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Liban

Save Beirut Heritage répond à Chucri Sader

Nous publions ci-dessous la réponse de l'ONG Save Beirut Heritage aux propos tenus par le président du Conseil d'État, Chucri Sader, à May Makarem, dans « L'Orient-Le Jour » en date du 11 mars 2017.

« Premièrement, il faut savoir que le Conseil d'État n'a pas toujours suivi une politique aussi agressive envers le patrimoine, n'a pas toujours été aussi "littéraliste" dans son interprétation du cadre juridique. Ce cadre défend en effet très faiblement le patrimoine, mais cela n'avait pas empêché le Conseil d'État de temporiser et de limiter les atteintes au patrimoine par le passé. Or, ces derniers temps, nous assistons à une véritable cascade de décisions négatives venant de ce même Conseil. Cela veut dire qu'il y a eu un changement de politique et d'interprétation juridique, dont la motivation est obscure.
Ensuite, il est fort surprenant de voir un agent de l'État, garant de la loi comme vecteur de l'intérêt public, assumer et revendiquer le fait que l'on "ne peut pas faire prévaloir l'intérêt public au détriment du propriétaire". L'inverse par contre est donc tout à fait possible. M. Sader reconnaît qu'au Liban les intérêts privés auront toujours le dessus sur l'intérêt public.
L'argument selon lequel "le droit à la propriété est garanti par la Constitution, contrairement à la conservation du patrimoine" ne tient pas la route : dans des pays comme la France, la Constitution protège la propriété et ne mentionne pas la préservation du patrimoine, ce qui n'empêche pas l'établissement d'une politique patrimoniale forte, car il s'agit de bon sens et de la préservation d'un bien commun. M. Sader se fait ici l'apôtre de l'idée selon laquelle la construction de la ville n'est qu'une agrégation de "laisser-faire" attribués à des promoteurs disposant comme bon leur semble de leur propriété sacrée. Une idée contraire à la conception de la ville comme construction raisonnée selon l'intérêt collectif.
M. Sader mentionne ensuite le cas de deux bâtiments qui seraient en si mauvais état qu'il faudrait les démolir. Or ces deux bâtiments ont été intentionnellement endommagés par leur propriétaire. En particulier le bâtiment de la rue Spears, qui est en fait le palais Akar, classé, à moitié détruit illégalement dans la nuit au bulldozer suite au refus du ministre de la Culture d'accorder un permis de démolition. Une décision de justice a été prise, condamnant le propriétaire à payer une amende et à restaurer le bâtiment selon son état initial. Cela n'a jamais été fait et est resté lettre morte. Le président du Conseil d'État, si à cheval sur l'application stricte de la loi, ne ferait-il pas mieux d'appeler à l'application de cette même loi et de sommer le propriétaire d'appliquer la décision de justice ? Sinon, doit-on s'attendre à ce que des propriétaires endommagent intentionnellement leur bâtiment classé sans crainte de réelles poursuites, pour ensuite se réfugier derrière le mauvais état du bâtiment et obtenir la démolition tant désirée ?
Finalement, il serait bien que M. Sader ne s'improvise pas architecte du patrimoine en exprimant une opinion personnelle qui relève de la technique du bâtiment. Une restauration faite dans les règles de l'art, selon des techniques et avec des matériaux adaptés, peut tout à fait rendre à un bâtiment son authenticité d'origine. Le Liban ne manque pas d'experts et d'architectes du patrimoine, qu'il devrait consulter avant d'affirmer des généralités aussi fausses. Peut-être que M. Sader devrait aussi se renseigner sur la rénovation des centres-villes historiques des villes européennes après la Seconde Guerre mondiale. Le centre de Varsovie par exemple, rasé à 85 %, reconstruit à l'identique, a été inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco. Ira-t-il à Varsovie dire à ses habitants que leur ville n'est pas authentique ?
Il a été, il est et il reste important de reconstruire à l'identique pour que les peuples sinistrés puissent récupérer leurs repères identitaires, à moins que M. Sader ne considère pas le patrimoine comme une part importante de l'identité libanaise ? Ceci expliquerait la légèreté et la bonne conscience avec lesquelles il assume le laisser-faire des démolisseurs de notre patrimoine, se cachant opportunément derrière les faiblesses d'un système qu'il ne cherche pas à changer. »

« Premièrement, il faut savoir que le Conseil d'État n'a pas toujours suivi une politique aussi agressive envers le patrimoine, n'a pas toujours été aussi "littéraliste" dans son interprétation du cadre juridique. Ce cadre défend en effet très faiblement le patrimoine, mais cela n'avait pas empêché le Conseil d'État de temporiser et de limiter les atteintes au patrimoine par le...

commentaires (3)

"Il est fort surprenant de voir un agent de l'État!, garant de la loi! comme vecteur de l'intérêt public!, assumer! et revendiquer! le fait que l'on "ne peut pas faire prévaloir l'intérêt public au détriment du propriétaire". L'inverse par contre est donc tout à fait possible. M. Sader reconnaît qu'au Liban les intérêts privés auront toujours le dessus sur l'intérêt public." ! Oui, bon, Save Beirut Heritage, mais le plus essentiel était de Savoir à Combien se Chiffrait.... "La Commission" !

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

15 h 05, le 27 mars 2017

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Commentaires (3)

  • "Il est fort surprenant de voir un agent de l'État!, garant de la loi! comme vecteur de l'intérêt public!, assumer! et revendiquer! le fait que l'on "ne peut pas faire prévaloir l'intérêt public au détriment du propriétaire". L'inverse par contre est donc tout à fait possible. M. Sader reconnaît qu'au Liban les intérêts privés auront toujours le dessus sur l'intérêt public." ! Oui, bon, Save Beirut Heritage, mais le plus essentiel était de Savoir à Combien se Chiffrait.... "La Commission" !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    15 h 05, le 27 mars 2017

  • DES DEUX COTES LES ABUS SONT CONDAMNABLES ! LA PROPRIETE LEGALE EST SACREE... MAIS QUAND IL Y A DOUTE SUR LA LEGALITE... QUAND DES RIVAGES, DES FORETS ET DES SOMMETS DE MONTAGNE DEVIENNENT SOUDAIN DES PROPRIETES PRIVEES ( ET LES EXEMPLES SONT HELAS EXTRAORDINAIREMENT NOMBREUX, LE LITTORAL DU NORD AU SUD EN ATTESTE ) LE CITOYEN A LE DROIT DE FAIRE ENTENDRE SA VOIX ET DE S,Y OPPOSER PACIFIQUEMENT DE TOUTES SES FORCES ET SUIVANT LA LOI...

    LA LIBRE EXPRESSION

    13 h 11, le 27 mars 2017

  • En plein dans le faciès ! BRAVO à l'ONG Save Beirut Heritage, et bien entendu à Madame May MAKAREM !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    10 h 13, le 27 mars 2017

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