Mieux vaut accueillir qu'exclure. Nous sommes bombardés quotidiennement de vidéos islamophobes qui cherchent toutes à nous dire une seule chose : Daech est « le véritable visage de l'islam ».
Ce n'est pas ce qu'enseigne l'Église catholique. Dans sa déclaration sur les relations de l'Église avec les religions non chrétiennes « Nostra Aetate » (« Notre époque »), un texte conquis de haute lutte, le concile Vatican II, affirme qu'« à notre époque où le genre humain devient de jour en jour plus étroitement uni et où les relations entre les divers peuples se multiplient, l'Église examine plus attentivement quelles sont ses relations avec les religions non chrétiennes ».
Sur les diverses religions, le document dit : « L'Église catholique ne rejette rien de ce qui est vrai et saint dans ces religions. » « Tout en témoignant de la foi et de la vie chrétiennes », le texte encourage les chrétiens à « préserver et faire progresser les valeurs spirituelles, morales et socioculturelles qui se trouvent en elles ».
Sur la religion musulmane, il précise : « L'Église regarde aussi avec estime les musulmans, qui adorent le Dieu unique, vivant et subsistant, miséricordieux et tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, qui a parlé aux hommes. (...) Même si, au cours des siècles, de nombreuses dissensions et inimitiés se sont manifestées entre les chrétiens et les musulmans, le saint concile les exhorte tous à oublier le passé et à s'efforcer sincèrement à la compréhension mutuelle, ainsi qu'à protéger et à promouvoir ensemble, pour tous les hommes, la justice sociale, les valeurs morales, la paix et la liberté. »
Entre des vidéos et des articles à l'emporte-pièce, d'une part, et l'enseignement de l'Église, d›autre part, il faut choisir. On ne peut pas juger de l'islam, aujourd'hui, avec des arguments que l'évolution de la culture et de l'enseignement de l'Église, en particulier celui du concile Vatican II, ont rendu anachroniques. La référence pour la foi doit aller nécessairement à cet enseignement, qui nous parle même de « l'estime avec laquelle l'Église regarde les musulmans ». Et c'est d'ailleurs l'expérience concrète que souvent nous en faisons. Certes, la doctrine de l'Église catholique peut encore évoluer, mais il est permis de douter qu'elle évoluera dans le sens de la méfiance.
Bien au contraire, en ces temps troublés où des groupes de fanatiques nous découvrent de façon historiquement inédite non pas le vrai visage de l'islam, mais sa grimace, la visite au Caire du pape montre au monde entier, et en particulier aux chrétiens du Liban, plus concernés que quiconque – en raison de l'héritage du vivre-ensemble qu'ils doivent préserver –, comment faire face au déluge de préjugés dont les musulmans sont l'objet.
Le contact de l'islam avec la modernité comprise, comme la saine constitution de la foi et de la raison en sphères autonomes, ne peut plus être retardé. Pour des centaines de millions de musulmans, c'est une mutation culturelle majeure qui s'opère et une institution prestigieuse comme al-Azhar, que le pape a choisi d'encourager dans son travail de réforme, en est plus consciente que quiconque. À nous d'accompagner ce travail comme nous le pouvons, chacun à son niveau, sachant qu'il sera de longue haleine. Quels que soient les antécédents historiques de l'islam, quels que soient ses excès passés et présents, céder aux préjugés et au discours de haine ne peut aujourd'hui que détruire nos liens sociaux et raviver des états de violence dormants. Ces vidéos minent notre vivre-ensemble. Pour nous Libanais, c'est le signe par excellence qu'ils sont antichrétiens (et peut-être prémédités comme tels).
Car ce que nous avons en face de nous, ce sont des êtres de chair et de sang. Ce que nous avons en face de nous, en fait, c'est notre propre nature humaine. Certes, il faut rester lucide, faire preuve de discernement, de prudence, mais nous ne pouvons convoquer le passé pour ruiner les chances du présent, ni nous aveugler sur nos propres fanatismes. Certains ne remontent pas à loin. Et pour reprendre l'une des phrases les plus fortes du pape, prononcées justement lors de la rencontre à l'université d'al-Azhar : « L'unique alternative à la civilisation de la rencontre, c'est la barbarie de la confrontation, il n'y en a pas d'autre. »
commentaires (4)
L'Eglise ferme les yeux sur les massacres, et les profanations des églises et des couvents, si certains sont du à daesh, d'autres sont fait par les rebelles dit "modérés" et par la population locale
Talaat Dominique
21 h 48, le 09 mai 2017