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Nos Lecteurs ont la Parole - Nelly HÉLOU

13 avril 1975-13 avril 2017 : un sursaut de conscience nationale

Pourquoi le 13 avril ? Pourquoi vouloir toujours revenir sur cette date-clé de l'histoire contemporaine du Liban, qui marque symboliquement le début d'un long conflit ayant meurtri et transformé le visage du pays du Cèdre et n'a toujours pas pris fin. Par devoir de mémoire, oui certes ! Mais pour les générations qui ont connu le Liban d'avant 1975, c'est aussi une manière d'exorciser ce profond sentiment d'amertume qui les habite aujourd'hui plus que jamais.
Tout au long des années de guerre et aux pires moments sous les obus, face aux attentats, suite à la perte d'êtres chers, il y avait l'attente d'un jour meilleur. Dopés par une forte dose de résilience qui forgeait l'espoir, les Libanais se disaient: le pays sortira grandi de cette épreuve.
Puis le temps et les décennies se sont écoulés, et l'on regarde autour de soi ! Depuis l'arrêt des obus en 1989 (accord de Taëf), on a avancé à reculons, abreuvés de promesses de lendemains enchanteurs... Hélas, l'espoir de voir jaillir de la souffrance un Liban aux dimensions des souhaits de ses fils et de leurs aspirations s'est effrité au fil du temps. Le malaise n'a fait que grandir, et aujourd'hui l'amertume s'est doublée d'une révolte qui gronde au fond des cœurs ! Qu'avons-nous fait de cette nation aux racines millénaires ? Rien ne va ! Décadence totale...
Oui, il y a eu une nouvelle Constitution, la reconstruction, des travaux d'infrastructure... Mais jour après jour, mois après mois, année après année, l'espoir est retombé. Le Liban a été pris dans l'engrenage infernal de corruption et de clientélisme quasi institutionnalisés, de promesses jamais tenues, d'inertie politique, d'une application erronée de la structure confessionnelle. La classe moyenne, qui faisait la force et la spécificité de ce pays, a disparu, les riches devenus plus riches et les pauvres plus pauvres, le départ de plus d'un million de Libanais en quête d'horizons plus cléments... Et, cerise sur le gâteau, l'afflux d'un million et demi de Syriens, si ce n'est plus, venus s'ajouter au demi-million de Palestiniens. Inutile d'énumérer les problèmes, ils sont connus de tous. L'objet de cette réflexion n'est pas non plus de détailler les causes et conséquences de la guerre.
Évoquant le sens de la vie, Yann Arthus Bertrand, auteur de La terre vue du ciel, de Home et de Humain, affirme: « Trop tard pour être pessimiste. »
Il ne s'agit pas de vivre dans la nostalgie du passé, de l'âge d'or d'un Liban à jamais révolu, que parents et grands-parents évoquent la mort dans l'âme devant la nouvelle génération. Autour de soi le monde a changé, le Liban n'est pas une île isolée et subit toute sorte d'influences et d'interférences régionales et internationales.
Mais une question existentielle s'impose: quel Liban allons-nous laisser en héritage aux générations futures ? Nous portons tous un lourd poids de responsabilité, à des degrés divers certes, la classe politique en priorité.
Faut-il pour autant désespérer de l'avenir ? Dans deux jours, c'est Pâques, la Résurrection et tous les messages d'espérance que cette célébration porte en elle.
Face à une classe politique décadente inapte à sortir le pays de son marasme, au ras-le-bol de ces tergiversations et des promesses, ravivons l'espoir d'un meilleur avenir au cœur même des problèmes qui cernent le pays et ses fils. Remettons le Liban sur le chemin de la vraie renaissance et reprenons confiance.
Se raccrocher envers et contre tout et se dire: oui, le Liban surmontera l'épreuve et renaîtra de ses cendres... Caresser l'idée que demain sera un autre jour, se prendre à rêver: le clientélisme et la corruption seront pénalisés, l'État de droit s'imposera, des lois civiles communes seront instaurées, ce qu'il reste des espaces verts, poumons du pays, et du patrimoine historique et architectural sera sauvegardé... Rendre le Liban aux Libanais et militer pour sa neutralité.
On se raccroche à la société civile, aux jeunes porteurs de promesses d'avenir, à toutes les compétences, aux Libanais qui rentrent au bercail pour investir dans des projets d'avenir. On se raccroche au salut par la culture qui connaît un foisonnement d'activités artistiques et culturelles, d'une vitalité débordante. La culture est création et de la création naît le vrai, le beau, l'humain.
On se raccroche à ce qu'il y a de meilleur en nous. Paroles, paroles, dira-t-on, mais on a toujours besoin de parler, de faire entendre sa propre voix, pour dire oui, demain sera un jour meilleur. Croire en ce « Liban-message », au triomphe des valeurs suprêmes, du respect d'autrui, du droit à la différence.
On se raccroche, car sans l'espérance d'un jour meilleur on ne peut pas vivre. Croire au miracle d'un véritable sursaut de citoyenneté et de conscience nationale.

Pourquoi le 13 avril ? Pourquoi vouloir toujours revenir sur cette date-clé de l'histoire contemporaine du Liban, qui marque symboliquement le début d'un long conflit ayant meurtri et transformé le visage du pays du Cèdre et n'a toujours pas pris fin. Par devoir de mémoire, oui certes ! Mais pour les générations qui ont connu le Liban d'avant 1975, c'est aussi une manière d'exorciser ce...

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