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Lifestyle - Beyrouth insight

Mawtoura, un peu nerveuse, mais très efficace

Elle est incontournable, cette « Mawtoura », pas vraiment angoissée, mais stressée, toujours aux aguets, sévissant « under cover » sur les réseaux sociaux avec plus de 107 000 followers au compteur. Rencontre avec l'auteur fantôme de posts cinglants et drôles.

Mawtoura, nerveuse et drôle.

On s'attendait, une (fausse) intuition, à voir débarquer une femme, la quarantaine, pressée, pas forcément très souriante, l'esprit en éveil, la réplique rapide et intelligente. Sur une table pour deux, dans un café de la ville, un jeune homme de 33 ans attend. Souriant, calme, presque réservé, il est plongé dans son ordi.

Le père du blog «Mawtoura», lancé fin 2014, ne ressemble apparemment pas, ou si peu, au personnage qu'il a créé, qui est un peu chacun d'entre nous, citoyens libanais réagissant à toutes les distorsions de notre société, de notre culture locale et d'un État trop souvent inefficace et avide de pouvoir et d'argent. Mais il en est l'esprit, l'âme et le créateur.

«Tout a commencé par deux posts que j'ai partagés sur Facebook, pour rire, entre amis. Eux seuls savent qui je suis», précise-t-il rapidement. Car pour le reste, Monsieur X refuse les nombreuses demandes d'interviews télévisées et même radios, préférant l'ombre à la lumière. Il poursuit: «Je m'amusais et puis, petit à petit, j'ai eu envie de dénoncer les dysfonctionnements de notre société et de réagir à des sujets qui m'intéressaient. Quand j'ai eu 100 followers, j'ai organisé une fête.» Le blog et le personnage de Mawtoura sont ainsi nés. «Blog loubnani, fanni, siyassi, ijtima'i, mawtour ou mouattar, metel asshabo», peut-on lire (Un blog libanais, artistique, politique, social, stressé et très nerveux, comme ses créateurs). «Ce personnage me ressemble et ne me ressemble pas», confie encore notre interlocuteur incognito qui, dans son autre vie, publique celle-là, est diplômé en génie informatique et est professeur d'université. Ses élèves, évidemment, ne savent rien de sa double identité. «Je suis plus calme, mais certaines choses me mettent hors de moi.» Ces «choses» dont il (elle) parle relèvent de la politique: nos politiciens sont récupérés par son regard incisif, mais aussi la société locale et des sujets diversifiés et souvent d'actualité, les poubelles, les émissions télé, des événements précis (le Murex d'or qui devient le Mawtoura d'or), les feuilletons mexicains (si mal) doublés en arabe, et l'incontournable Moulhak, un breaking news à sa manière satirique et prenante.

 

Qui est qui
La fréquence des interventions de Mawtoura varie en fonction de l'actualité, «de l'inspiration et de mon humeur». Sans jamais mettre en péril son «vrai» métier, car, précise-t-il, «ce n'est pas ma priorité, ça reste un hobby que j'adore, mais pas un emploi à plein temps.» «Je me suis demandé si je devais donner à Mawtoura une identité plus précise. Un âge, un visage ou une confession, mais j'ai
préféré garder le flou. Je préfère à chaque fois lui assigner un rôle différent. Elle peut être étudiante, femme au foyer, mère. Jeûner au carême ou à ramadan, être traditionnelle ou libérée. Elle a une vie et les gens interagissent avec elle, c'est d'ailleurs l'aspect du blog qui reste le plus intéressant pour moi», sourit-il.

Classé dans le top 5 des blogs satiriques les plus suivis, avec ses confrères «El3ama» et «Adeela», Mawtoura fait rire de presque tout, sans dépasser les limites du respect. «Il est possible de rire de tout, mais tout ne fait pas rire... La religion? On peut plaisanter sur la manière dont elle est vécue ou interprétée, sans pour autant être insultant.» Pas de haine donc dans ses interventions, pas de propos injurieux ou de racisme, mais juste l'envie de défendre ce en quoi il croit d'une manière responsable. «Si je peux influencer quelques personnes, parler d'homophobie, de droits des hommes, en faisant sourire, ce serait bien. La satire permet aux gens de dégager leurs frustrations. Tout comme moi.»

Alors, lorsqu'il transforme Nabih Berry en roi du XIVe siècle; qu'il illustre le duo Trump-Clinton, qu'il met la voyante Leila au même titre que les «disparus» de 2016, George Michael et Melhem Barakat; que, dans un visuel très amusant, il démontre que les bijoux et la chirurgie esthétique d'une star permettraient de construire l'avenir d'un jeune couple, eh bien c'est précis, intelligent et comique. «Si les événements sont trop graves ou trop dramatiques, je garde le silence», confie-t-il aussi, en perdant son sourire. Optimiste ? Un peu plus qu'avant, mais pas vraiment. «Ce pays me désespère.»

 

Twitter: @mawtoura
Instagram: mawtoura.official

On s'attendait, une (fausse) intuition, à voir débarquer une femme, la quarantaine, pressée, pas forcément très souriante, l'esprit en éveil, la réplique rapide et intelligente. Sur une table pour deux, dans un café de la ville, un jeune homme de 33 ans attend. Souriant, calme, presque réservé, il est plongé dans son ordi.
Le père du blog «Mawtoura», lancé fin 2014, ne ressemble...

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