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Lifestyle - Beyrouth Insight

« Je cours pour que Saria ne s’arrête jamais de rire »

On raconte qu'en l'an 490 avant J-C, Philippidès, un messager grec, aurait couru 40 km, de Marathon à Athènes, pour annoncer la victoire contre les Perses à l'issue de la bataille de Marathon qui eut lieu lors de la première guerre médique. 2 500 ans plus tard, Ali Kedami, marathonien libanais, parcourt des milliers de kilomètres pour célébrer une autre victoire... celle de Saria.

Rien n’arrête Ali Kedami. Sa fille lui donne des ailes. Photo DR

Rien ne prédestinait Ali Kedami à courir. Né en Côte d'Ivoire, il aurait pourtant pu parcourir les plaines africaines et les côtes à perte de vue, fouler le sable des plages, se reposer à l'ombre des baobabs et des acacias et suivre la trace de Abebe Bikila, Geoffrey Muta et Haile Gebreselassie. Mais Ali Kedami n'a jamais été un athlète. Son activité sportive se limitait à un terrain de foot qui verra son enfance défiler. Jeune étudiant, il donne des leçons de maths, rêve du Corbusier, mais finit par se tourner vers l'électronique. Il décroche sa licence et un emploi au sein d'une entreprise spécialisée dans les systèmes d'alarme et dans la ferronnerie. Un patron bienveillant le prend sous son aile, en fait son protégé, lui enseigne les rouages du métier et l'initie à l'art de la soudure et à la maîtrise du fer.

Ali Kedami se marie et quitte l'Afrique à 33 ans pour revenir à sa terre d'origine. Fort de son expérience en ferronnerie, il ouvre son propre atelier, se charge de sécuriser les appartements, confectionne des portes blindées, dessine des coffres, assure la sécurité partout où on le lui demande. Sauf qu'il ignore encore que la sienne, neuf ans plus tard, se verra ébranlée par une paternité tant attendue, mais qui viendra anéantir sa quiétude.

 

« Mon destin, j'en fais mon affaire ! »
Une fille naît en 2000. On la baptise Saria sans se douter que ce prénom était porteur des plus grandes vertus : la communication, l'enthousiasme, la générosité, l'adaptation, et surtout qu'il signifie, en arabe, celle qui marche. Fidèle à son prénom, elle honorera ses nombreux attributs dans un parcours qui déjouera tous les pronostics élaborés à sa naissance.

À sept mois, elle est diagnostiquée avec un léger handicap physique et des risques de complications. De généralistes en spécialistes, de consultations en rééducations, elle grandit, subit des nuits difficiles où des atèles, qui bardent son corps, immobilisent ses membres et ses rêves d'enfants. Tandis que son père soude, elle forge son caractère, sa personnalité et sa détermination à vaincre la maladie. D'elle, son père dira : « C'est une fille épanouie et intelligente, avec un moral d'acier. Celui que j'ai toute ma vie œuvré à maîtriser. » Elle fait ses études dans une école spécialisée où l'enseignement s'aligne et s'adapte au niveau des enfants. Très croyant, il confie : « Un jour je me suis dit : j'accepte mon destin et je suis déterminé à en faire mon affaire. C'est le dessein de Dieu, je le prends comme un cadeau. C'est ça le bonheur. » Jusqu'au jour où, à l'aube des cinq ans de Saria, lors d'un sempiternel passage chez un médecin, un neurologue se prononcera et lui dira, tel un vieil oracle : « Tu vas influencer ta fille et ta fille t'influencera ; dans les décisions que tu prendras, saches qu'elle te suivra. » Ainsi, cette balle dans laquelle il avait tapé toute son enfance se retrouvait dans son camp.

Ali Kedami sort un matin, une affiche pour le marathon de Beyrouth envahissait le paysage, il la retient comme un message personnel et décide de s'inscrire, de courir et de porter les maux de Saria au-delà des lignes d'arrivée de la souffrance.

 

La couleur de son sourire
« Voilà comment tout a commencé. J'explique à ma fille qu'elle va devoir m'assister, m'attendre aux étapes, me fournir de l'eau et m'encourager. Que sans elle, je n'irais pas loin. C'est ainsi que nous avons formé, à partir de ce jour, une équipe, qui sortira toujours gagnante, quel que soit le classement », confie-t-il. Ali Kedami donne un nouveau sens à cette vie dédoublée. De tournant en points de pause, sa fille l'attendait. Il partait seul, la petite girafe en peluche de Saria dans sa poche, et retrouvait ses bras à l'arrivée. À deux, ils franchissaient la ligne finale. « J'avais les muscles, elle était mon moteur et ma volonté. J'avais la force physique, elle était mon mental. J'avais un but, la ligne d'arrivée, qui prenait toujours la couleur de son sourire. Ma victoire était la sienne et mes jambes redessinaient, au fil de mes parcours, sa renaissance. »

En 2007, Saria franchit son premier kilomètre. L'année suivante, son père devient coureur professionnel, enchaîne les marathons dans toutes les grandes villes du monde et aux quatre coins de la planète. En 2010, le marathon de Beyrouth organise une grande course de 100 km de Damas à Beyrouth. Il consulte alors sa complice dans toutes ces aventures qui lui répond : « Non papa, on ne peut pas faire ça. » « J'avais créé ce on, précise-t-il, il était elle et moi. Je ne pouvais donc pas m'engager sans son accord. » Il lui répondra pourtant : « On peut tout faire, et c'est ce que nous allons faire. »

Aujourd'hui, Ali Kedami est devenu un entraîneur professionnel pour les marathoniens. « La passion a eu raison de moi. J'ai vaincu le désert du Chili, le Sahara d'Égypte, l'Australie et d'autres. Je cours au profit de grandes associations et de causes humanitaires. » En 2016, il a couru 48 heures non stop pour Sanad, l'association qui accompagne les malades en soins palliatifs. Et cette année, il se lance pour défi de courir 72 heures d'affilée et récolter 50 000 dollars (à travers la plate-forme Zoomal) pour les personnes qui accomplissent leur dernière traversée sur cette terre. Autre projet en cours d'exécution : le 4 Seasons Mountain Trails (http://4seasonsmountaintrails.com), une série de trails en montagne pour aller à la découverte du Liban et de sa belle nature tout en effectuant un sport de compétition.
« Je cours pour mon plaisir, je cours pour que Saria ne s'arrête jamais de rire, et chaque fois que l'envie me prend d'abandonner, fourbu par la douleur, je pense à la ligne d'arrivée et la repousse toujours un peu plus loin, au-delà des 100 km que Saria dépassera un jour... avec moi. »

Ali Kedami en quelques marathons

2005 à 2015 : marathon de Beyrouth
2010 : 111 km de Damas à Beyrouth
2008, 2009 et 2010 : marathon de Paris
4 courses dans 4 déserts et 4 continents :
2010 : Sahara Race – Racing The Planet, Égypte, désert du Sahara
2011 : Atacama Crossing – Racing The Planet – Chili, Atacama
Gobi March – Racing The Planet – Chine, Gobi
2012 : Jordan 2012 – Racing The Planet – Jordanie, Wadi Rum
The Last Desert – Racing The Planet – Antarctique
2014 : Écotrail de Paris (80 km)
Iznik Ultra, Turquie (130 km)
De-Feet Cancer Run, Liban (210 km)
Madagascar 2014 – Racing The Planet – Madagascar, Antsarinana (250 km)
2015 : The Track Outback Race – Canal Aventure – Australie (522 km)
Grand to Grand Ultra Race – USA / UTAH / Grand Canyon (273 km)
2016 : 48 heures pour Sanad
Cappadoccia Ultra Trail – Turquie (265 km).

 

Pour mémoire
Ali Kedami, un infatigable « globe-trotter » !

Rien ne prédestinait Ali Kedami à courir. Né en Côte d'Ivoire, il aurait pourtant pu parcourir les plaines africaines et les côtes à perte de vue, fouler le sable des plages, se reposer à l'ombre des baobabs et des acacias et suivre la trace de Abebe Bikila, Geoffrey Muta et Haile Gebreselassie. Mais Ali Kedami n'a jamais été un athlète. Son activité sportive se limitait à un terrain...

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