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Génération Orient / Saison 1 - Prix OLJ/SGBL

Génération enchantée...

Hier soir, au O1NE, dans le cadre de la remise des prix aux trois lauréats de la première saison de Génération Orient, il s'agissait d'une fête comme geste de résistance culturelle, antidote idéal à l'obscurantisme ambiant.

C'est évidemment en échos au titre phare de Mylène Farmer que ce texte a été intitulé ainsi. Un clin d'œil à Désenchantée où la chanteuse s'inscrit en faux contre son époque qui vide une génération de tout ce qui l'anime, d'espoir surtout, ce carburant qui lui fabrique des ailes et l'envoie tutoyer les étoiles. Et c'est sans doute sur ce refrain que les jeunes Libanais ont dû aller fanfaronner sur les autoroutes de l'émigration, c'est en ânonnant ces paroles entêtantes qu'ils ont dû prendre la tangente et voguer au large de leurs appartenances où rien n'a de sens et rien ne va, vers d'autres rives où tout n'est pas chaos. Comme si cette ritournelle prémonitoire avait été cousue sur mesure pour devenir l'étendard sans cesse recyclé d'une jeunesse qui se passe le relais de la peur au ventre et de l'angoisse de l'avenir.

Faire mentir les mauvais adages
Sauf que non. Aujourd'hui, grâce à Génération Orient, une initiative lancée en mai dernier par L'Orient-Le Jour en partenariat avec la SGBL, l'espoir tant perdu de vue, tant glissé sous les tapis de la crainte ou rangé dans les tiroirs d'un passé fatigué, revient clignoter dans les esprits les plus essoufflés. La première saison de Génération Orient a donc opposé en talisman 2016 ses soldats de la résistance culturelle. Pour ce faire, tous les mois, une édition de la page Culture a braqué la plume d'un journaliste de L'OLJ sur l'un de ces six artistes (âgés de 35 ans maximum) : le cinéaste Mir-Jean Bou Chaaya, le danseur Ali Chahrour, le designer Marc Dibeh, la peintre Hala Ezzeddine, la chanteuse Blu Fiefer et la créatrice de mode Rayya Morcos, comme une belle manière de faire mentir les mauvais adages et saluer le geste un rien politique de ce sang neuf qui a choisi de « rester » et de s'amarrer à ses racines grâce à une caméra, un pinceau, un fil (de fer), une corde vocale ou un corps accord. Et quand le pays semble plus que jamais englué à sa destinée de non-choix, à devoir (se) décider entre Charybde et Scylla, L'Orient-Le Jour a invité son lectorat à voter pour l'un de ces artistes dont l'œuvre et le profil lui seraient les plus probants, sans pour autant mettre en compétition ces jeunes aux disciplines disparates. Un vote complété par celui d'un jury constitué de Ziyad Makhoul (rédacteur en chef du quotidien, président du jury), Mira Samaha (danseuse, jurée dans l'émission Dancing With the Stars sur la MTV Liban), Louloua Abdelbaki (créatrice de mode), Karen Chekerdjian (designer), Zeina Arida (directrice du musée Sursock), Béchara Mouzannar (publicitaire) et Khaled Mouzannar (compositeur), les trois lauréats de cette première saison de Génération Orient sont : Hala Ezzedine (première), Ali Chahrour (deuxième) et Marc Dibeh (troisième).

 

 

 

Le O1NE, arène de la résistance culturelle
Hier soir, pour célébrer les six artistes de cette première saison et remettre les récompenses aux trois vainqueurs, L'Orient-Le Jour a sans surprise choisi de s'attacher à la fête, c'est-à-dire la vie dans ce qu'elle a de plus plein. Et quel espace, mieux que le O1NE, pouvait convenir à cet événement ? Symbole pailleté de liberté qui se dandine, avec ses déhanchés danseurs de bal qui y festoient tous les week-ends, comme un pied de nez à l'obscurantisme ambiant. Le O1NE donc, ce point névralgique de la nightlife libanaise, ce cœur battant de la fête beyrouthine a été transformé pour l'occasion en une arène de la résistance culturelle. Sur les écrans géants se projetaient des décennies de culture en images extraites des pages du quotidien. Quant aux gradins, ils ont été convertis en stations dédiées à chacun des talents : une reproduction de la pizzeria emblématique du Film Ktir Kbir de Mir-Jean Bou Chaaya, des mannequins pour les pièces de Rayya Morcos qui tiennent d'une véritable expérience de fil en aiguille, une exposition du castelet de personnages brossés à la puissante naïveté de Hala Ezzeddine, des créations ingénieuses et doucement ludiques de Marc Dibeh, des bribes d'images et de costumes parachutés des spectacles renversants de Ali Chahrour et une mini-salle de concert à l'ambiance feutrée qui convient bien au monde de Blu Fiefer.

Bâtir des ponts
C'est une Médéa Azouri all-black qui s'est ensuite emparée de la scène en maîtresse de cérémonie en commençant par réévoquer, avec un humour certain, le principe de Génération Orient. Rejointe par Ziyad Makhoul qui, en mentionnant cette génération de jeunes pousses des arts, a assuré qu'ils « représentent et construisent des ponts, à une époque où l'on bâtit des murs inlassablement ». Au gré de ce souffle de renouveau, il était donc évident qu'un intermède musical soit confié au duo Loopstache (Salim Naffah et Carl Ferneiné), dont l'énergie tranchante et sans concession enrichit un vocabulaire musical fait de pépites à la croisée du folk et du funk. Par la suite, pour annoncer le premier artiste de la deuxième saison de Génération Orient, Ziyad Makhoul s'est adressé aux présents en leur lançant : « Qui d'entre vous n'aime pas son ventre ? Et comme la cuisine est un art, Farid Chehab, cuistot, est donc le premier artiste de la deuxième saison de Génération Orient ».

S'en sont suivies les remises des trophées aux gagnants de la saison 1. Mira Samaha pour la remise du trophée de Bronze à Marc Dibeh a décrit les Libanais, et les artistes en l'occurrence, comme « leurs propres champions ». Béchara Mouzannar, en offrant le deuxième prix à Ali Chahrour, a tenu à prononcer un discours en arabe, en s'adressant particulièrement aux femmes et leur assénant : « Je crois aux talents des femmes dans chaque foyer, qu'attendez-vous pour le faire éclore? Rien ne devrait vous arrêter. » Pour clôturer cette cérémonie, Philippe Dubois, le directeur général de la SGBL, s'est chargé de primer Hala Ezzeddine, la première de ce classement qui a grimpé sur scène sous une pluie de confettis. D'une voix gourmande qu'on ne soupçonnait d'appartenir à cette artiste au pinceau musclé, elle a tenu à remercier Danny Mallat qui lui avait dressé son portrait à l'écrit. Avant de céder la place à Blu Fiefer, qui, comme sortie des plans tortueux d'un polar américain, a grimpé les octaves jusqu'au plus près des cieux. De ceux qui siéent bien à cette génération enchantée de tutoyeurs d'étoiles...

 

 

 

Les lauréats

 

1er prix : Hala Ezzedine, peintre
Talent précoce et énergie féroce, Hala Ezzedine a la générosité et la sincérité de ceux que le destin n'a pas forcément gâtés. Et pourtant, sans le savoir, le hasard se cachait bien au creux de sa poche : son diplôme d'arts plastiques décroché, c'est avec un sentiment mitigé qu'elle rentre chez elle à Ersal. La journée, elle est institutrice d'enfants. Et la nuit tombée sonne l'heure inspirée où cette peintre aux appétits baudelairiens tire l'épée contre la fatigue et couche sur ses toiles les visages de ses élèves. Le résultat : une œuvre au vocabulaire singulier, poignante et plus que probante, qui place Hala Ezzedine, sans conteste, au-dessus de la mêlée.

2e prix : Ali Chahrour, chorégraphe et danseur
Danseur et chorégraphe né du théâtre, mental de fer et silhouette sculptée au couteau, Ali Chahrour est, du haut de ses 26 ans, un artiste hors normes. C'est en puisant au cœur de ses racines arabes que le jeune homme au corps accord se construit des ailes et monte des chorégraphies saisissantes, en digne héritier de Pina Bausch dont il admire le style. Preuve en est : ses deux premiers spectacles, Fatmé et Mawt Leila ont été à l'affiche du Festival d'Avignon en juillet dernier. Joli vol plané.

3e prix : Marc Dibeh, designer
Repousser les limites, flirter avec le too much, c'est de la sorte que Marc Dibeh a construit son monde intérieur depuis l'Alba, où il fit ses classes d'architecture d'intérieur. De fait, le jeune homme gourmand qui impulse humour et subversion à ses créations élégantes et fluides se revendique storyteller autant qu'il est designer, c'est une deuxième nature. En solo pour la conception de Love The Bird, sa lampe qui dissimule un sex-toy, ou avec son compagnon de toujours Marc Baroud pour la collaboration sur Wires qui leur vaudra les louanges de la design week de Miami, Marc est indéniablement une étoile montante du design. Et ce n'est pas le Wall Street Journal, pointant du doigt Marc comme un créateur-révélation, qui contredira cela.

 

Le jury

 

Ziyad Makhoul (rédacteur en chef de L'Orient-Le Jour, président du jury)
Mira Samaha (danseuse, jurée dans l'émission Dancing With the Stars sur la MTV Liban)
Louloua Abdelbaki (créatrice de mode)
Karen Chekerdjian (designer)
Zeina Arida (directrice du musée Sursock)
Béchara Mouzannar (publicitaire)
Khaled Mouzannar (compositeur)
Joanna Baloglou (directrice de la communication de la SGBL).

Les délibérations se sont déroulées dans les locaux de L'Orient-Le Jour. Après le mot de bienvenue prononcé par le président du jury Ziyad Makhoul, ce dernier a rappelé que les six artistes de Génération Orient 2016 étaient parmi les plus talentueux dans leurs catégories respectives. Mais qu'il incombait au jury de plébisciter surtout l'histoire que chacun raconte avec le média et les outils qu'il maîtrise.
Les journalistes Colette Khalaf, Fifi Abou Dib, Edgar Davidian, Danny Mallat, Zéna Zalzal et Olivier Gasnier Duparc ont pris la parole à leur tour pour défendre chacun son poulain, à savoir l'artiste qu'ils ont interviewé, lui et sa famille, pour constituer les articles parus dans le journal. Les plaidoyers étaient empreints de verve, mais aussi de beaucoup d'émotion, passant en revue la bio/parcours de chaque artiste, le message de chacun et sa pertinence.
Le jury a ensuite délibéré, prenant en compte les critères de sélection suivants : l'esthétique, la créativité, l'originalité, l'innovation, l'audace, la qualité, la clarté du thème abordé et la présentation.
Pour le premier prix, c'est le courage de Hala Ezzeddine et la force de l'histoire qu'elle raconte à travers son œuvre puissante et touchante à la fois. Pour le deuxième prix, octroyé à Ali Chahrour, c'est l'audace et la créativité d'une œuvre à mi-chemin entre le théâtre et la danse. Quant à Marc Dibeh, lauréat du troisième prix, le jury a salué l'originalité de son design empreint d'astuce et d'humour.

C'est évidemment en échos au titre phare de Mylène Farmer que ce texte a été intitulé ainsi. Un clin d'œil à Désenchantée où la chanteuse s'inscrit en faux contre son époque qui vide une génération de tout ce qui l'anime, d'espoir surtout, ce carburant qui lui fabrique des ailes et l'envoie tutoyer les étoiles. Et c'est sans doute sur ce refrain que les jeunes Libanais ont dû...
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