A chaque fois que les règles constitutionnelles ont été bafouées, foulées au pied ou détournées, les conséquences sur le Liban ont été terribles pour l'État de droit, notamment sur le plan de la transparence des comptes et de la régularité des opérations financières en matière de dépenses publiques. Cet état de déliquescence a fini par ouvrir grande la voie devant la corruption et la créativité en matière de violation et de détournement des règles de droit.
Voici, en substance, quelques techniques qui ont permis à la classe politique, des années durant, de contourner ou de passer outre la loi pour mieux échapper aux instances de contrôle.
L'article 87 de la Constitution prévoit que « le compte définitif de l'administration des finances pour l'exercice clos doit être soumis à la Chambre et approuvé avant la promulgation du budget du deuxième exercice » (de l'année suivante).
Par la suite, les législateurs ont remplacé pendant plusieurs années cette règle constitutionnelle en introduisant l'expression suivante : « Sous réserve des remarques qui seraient apportées par la Cour des comptes. »
Résultat : la condition de l'approbation par la Chambre a été détournée et remplacée par des « réserves » jamais formulées en réalité.
Force est de constater que depuis 2006, la loi du budget n'a plus paru. Depuis, l'État effectue des dépenses sur la base du douzième provisoire, des avances du Trésor et projets de budget : autant de détours qui sont, rappelons-le, des mesures exceptionnelles qui ne peuvent être consacrées de la sorte sans qu'elles soient justifiées par une situation ou un contexte exceptionnel et sans une argumentation légale rigoureuse.
En outre, la loi de la comptabilité publique a notamment autorisé les contrats de gré à gré dans des cas bien définis et exceptionnels. Dans la réalité, on a pu observer une pratique excessive, autorisée par le Conseil des ministres, de ce type de contrats, et ce en dépit du désaccord de la Cour des comptes.
Concrètement parlant, les adjudications publiques qui étaient la règle se sont transformées en exception. Et même lorsqu'elles sont d'usage, la majorité de ces adjudications sont en réalité des contrats de gré à gré, le cahier des charges étant confectionné à la juste mesure d'une ou de deux sociétés au maximum.
Une autre technique de camouflage concerne le fractionnement des dépenses, une pratique qui, dans la loi, n'est tolérée que si la nature des équipements, travaux et services le commande. Autrement dit, dans des cas exceptionnels qui doivent également être justifiés. Or cette technique est quasiment devenue la règle pour échapper au contrôle de la Cour des comptes et de la direction des adjudications.
De même, la réduction des délais des marchés publics, selon la loi, est soumise à deux conditions incontournables, qui sont l'urgence ou la relance du marché.
Or dans la réalité, la majorité des marchés publics sont placés sous la rubrique de « l'urgence » et sont accompagnés de décisions de réduction des délais. Une mesure qui est, à l'évidence, destinée à saper le principe sacro-saint de la concurrence, en l'absence d'un délai raisonnable permettant aux sociétés intéressées de préparer leur offre. Autant d'anomalies et de déviations qui ont mis à sec le Trésor et permis l'accumulation de richesses douteuses.
À ce propos, la loi sur l'enrichissement illicite adoptée en 1999 s'est transformée dans la pratique en une formalité banale consistant à déposer auprès des organes compétents des enveloppes scellées à la cire rouge et dont Dieu seul connaît le contenu. Dix-huit ans après l'adoption de cette loi, aucun responsable politique ou fonctionnaire n'a jamais été poursuivi sur la base de cette loi. Cela signifie deux choses : soit que toutes les richesses sont acquises de manière légale, soit qu'elles ont été accumulées illégalement, mais les juges n'ont pas trouvé les instruments légaux pour poursuivre en justice les personnes soupçonnées de détournement de fonds publics.
Directeur général des adjudications auprès de l'Inspection centrale
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Corruption, enrichissement, escroquerie partout notamment à Batroun et ailleurs... Il ne finira pas son mandat. Rappelez-vous le "sultan" cheikh Salim el-Khoury et la démission du président cheikh Béchara el-Khoury en 1952.
Un Libanais
15 h 57, le 07 mai 2017