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Liban - Entretien

Jad Tabet : Je veux aider les jeunes diplômés

Samedi prochain, quelque 48 000 architectes et ingénieurs inscrits à l'ordre de Beyrouth vont élire leur président. « L'Orient-Le Jour » a rencontré le candidat du mouvement Naqabati.

Bardé d’un Prisme d’or, du premier « Palmarès de la réhabilitation de l’habitat » et de la médaille du Logement de l’ordre des architectes français, Jad Tabet veut offrir une image forte de l’ordre des ingénieurs et architectes.

Jad Tabet est décrit comme un architecte et urbaniste indépendant, inflexible sur les questions de l'environnement et du développement durable. Sa candidature à la présidence du conseil de l'ordre des ingénieurs et architectes laisse entrevoir une croisade contre trois ingénieurs aspirants, dont deux appartenant à des partis politiques : Paul Najm soutenu par le Courant patriotique libre, Nabil Abou Jaoudé par les Forces libanaises et Pierre Geara, indépendant, quoique inscrit au parti PNL. « Une bataille traditionnelle », affirme M. Tabet. Calme, réfléchi, il est confiant dans sa motivation comme dans la mission civilisatrice de son métier, choisi comme un véritable engagement. Mais qui est donc Jad Tabet ?

Yeux pétillants, sourire généreux, ce diplômé de l'Université américaine de Beyrouth et ancien enseignant à l'AUB, à l'UL, à l'École d'architecture de Paris-Belleville et à l'École des affaires internationales de Sciences Po Paris. Installé dans la capitale française en 1986, il s'est forgé une réputation en dirigeant avec son frère Sami une agence qui s'intéresse principalement à la requalification urbaine des sites sensibles, aux équipements sociaux et à l'hébergement social d'urgence. Cette activité leur a valu, en 2000, le Prisme d'or décerné par le ministère du Logement, et en 2001, le premier « Palmarès de la réhabilitation de l'habitat » par le ministère de la Culture, avant qu'ils ne décrochent la médaille du Logement de l'ordre des architectes en récompense des projets innovants conçus à Montreuil. Auteur de nombreuses recherches et publications sur la guerre et la reconstruction urbaine, ainsi que du rapport entre patrimoine et modernité, il a été directeur du Programme de travail de l'Union internationale des architectes sur la reconstruction des villes (1997-2000). Actuellement administrateur de l'association Patrimoine sans frontières et expert au comité du Patrimoine mondial de l'Unesco.

En novembre dernier, de jeunes architectes et ingénieurs de Beirut Madinati et des groupes qui avaient collaboré avec Assem Salam ont réussi à le convaincre de présenter sa candidature pour la présidence de l'ordre. Et cela a coïncidé justement avec son retour définitif au Liban. Cette campagne mobilise de manière extraordinaire plus d'une centaine de personnes, appartenant à plusieurs générations, qui affirment vouloir assurer la continuité du mouvement Naqabati. Et qu'il gagne ou qu'il perde, ce mouvement est axé sur une prise de conscience du rôle des ingénieurs et architectes pour répondre aux grands enjeux des années à venir.

 

Que rapportez-vous de votre expérience française ?
Je suis convaincu que nous serons bientôt confrontés à un bouleversement brutal de l'environnement. Les 50 prochaines années vont connaître à l'échelle planétaire un chamboulement équivalent à la révolution industrielle. Les prémices existent : les changements climatiques, ainsi que l'accès à l'eau et aux ressources, risquent de s'en trouver aggravés. Nous allons recevoir ça de plein fouet. Mon expérience française, depuis une vingtaine d'années, m'a permis de travailler en termes de gestion des risques et du développement durable. Dans ma pratique libanaise, je l'ai inscrite dans les projets d'extension du Grand Lycée français à Nasra, la création de nouveaux équipements sur le stade de Chayla et d'un gymnase au Collège protestant français.

 

Pourquoi une seule corporation pour ingénieurs et architectes ?
À l'époque de la création de l'ordre, en 1951, il n'y avait pas vraiment de distinction entre architectes et ingénieurs. De grands noms comme Henri Eddé et Farid Trad étaient des ingénieurs, mais exerçaient le métier d'architecte. Évidemment, les choses ont changé. Aujourd'hui, l'art de la construction requiert de multiples compétences et l'apport de l'ingénierie est essentiel, dès lors qu'entrent en jeu des aspects structurels, climatiques, énergétiques, sécuritaires ou environnementaux. Dans une perspective de développement durable, la démarche multidisciplinaire est créatrice de solutions.

Dans quelle lignée vous situez-vous ?

Dans la foulée de Assem Salam, mais aussi celle de mon père, Antoine Tabet, qui a été le deuxième président de l'ordre et un de ses fondateurs. Les deux hommes sont pour moi les deux piliers.

 

Comment résumerez-vous votre programme ?
Je veux réactiver la vraie mission de l'ordre, qui s'est transformé en une agence d'enregistrement des permis de construire et un bureau intermédiaire entre l'ingénieur et les sociétés d'assurances. Il faut donc remettre la corporation sur de bons rails pour qu'elle puisse retrouver pleinement son rôle actif, qui est celui d'une plateforme de discussions, de propositions, mais aussi de pressions auprès des décideurs publics pour améliorer le cadre de vie, en apportant des solutions à divers problèmes, comme le trafic, les ordures, la pollution, la destruction du paysage et du patrimoine architectural, l'anarchie urbaine.
Le deuxième point porte sur la réorganisation interne de l'ordre, en opérant une distinction entre les différentes sections professionnelles et en en créant de nouvelles en fonction des branches spécialisées qui se développent. Pour ne donner qu'un exemple, un nombre important d'ingénieurs en télécommunication, en informatique et pétrochimie dépendent actuellement de la section des ingénieurs agricoles... D'autre part, l'assemblée générale qui regroupe le conseil des représentants des différentes régions se réunit seulement deux fois l'an. Une véritable coupure s'est ainsi installée avec le Hermel, où la municipalité, les architectes et ingénieurs ont vu leur rôle marginalisé suite à une directive émise par le ministère de l'Intérieur, qui dit que toute construction de moins de 150m2 n'a pas besoin de permis. Résultat : l'habitant construit à son gré plusieurs étages et ne respecte plus rien, ni le foncier agricole ni l'harmonie de l'environnement. C'est le chaos. Il faut assurer la liaison pour pouvoir discuter des questions spécifiques à chaque région.

Quelle est votre proposition phare ?
C'est de mettre en place une structure humaine pour aider les jeunes diplômés à accéder au marché du travail, et les aider dans les démarches administratives, les contrats avec leurs clients et donc à défendre leurs intérêts.

 

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