Rechercher
Rechercher

Culture - Portrait fictif

Moi Zénobie, belle, fougueuse et intelligente comme le diable

Elles sont cinq reines et impératrices d'Orient à
parrainer le Festival al-Bustan cette année. Lequel leur rend hommage à travers des concerts et spectacles qui leur sont dédiés. Pour aider à mieux aborder les œuvres inspirées de leurs personnalités, « L'Orient-Le Jour » a décidé de brosser leurs... autoportraits.

« Dernier regard sur Palmyre de la reine Zénobie » par Herbert Schmalz.

Mon nom est Septimia Bathzabbai, mais on a toujours préféré m'appeler Zénobie, à la mode hellénique, ou encore Zenobia, dans cet Orient où je suis née en 240 après J.-C. La date de ma mort n'est pas réellement connue. Mais les historiens s'accordent à dire que je n'avais pas au-delà de 35 ans quand ils ont perdu ma trace. Ce qui est avéré, c'est que j'ai tout juste gouverné 5 ans (de 267 à 272 après J.-C.). Mais cela a suffi pour que je laisse mon empreinte, forte, dans l'histoire... de la Rome antique, du Proche-Orient et de Palmyre, évidement. Cette perle du désert syrien si chère à mon cœur, de cité magnifique et ouverte à toutes les cultures, toutes les religions, sous mon règne, est devenue aujourd'hui une ville martyre, symbole de toutes les barbaries, de toutes les régressions.

Augusta à la barbe d'Aurélien !
Reine de Palmyre. C'est ce titre qu'a retenu ma postérité. À tort ! Car Palmyre, simple colonie romaine, n'était pas un royaume. Mais seulement la vitrine de mon ambition, le piédestal de mon trône que je voulais de l'envergure de ceux des empereurs au front tressé de lauriers. Mon époux m'avait couronnée reine. Mais moi, j'étais née pour être « reine des reines ». Pour diriger des hommes et des armées. Je n'étais pas une chétive créature, mais une femme de feu. Une guerrière. On raconte que la nuit où je suis venue au monde, une boule de feu a déchiré le ciel pour venir frapper la terre et faire jaillir de l'eau du sable du désert. En somme, j'étais prédestinée au combat, à la gloire et... au mystère. Car finalement, que savez-vous réellement de moi aujourd'hui ? Quelques bribes de mon auguste personne. Oui, auguste est le terme approprié. Il reflète ma grandeur et mon drame. Lequel a dérivé du fait que je me sois autoproclamée « Augusta » sous le nez et à la barbe d'Aurélien, empereur de Rome. Ce titre accordé aux seules épouses ou mères d'empereur romain, je me le suis approprié parce que je le valais bien !

N'avais-je pas, à la suite de mon cher Odénat, mon défunt époux, assassiné à ma demande, vous diront les langues vipérines, défait les Perses, ennemis de Rome ? Mes troupes palmyréniennes n'avaient-elles pas annexé l'Égypte, les provinces de Syrie, de Palestine, sans oublier ce minuscule bout d'Éden malmené qu'on appelle aujourd'hui le Liban ?

 

Comme François et sa Penelope
De Palmyre, je suis partie pour conquérir le monde. De cette palmeraie dans le désert, j'ai fait une oasis de culture, de tolérance religieuse, de faste et de raffinement. J'aimais m'entourer d'esprits brillants. Mes deux principaux conseillers étaient Longin, le philosophe néoplatonicien, et Paul de Samosate, sulfureux évêque d'Antioche. J'étais une conquérante dans l'âme. Il me fallait régner sur Rome ! Et cela à travers mon fils, mon héritier, Wahballat, que je voulais associer à l'empereur Aurélien. J'ai donc fait frapper médaille à son effigie. Ce qui a provoqué la fureur d'Aurélien, jusque-là plutôt tolérant face à mes batailles expansionnistes.
Certains murmurent que je voulais surtout gagner le cœur de cet empereur. Et suivre en cela l'exemple de Cléopâtre, mon idole, mon aïeule – car je me réclame de la dynastie des Ptolémées (faussement, siffleront, là encore, les jaloux). La glorieuse a mis César et Marc-Antoine à ses pieds. Pourquoi n'aurais-je pu faire de même? N'avais-je pas la beauté du diable, sa fougue batailleuse et son intelligence ?

Sauf qu'Aurélien, lui, n'a vu en moi qu'une usurpatrice. Il m'a déclaré la guerre, jamais l'amour. Obnubilé qu'il était par sa Sévérine, son épouse, sa collaboratrice de l'ombre, dit-on (un peu comme, de vos jours, un certain François et sa Penelope), la seule Augusta à ses yeux. Pour me vaincre, il a mis toutes ses légions dans la bataille. Il a passé le Bosphore, traversé l'Asie mineure et a vaincu mon armée à Antioche, puis l'a terrassée à Émèse, avant de s'emparer de ma ville Palmyre en 272.

Les dés étaient jetés. J'ai capitulé. J'ai tenté de fuir sans succès. Je n'ai pas eu le courage de me donner la mort comme Cléopâtre. Et mon vainqueur me garda la vie sauve pour m'exhiber comme un trophée, recouverte de chaînes d'or. Ah ! l'ironie du sort ! Prisonnière de celui-là même que je voulais rendre captif de mon charme... Je finis mes jours exilée à Tibur (que vous connaissez aujourd'hui sous le nom de Tivoli), une région de villas aux jardins enchanteurs. Certains présument que, remariée à un dignitaire de l'Empire, j'y ai vécu la vie paisible d'une matrone romaine. D'autres s'imaginent que je suis morte de désespoir. C'est bien mal me connaître dans les deux cas.
Mais, je laisse dire. Les spéculations nourrissent le mythe...

 

Zénobia, en trompette, au Bustan
Ce soir, samedi 11 mars, au Festival al-Bustan, Zenobia, Queen Of Sheba, avec le trompettiste Tamas Pallfalvi, l'orchestre espagnol Joven de Extremadura conduit par Gianluca Marciano.

Zénobie, de Farinelli à Mansour Rahbani
Figure tutélaire de l'Orient antique, la reine guerrière a inspiré de nombreuses œuvres picturales et musicales. On peut citer, entre autres, la toile de Giovanni Battista Tiepolo au Prado, l'opéra Zenobia in Palmira de Leonardo Leo en 1725 avec le fameux Farinelli et le spectacle de Mansour Rahbani, Zénobie, reine de Palmyre, avec Carole Samaha et Antoine Kerbaje. Elle apparaît aussi dans les pages d'auteurs, dont celles d'Amin Maalouf dans Les jardins de lumière. Mais l'ouvrage de référence sur ce personnage antique est celui du couple d'historiens Annie et Maurice Sartre Zénobie, de Palmyre à Rome.

 

Dans la même rubrique

« Je suis Cléopâtre, pas une simple migrante cherchant asile ! »

Et Julia domina Rome pendant 40 ans

Sémiramis, baby alone in Babylone

Shéhérazade, la nuit je mens...

Mon nom est Septimia Bathzabbai, mais on a toujours préféré m'appeler Zénobie, à la mode hellénique, ou encore Zenobia, dans cet Orient où je suis née en 240 après J.-C. La date de ma mort n'est pas réellement connue. Mais les historiens s'accordent à dire que je n'avais pas au-delà de 35 ans quand ils ont perdu ma trace. Ce qui est avéré, c'est que j'ai tout juste gouverné 5 ans...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut