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Agenda - Hommage au père Élias Helayel

Curé révolutionnaire ?

J'entendais dire que, jeune adolescent, on le perdait de vue à des heures indues. On le retrouvait, agenouillé depuis des heures, en pleine extase dans la prière devant le tabernacle de la chapelle du couvent Mar Tacla à Wadi Chahrour.
L'appel était visiblement sérieux, puissant et sans recours : il ne tardera pas à rejoindre le séminaire.
Devenu prêtre, fragilisé par l'asthme, ses supérieurs furent bien inspirés et le nommèrent curé du village de Daher el-Suwan, réputé pour son climat sec et où l'on comptait spécialement sur la nature, à défaut de le faire sur des molécules qui n'existaient pas encore, pour traiter tous ceux qui souffraient d'une affection sévère des poumons.
Faut-il rappeler que, dans ce haut lieu de la pneumologie qu'était le sanatorium de Bhannis, pratiquaient deux grands illustres de son village, le professeur Élias el-Khoury, médecin chef de l'hôpital, et le docteur Édouard Barouki ?
Il y restera 40 ans jusqu'à ce qu'il soit obligé, par l'âge et pour des raisons de santé, de prendre sa retraite malgré le désir de ceux qu'il avait servis sans rien demander en retour.
Ce drôle de curé était un révolutionnaire dans l'Église maronite alors que l'environnement du village était fondamentalement conservateur. Il ressemblait par beaucoup de côtés à son inspirateur et modèle, le père Michel Hayek, auquel il se référait en permanence.
Mais curieusement son message fut reçu par ses paroissiens, d'une part, à cause de son charisme certain et, d'autre part, parce qu'il était fondé sur celui d'un autre révolutionnaire socialiste, le Christ, son maître. Et ce message avait la même connotation : l'amour. N'avait-il pas remplacé, les lundis de carême, le sempiternel « tu es poussière et tu redeviendras poussière » par « tu es fils de l'amour et tu reviendras à l'amour »?
Contre l'avis de ses supérieurs, qui tenaient à respecter la tradition, il avait, il y a plus de 25 ans, adopté et distribué à ses paroissiens la traduction des prières dites aux morts en syriaque, faite par le père Michel Hayek, en arabe compréhensible ? Il n'admettait pas en effet que l'on récite une prière dans une langue que pratiquaient certes nos grands-parents, mais qui était pratiquement restée morte depuis.
Révolutionnaire ? Comment ne le serait-il pas dans une région qui a vu naître multitude de progressistes et issus d'une famille Helayel au sang bouillonnant qui faisait souffrir ses membres d'hypertension constante ? N'est-ce pas leur enthousiasme et leur honnêteté qui poussèrent deux d'entre eux au martyre, le premier, Massoud, par la main des Ottomans en 1916, et le second, jeune lieutenant, Youssef Nabih, par celle de brigands poursuivis au Nord en 1960 ?
Père Élias, il manquait un Helayel à la panoplie des curés originaires de Wadi Chahrour et qui ont servi leur village : malgré la demande pressante de tes paroissiens pour te garder chez eux pour l'éternité, tu rejoins, à leur caveau sous l'église, ceux qui t'ont précédé de la famille, Dib, Esta, Ghaoui, Abi Rached et Khalifé, même si ce dernier n'y est pas.
Repose en paix dans le Seigneur.

Jean B. ESTA

J'entendais dire que, jeune adolescent, on le perdait de vue à des heures indues. On le retrouvait, agenouillé depuis des heures, en pleine extase dans la prière devant le tabernacle de la chapelle du couvent Mar Tacla à Wadi Chahrour.L'appel était visiblement sérieux, puissant et sans recours : il ne tardera pas à rejoindre le séminaire.Devenu prêtre, fragilisé par l'asthme, ses...