Un an après les attentats du 13 novembre, un an ou des années après tous les attentats du monde, vécus collectivement ou individuellement, qu'en est-il de la peine, du traumatisme, de la peur, de la colère ? De ce désir de vengeance, de pardon, d'oubli ou de souvenir ?
Le week-end dernier, la France, et Paris en particulier, a tenu à se rappeler avec pudeur et élégance, dans le silence ou en musique, cette journée fatidique du 13 novembre 2015. Car pour chacun, visé de près ou de loin, il y aura un avant et un après. Une nouvelle page pas vraiment blanche où les certitudes volent en éclats, où l'équilibre local et international est rompu. Où notre statut de mortel, parfois impuissant face à la folie des hommes, n'est plus juste un concept. Mais une menace, une réalité avec laquelle il faut coexister en toute sérénité.
Outre les hommages des politiciens et de la rue, les concerts improvisés, avec un seul piano, dans les rues de la ville, les lanternes qui ont illuminé le canal Saint-Martin, Sting au Bataclan, un film saisissant, Love Is Our Answer, circule sur les réseaux sociaux et charrie avec lui une émotion vraie, brute, simple, et une énergie qui ressemble à une renaissance. Un message de vie, de délivrance et, surtout, comme son nom l'indique, d'amour. Dans ce Baiser du Bataclan, filmé en noir et blanc, des couples se regardent, pleurent, s'approchent, puis sourient, s'enlacent avant de s'embrasser. Ce sont des rescapés du Bataclan qui embrassent des victimes, des témoins, des policiers, des secouristes, tous ces anonymes devenus les tristes héros du jour.
Clarisse Lacarrau, à l'origine de ce projet dédié aux rescapés et aux victimes, a expliqué à Madame Figaro comment cette idée a germé : « Pour beaucoup d'entre nous, rescapés des attentats du 13 novembre et notamment du Bataclan, cela a été une année passée à apprendre à vivre avec ça... Cette expérience qui permet de comprendre que ce qui fait vivre, c'est l'amour, sous toutes ses formes. L'amour comme une force, une force de vie.
Récemment, très récemment, le goût pour la haine de l'autre, qui mène à la haine de soi, s'est encore répandu. Nous avons eu peur, car nous savons que c'est cette haine qui a abouti à l'horreur que nous avons vécue et que seul l'amour peut nous en protéger. Nous avons voulu faire passer un message pour porter haut et fort tout l'inverse de ce qu'ils ont essayé de tuer ce soir-là : l'amour et la puissance de vie.
Un an après, les survivants survivent et souvent ils SUR-Vivent. Ils vivent plus forts. Nous croyons encore plus que l'amour doit s'exprimer non pas comme une caresse, mais bien comme une force ! »
En utilisant leurs réseaux personnels, 10 rescapés du Bataclan ont contacté les personnes qui les ont secourus ce jour-là, pour faire partie du projet. Ainsi, Pascale, Jean-Loup et Lucie ont retrouvé, 11 mois plus tard, les 3 sœurs qui les ont recueillis. David et Tiampa, les secouristes qui les ont aidés ce soir-là. Caroline a appelé Françoise, elle-même victime des attentats du Grand Vefour en 1983 et qui lui donne la force depuis un an de continuer. Arthur a retrouvé sa « flic préférée »...
Avec les images puissantes du réalisateur Ismaël Mounin et du directeur de la photographie Christophe Guyon, et sur une musique signée Owlle, le message passe. La chair de poule reste.
Toutes ces années plus tard, où en sommes-nous, au Liban, avec nos après-attentats ? Notre pays, qui ne cesse de rendre hommage à ses martyrs politiques, morts pour certains depuis 50 ans, ne devrait-il pas se souvenir un peu plus de toutes ces innocentes victimes qui étaient là, au mauvais moment, au mauvais endroit ? Et qui sont finalement mortes pour rien ?
Le week-end dernier, la France, et Paris en particulier, a tenu à se rappeler avec pudeur et élégance, dans le silence...