Son heure est enfin venue. A bientôt 70 ans, le maire PS de Lyon Gérard Collomb, jusqu'alors privé de destin national en dépit de sa réussite locale, prend sa revanche en entrant au gouvernement pour la première fois. (voir ici la composition du premier gouvernement du quinquennat Macron)
Il hérite d'un ministère d'État, l'Intérieur, à la hauteur de son engagement dans la campagne. Comme de ses frustrations passées: autour de lui, Jean-Jack Queyranne, Najat Vallaud-Belkacem, Thierry Braillard ou Hélène Geoffroy étaient devenus ministre ou secrétaire d'État, et pas lui.
Collomb, pionnier en matière de vidéosurveillance mais longtemps réticent à armer ses policiers, est désormais "premier flic de France" place Beauvau, où un de ses fils, aujourd'hui en disponibilité à la Fédération française de golf, a travaillé dans le passé.
"Je n'ai pas d'exigences", assurait-il à l'AFP en septembre, interrogé sur ses attentes personnelles en cas de victoire d'Emmanuel Macron à la présidentielle. A l'époque, personne n'y croyait encore. Lui, si.
Dès juin 2016, quand le nouveau président était encore à Bercy mais avait déjà lancé son mouvement, le maire de Lyon, fâché avec Manuel Valls, lui avait déroulé le tapis rouge à l'Hôtel de Ville pour une rencontre avec les forces vives de la métropole.
Puis en septembre, une semaine après la démission du ministre, il avait organisé un rassemblement d'En Marche! sur une péniche du Rhône, aux allures de club d'entrepreneurs prêts à mettre la main au portefeuille. Quinze jours plus tard, le futur candidat clôturait un "Sommet des réformistes européens" à Lyon, désormais fief de la Macronie.
"Le truc incontestable, c'est que Collomb est à fond", indiquait alors à l'AFP un ancien responsable socialiste du cru. "Je revois les mêmes qu'il mobilisait pour Royal, puis Strauss-Kahn et Hollande derrière; ce sont les obligés."
Quarante ans de joutes électorales n'ont pas lassé, bien au contraire, cet animal politique. Pas mécontent de se venger, au passage, de ceux qui ne l'ont jamais pris au sérieux.
Une sorte de filiation
Mais l'engouement de Collomb, qui n'a pu retenir ses larmes lors de l'investiture dimanche à l'Élysée, va au-delà, ce chantre du social-réformisme voyant dans son cadet de trente ans - croisé à l'été 2015 à Léognan (Gironde), où l'aile droite du PS avait convié celui que le reste du parti boudait à La Rochelle - une sorte de filiation.
"Ce que moi j'ai essayé de faire pour ma ville, ce que lui demain va faire pour la France, c'est rassembler", a dit sur un plateau de télévision, le 7 mai, le socialiste qui dirige l'agglomération depuis seize ans avec des appuis au centre, voire à droite - son "modèle lyonnais" de gouvernance et de pragmatisme qu'il a souvent promu, en vain.
Là aussi, la place fut longue à se libérer pour l'ancien prof, candidat à la mairie pour la première fois en 1983. Battu à trois reprises avant d'être élu en 2001, puis reconduit en 2008 et 2014.
Né le 20 juin 1947 à Chalon-sur-Saône, d'une mère femme de ménage et d'un père ouvrier, cet agrégé de lettres classiques, fan d'Eddy Mitchell, enseigne quelques années avant d'être élu député en 1981. Rocardien, ce dont François Mitterrand lui gardera rancune, proche de Pierre Mauroy, il navigue souvent contre les flots au sein du PS, à Paris comme à la Fédération du Rhône.
Après un cuisant échec contre Michel Noir, puis la chute de celui-ci, le temps de "Gégé", qui rase sa moustache et abandonne ses grosses lunettes, commence à venir. Aux municipales de 1995, Raymond Barre l'emporte mais Collomb récupère le 9e arrondissement, où il cultive son réseau dans le monde économique.
C'en est fini du "loser". Quatre ans plus tard, il est sénateur. En 2001, la droite se déchire autour de Charles Millon et Lyon bascule. Depuis, c'est le patron. Qui multiplie les chantiers pour transformer la ville et son image, avec succès. Efficace mais autocrate, il impose sa ligne et gare à ceux qui s'en écartent.
Très attaché à sa ville, ce père de cinq enfants avait annoncé, fin août dernier, qu'il briguerait sa succession à la tête de la métropole en 2020 et au soir du second tour, son épouse assurait encore qu'il resterait à Lyon. La tentation d'être autre chose qu'un baron de province l'aura emporté.
Pierre Pratabuy
Les plus commentés
Geagea réclame implicitement la dissolution des Soldats du Seigneur après une rixe meurtrière à Achrafieh
Présidentielle au Liban : « Il ne faut pas se dépêcher pour élire n'importe qui », estime Massad Boulos
À Nabatiyé, la désillusion face au lourd prix de la « résistance »