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Moyen Orient et Monde - Éclairage

Erdogan va-t-il céder sur Chypre ?

Une femme porte une affiche appelant à l'unité de Chypre, lors d'une manifestation en faveur de la réunification de l'île, à Nicosie, le 3 juin. Yiannis Kourtoglou/Reuters


« Nous serons là pour toujours. » Au terme de la conférence sur la réunification de Chypre en janvier dernier, Recep Tayyip Erdogan confirmait à Genève la position ferme de la Turquie sur le dossier chypriote. Lors de la rencontre entre les délégations chypriote grecque et chypriote turque, ainsi que les puissances garantes de l'île – la Turquie, la Grèce et la Grande-Bretagne –, l'espoir de trouver un compromis s'était intensifié. C'est pourtant la déception qui a conclu ces négociations mises en place depuis 2015 par Espen Barth Eide, émissaire pour Chypre de l'Organisation des Nations unies (ONU). En cause d'abord, plusieurs sujets épineux dont les ajustements territoriaux, les droits de propriété, le partage du pouvoir au sein de futures instances fédérales et surtout les arrangements en matière de sécurité.
Dans la nuit de dimanche à lundi, les présidents chypriote grec et chypriote turc se sont réunis autour d'un dîner à New York en présence du secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres. L'addition ? Une nouvelle rencontre plus tard en juin pour un menu identique : les pourparlers de réunification.
La rencontre d'avant-hier a prouvé une nouvelle fois que la question sécuritaire avait « une importance vitale pour les deux communautés », a déclaré Antonio Guterres au terme de la rencontre qui a duré quatre heures. Envisager une cessation du conflit repose assurément sur le retrait de l'armée d'Ankara de la République turque de Chypre du Nord (RTCN) – entité non reconnue, sauf par Ankara, occupant 37 % de l'île méditerranéenne. D'un côté, le refus est catégorique. De l'autre, Nicos Anastasiades, président de la République de Chypre, ne transigera pas sur cette condition. Mais la donne pourrait avoir changé : le point de passage pour sortir de cette impasse est finalement à même de se trouver sur le plan militaire. « Aujourd'hui, l'armée turque n'est pas en très grande forme à cause des purges exigées par le président turc et des effectifs importants placés à la frontière syrienne. Chypre coûte donc cher en hommes », explique Gilles Bertrand, maître de conférences à Sciences Po Bordeaux et spécialiste de la question chypriote, interrogé par L'Orient-Le Jour. Une opportunité de compromis pourrait bien se créer alors que les forces armées d'Erdogan souffrent des enjeux nationaux et internationaux. Mais les pourparlers de réunification se heurtent maintenant à l'élection présidentielle chypriote grecques prévue l'année prochaine, à laquelle se présente Nicos Anastasiades, dont une grande partie de l'électorat « n'est pas préparée à faire des concessions », ajoute Gilles Bertrand.
En 2004, déjà, l'opinion publique chypriote grecque ne semblait pas ouverte au compromis dans le processus de réunification puisque 75 % d'entre eux votèrent contre le Plan de paix Annan, soumis à la population par référendum. Le retrait des troupes turques était pourtant une mesure qu'avait accepté la Turquie du Premier ministre Erdogan, ouverte à en finir avec la partition de l'île. Mais le même Erdogan pourrait-il aujourd'hui faire l'effort de fléchir sa position sur ce plan ? « Ce qui est sûr, c'est que la Turquie ne veut pas renoncer à son statut de puissance garante », rappelle Gilles Bertrand. Si la scène politique est figée par les soutiens respectifs de la Turquie et de la Grèce apportés aux deux républiques chypriotes, les puissances tutélaires semblent pourtant être les leviers d'émergence d'un éventuel accord.

Chypre, nouveau canal de discussion avec l'UE
L'enjeu de la réunification de Chypre, membre de l'Union européenne depuis 2004, reste crucial pour envisager un nouveau rapprochement entre Ankara et Bruxelles. Malgré de vives tensions, la rencontre fin mai entre M. Erdogan et les dirigeants européens a montré la volonté de mettre en place une dynamique d'apaisement et de coopération dans leur relation. « Un succès diplomatique à Chypre ferait l'affaire d'Erdogan. Cela lui permettrait de dire aux Européens : "Vous voyez, moi je suis conciliant" », avance Gilles Bertrand. Dans le viseur d'Erdogan, la crise des réfugiés, devenue la priorité des discussions entre la Turquie et l'Union européenne. Lâcher du lest sur la question chypriote pourrait être le moyen d'exiger davantage de l'Europe en matière de migration. « La Turquie est complètement ouverte à trouver une solution » à Chypre affirme, de sources proches du président Erdogan, Ahmet Sözen, expert en relations internationales en RTCN, ayant participé aux négociations en 2008, interrogé par L'Orient-Le Jour.
Si la réunification de Chypre encouragerait la relation entre la Turquie et l'Union européenne à se développer, un problème demeure. « Les dirigeants en ont plus qu'assez du comportement des chypriotes grecs qui ne veulent pas partager le pouvoir ou prendre une décision commune avec les chypriotes turcs sur l'exploitation du gaz naturel », ajoute Ahmet Sözen. L'importance des champs gaziers découverts au large de Chypre, comme d'Israël et de l'Égypte, donne en effet du fil à retordre à des négociations déjà compliquées. Les intérêts économiques que représente cette ressource et la position ferme de la République de Chypre se posant comme seul gouvernement légitime pour décider de la question des hydrocarbures inquiètent. « Cela soulève de vives tensions qui pourraient malheureusement dégénérer en conflit », assure Ahmet Sözen.

Les négociations de la dernière chance
L'île de Chypre sera-t-elle réunifiée? Une question posée depuis 1974 mais qui ne trouve aucune réponse encourageante, laissant étrangères de nouvelles générations. Outre l'approfondissement d'un fossé entre communautés, le facteur « temps » multiplie les points de discorde. Mais Ahmet Sözen reste optimiste : « Il y a eu quarante ans de négociations intercommunautaires et j'ai entendu "dernière chance" un grand nombre de fois. » Et les discussions risquent encore d'être longues car « rien ne sera accepté jusqu'à ce que tout soit accepté », a souligné Antonio Guterres au terme du dîner new-yorkais du 4 juin. Si les pourparlers continuent, la réunification de Chypre nécessitera manifestement beaucoup de salive et un grand appétit. « Dans tous les cas, on ne peut et ne pourra pas tout mettre sur le dos de la Turquie », conclut Gilles Bertrand.

« Nous serons là pour toujours. » Au terme de la conférence sur la réunification de Chypre en janvier dernier, Recep Tayyip Erdogan confirmait à Genève la position ferme de la Turquie sur le dossier chypriote. Lors de la rencontre entre les délégations chypriote grecque et chypriote turque, ainsi que les puissances garantes de l'île – la Turquie, la Grèce et la Grande-Bretagne –,...

commentaires (2)

QUE LA TURQUIE SE RETIRE ET CESSE DE S,IMPOSER AUX TURCS CHYPRIOTES DE L,ILE ET LES DEUX COMMUNAUTES VIVRAIENT EN HARMONIE... C,EST CE QUE DISENT LES TURCS CHYPRIOTES...

LA LIBRE EXPRESSION

17 h 25, le 06 juin 2017

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Commentaires (2)

  • QUE LA TURQUIE SE RETIRE ET CESSE DE S,IMPOSER AUX TURCS CHYPRIOTES DE L,ILE ET LES DEUX COMMUNAUTES VIVRAIENT EN HARMONIE... C,EST CE QUE DISENT LES TURCS CHYPRIOTES...

    LA LIBRE EXPRESSION

    17 h 25, le 06 juin 2017

  • La situation de Chypre est exactement identique a celle du Liban des années 70 & 80, lorsque les Syriens occupaient le pays imposant une division de facto pour y rester le plus longtemps possible pour a la fin l'annexer. Pour la Syrie le Liban était une source de richesse économique de par ses services et sa position géostratégique, idem pour Chypre et la Turquie avec en plus sur toile de fond, la richesse pétrolière et gazière. Ce que Mr. Sozen oublie c'est que ce ne sont pas les Grecs Chypriotes qui ont envahi une partie de la Turquie mais bien le contraire, que l'ONU reconnait leur état comme étant le seul légal représentant tous les Chypriotes internationalement et que les richesses gazières leurs appartiennent. Que les Turcs quittent le pays et laissent le champs libre aux Chypriotes Turcs de décider de leurs sort et demain matin la solution verra le jour. La Turquie va finir comme la Syrie et l'Irak. Il n'y a donc pas beaucoup d'effort a faire pour que les Chypriotes retrouvent leurs unités. Si la Turquie envisage de lâcher du lest c'est justement parce qu'ils pressentent que le vent a tourné. Le Qatar étant leur allie, l’exemple de ce qui risque de leur arriver et clair.

    Pierre Hadjigeorgiou

    12 h 47, le 06 juin 2017

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