Face à la colère des parents de près de 2 000 détenus islamistes qui, depuis de nombreux mois, réclament sans succès une loi d'amnistie pour leurs proches, le Premier ministre, Saad Hariri, s'est engagé à œuvrer pour la promulgation d'une telle loi.
« Je connais votre souffrance et comprends vos sentiments », a lancé M. Hariri à l'adresse des parents des prisonniers islamistes, lors d'une rencontre avec eux à la mosquée d'al-Khair, à Minieh (Liban-Nord), s'engageant à « presser le pas pour élaborer un projet de loi d'amnistie dont bénéficiera tout individu qui le mérite ».
Dans la nuit de dimanche à lundi, le chef du gouvernement avait prononcé un discours dans le même esprit, lors d'un « souhour » organisé par le comité de coordination du courant du Futur, au domicile de Moataz Zreika, membre du bureau politique du parti. Étaient présents les députés Ahmad Fatfat, Kassem Abdel Aziz et Kazem Kheir, ainsi que des personnalités et des habitants de la région.
« Je m'engage devant vous à faire promulguer le plus rapidement possible une loi d'amnistie qui donne à chacun son droit », avait-il déclaré lors de cet événement, affirmant sa volonté « de collaborer avec le chef de l'État, Michel Aoun, pour aider les détenus islamistes dans les limites de la loi ».
Tout en reconnaissant et stigmatisant « l'oppression du peuple syrien en Syrie », le chef du gouvernement a mis en garde les habitants du Liban-Nord contre « la tentation de rejoindre les mouvements extrémistes sous prétexte de soutenir les frères syriens persécutés ou de se cacher derrière des slogans religieux pour des visées irresponsables ». Il a appelé « tout citoyen responsable » à « prévenir les jeunes contre la radicalisation et les mettre en garde contre le danger d'intégrer les groupes extrémistes qui utilisent l'islam pour accomplir leurs funestes objectifs ».
La loi d'amnistie est un acte du législateur qui éteint l'action publique contre un accusé, ou annule la condamnation prononcée contre lui, ou encore met un terme à l'exécution de la peine qu'il purge.
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Les milieux de l'opposition dubitatifs
Alors que, depuis le début de l'année, les familles des détenus se mobilisent en organisant des sit-in dans diverses régions du pays (Békaa, Liban-Sud et Liban-Nord) pour faire adopter cette loi d'amnistie, pourquoi M. Hariri a-t-il choisi ce timing pour la promouvoir ?
Dans les milieux nordistes opposés au chef du courant du Futur, l'on estime que sa démarche n'est pas dénuée de calculs politiques. Pour l'ancien député de Tripoli, Misbah Ahdab, la mobilisation de M. Hariri « est fondée sur le clientélisme, d'autant que nous sommes probablement à la veille d'élections législatives ».
« Parmi les prisonniers, se trouvent de nombreux jeunes chômeurs accusés de terrorisme, alors que c'est la misère qui les avait poussés à accepter de prendre les armes que leur tendaient les structures sécuritaires de deux Premiers ministres », dénonce M. Ahdab à L'Orient-Le Jour, accusant des responsables d'« avoir enrôlé des jeunes gens et de leur avoir distribué des permis de port d'armes pour aller combattre l'armée en leur demandant d'aller affronter "les mécréants" », affirme l'ancien député, déplorant au passage le fait qu'« aucun de ces instigateurs n'a été inquiété ».
Selon M. Ahdab, « la volonté actuelle de libérer les prisonniers, s'inscrivant dans un objectif électoral, a pour but d'attirer des milliers d'électeurs ». L'ancien député estime sur ce plan que « les 14 000 personnes qui sont sur les listes de surveillance des organismes sécuritaires vont probablement bénéficier de l'amnistie ».
Concernant ces individus qui font l'objet de « mesures de soumission » (mouzakkarat ikhdah), l'activiste Nabil Halabi, président de l'association Life pour les droits de l'homme, joint par L'OLJ, réclame que la loi d'amnistie « soit adoptée dans les plus brefs délais, d'autant que ces mesures (de "soumission") n'existent dans aucun texte de loi et sont appliquées sur base de rapports de services de renseignements ». Il accuse ces derniers de « continuer à se rebeller contre le pouvoir exécutif, qui leur avait demandé, en 2014, de cesser leurs exactions ».
« Dans nos principes, nous n'acceptons pas la soustraction à la loi et nous rejetons donc l'idée d'amnistie », indique M. Halabi, soulignant cependant que « de nombreux Libanais sont victimes de décisions arbitraires émises sur base de considérations politiques ». Il évoque dans le même esprit « les jugements rendus par les tribunaux militaires qui, du temps de la tutelle, étaient à la solde de la Syrie et travaillent aujourd'hui dans l'intérêt du Hezbollah », déplorant que ces décisions soient « définitives et non susceptibles d'appel ». À l'opposé, l'activiste rejette l'application de l'amnistie au bénéfice des « criminels et auteurs d'actes terroristes ayant reconnu leur crime librement, sans subir de mauvais traitements et des tortures ».
Quant à l'ancien ministre de la Justice Achraf Rifi, également contacté par L'OLJ, il estime que la loi d'amnistie est « nécessaire », rappelant qu'en 2016, lorsqu'il était ministre au sein du gouvernement de l'ancien Premier ministre Tammam Salam, il avait créé une commission judiciaire pour élaborer un plan en vue de la préparation de cette loi. M. Rifi invoque nombre de motifs qui avaient justifié sa démarche, notamment « la surpopulation carcérale, la lenteur inacceptable dans les jugements et autres mesures judiciaires, et la situation sociale déplorable des familles des condamnés ».
À la question de savoir si la loi d'amnistie est pour bientôt, M. Rifi indique « qu'une grande partie des forces politiques y sont favorables », estimant qu'« elle doit être adoptée dans les plus brefs délais – abstraction faite des intérêts électoraux... ».
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13 h 49, le 06 juin 2017