une multitude de points d'exclamations. Ya3né (« tu vois ce que je veux dire ») : « !!!! ».
Enfin, pour conclure, rendons hommage au Chou national. Ni chou-fleur, ni chou à la crème. Chou ? « Alors ? », « Quoi ? », « Qu'est-ce que ? », « Donc » ? Un Chou au choix selon le mot ou le verbe qui le suivra. Chou ? Chou ?!?! Chou 3amil ? Chou, on y va ? Chou sar ? Chou, comment tu as fait ton anticipation ? Anticipation en italique parce que c'est un mot obsolète pour désigner l'épreuve de français du bac. Yih Yih Yih. Version appuyée et multipliée du fameux Yiiii. Parce que nous, nous aimons particulièrement répéter les mots...
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Ktir mahdoumeh
Marie-Jo Abou Jaoude
14 h 28, le 15 juillet 2017