Un scandale de corruption touchant les plus hautes sphères du pouvoir, un chômage record et l'austérité toujours au programme : pour beaucoup de Brésiliens, peu de choses ont changé depuis l'éviction il y a un an de la présidente Dilma Rousseff pour maquillage des comptes publics.
"Ils ont dit que le problème était la présidente. Ils l'ont écartée du pouvoir, mis un autre à sa place, mais rien n'a changé", affirme Gabriel, jeune employé d'un bar dans une favela de Rio de Janeiro.
Le 12 mai 2016, Dilma Rousseff, du Parti des travailleurs (PT, gauche), était suspendue de la présidence, première étape de ce qu'elle a dénoncé comme "un coup d'Etat institutionnel" et qui a abouti à son impeachment le 31 août suivant. Son vice-président de l'époque, Michel Temer, a alors pris sa place, promettant de changer radicalement la politique menée dans le pays afin de renouer avec la confiance des marchés alors que le Brésil traverse la pire récession de son histoire. Mais un an plus tard, huit Brésiliens sur dix se disent déçus, selon un sondage de l'institut Datafolha. Seuls 9% approuvent sa gestion.
Vendredi, le président conservateur, qui dirigera le pays jusqu'à fin 2018, a pourtant affiché sa satisfaction lors d'une cérémonie à Brasilia. "Nous terminons notre première année de gouvernement avec l'entière conviction que nous sommes sur le bon chemin", a-t-il lancé, assurant remettre le pays "en ordre".
Son exigeant programme d'austérité, combinant gel des dépenses publiques pendant vingt ans, réforme du marché du travail pour le rendre plus flexible et projet pour repousser l'âge de départ à la retraite ont fait plonger sa popularité, soulignent les analystes.
Et les résultats se font encore attendre. Le gouvernement n'attend qu'une timide reprise en 2017 (+0,5%) et le chômage est à un niveau record (13,7%), touchant 14,2 millions de personnes.
Michel Temer "a accédé au pouvoir par la porte de derrière et a proposé des changements radicaux au sein de l'Etat brésilien, sans avoir été choisi par le vote populaire", observe Otavio Guimaraes, professeur d'histoire à l'université de Brasilia.
Crédibilité entamée
"Nous pourrions discuter pour savoir si les réformes sont nécessaires ou non, mais de toute façon, elle ne sont pas passées par le tamis des élections", renchérit le docteur en science politique Nuno Coimbra, chercheur à l'université de Sao Paulo.
Il admet que Dilma Rousseff, dans ses derniers temps au pouvoir, avait perdu sa "capacité de gouverner", mais il estime aussi que d'un point de vue juridique, l'impeachment a été "très controversé", fragilisant la légitimité du gouvernement actuel.
"Je crois que la destitution (de Dilma Rousseff) a été bonne pour le Brésil, car cela a permis de renverser la récession et de remettre le pays sur la voie d'une croissance stable", assure de son côté l'analyste politique David Fleischer, professeur émérite de l'université de Brasilia.
Le président Temer reconnaît que sa politique ne le rend pas populaire mais préfère qu'on se souvienne de lui comme celui "qui a fait les grandes réformes, qui a permis que les prochains gouvernements ne trouvent pas un Brésil tel que celui que nous avons trouvé".
Mais sa crédibilité est entamée par la corruption touchant son équipe : au moins huit de ses ministres font l'objet d'une enquête dans le cadre de l'opération "Lavage express", qui a révélé un vaste réseau de pots-de-vin autour du géant pétrolier étatique Petrobras.
Près d'un tiers des sénateurs et une quarantaine de députés, de presque tout l'éventail politique, sont également soupçonnés par la justice.
Depuis l'impeachment de Dilma Rousseff, "rien n'a changé. C'est même devenu pire. Pour moi, ils devraient tous quitter le pouvoir et appeler à une nouvelle élection présidentielle", estime le chauffeur de taxi Carlos Roberto, de Rio de Janeiro.
Mais qui pourraient alors choisir les Brésiliens? L'ex-président (2003-2010) et emblème de la gauche Luiz Inacio Lula da Silva, actuel favori des sondages. Malgré les cinq procédures judiciaires pour corruption le visant, il récolterait 30% des votes, loin devant ses concurrents, prédit Datafolha. Mais s'il est condamné et que la sentence est confirmée en appel, l'ancien syndicaliste ne pourra pas se présenter, une issue qui renforcerait la profonde division du Brésil entre ses partisans et ses adversaires.
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