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Culture - Exposition

Tout est Dada

À Station*, plus d'une vingtaine d'artistes célèbrent le centenaire du mouvement Dada et brandissent, un siècle après sa naissance, le même combat face à l'injustice et aux horreurs du monde. D'autres protagonistes, un autre décor, mais une même cause.

Le parcours labyrinthique en sons, lumières et images mis en place par Augustin Rebetez, photographe suisse qui vous transporte l’espace de quelques pas dans un univers ludique, étonnant de créativité et d’humour. Photos Michel Sayegh

Il fait froid en ce mois de février 1916 où, à la terrasse d'un café zurichois, alors que la Première Guerre mondiale fait rage, un groupe d'artistes exilés mené par Tristan Tzara feuillettent un dictionnaire à la recherche d'un nom pour leur mouvement artistique qui dénoncera la bêtise de la guerre et de la société. Ils pointent au hasard le mot « dada ». Protestation, abolition de la logique, abolition de la mémoire, du futur, de toutes les religions, des valeurs sociales, des hiérarchies, spontanéité, entrelacement des contraires et de toutes les contradictions, le mouvement Dada hurle les douleurs crispées en toute liberté et dans tous les domaines : politique, artistique, idéologique et intellectuel. Il finira par s'éteindre en 1925, après avoir fait le tour de l'Europe et traversé même l'Atlantique pour toucher les États-Unis.

 

Déconstruire, pour redéfinir le sens
Novembre 2016, Beyrouth. Nabil Cannan, directeur de Station et curateur suisse d'origine libanaise, est l'initiateur d'un projet intitulé « Yalla Dada* ». Une plateforme où, à travers des montages, des collages, des sculptures et des installations, plus de vingt artistes engagés crachent leur mécontentement et exposent leurs provocations influencées par l'esprit Dada. À la manière de ce mouvement qui, comme une bombe à idées, explose dans tous les sens, inventant de nouvelles formes de langage, Ziad Abilamma, Gheith al-Amine et Adel Fakhoury témoignent d'un art conceptuel et contestataire au vocable enfantin et au style caricatural. Par leurs jeux de mots et leurs recherches linguistiques, utilisant des suites incohérentes de phonèmes, de phrases hétéroclites et de messages incompréhensibles, leurs œuvres se déclinent en phrases tantôt empreintes de légèreté et tantôt flanquées des mots cinglants de réalisme et d'impertinence. La sculpture d'Ayman Baalbaki en matelas superposés et objets ménagers renvoie à l'idée des peuples en éternelle partance, sous le regard moqueur du pouvoir qui chante en coq fier. Les ballons géants d'Élie Mouhanna exaltent le hasard et l'éphémère, les sculptures de Tania Tanbak, sous l'influence de l'art africain, se tiennent altières au centre du parcours et le livre ouvert de Samir Khaddaj, en carton récupéré, invite à la lecture profane ou sacrée.

 

Sur la scène de l'humanité
Le programme est alléchant, le projet ambitieux et la cause juste et noble sauf que le visiteur tombe sous le charme de l'excentricité dadaïste avec réserve. Les incohérences parsemées au hasard de la visite laissent un goût d'inachevé. Les artistes, en affichant un mépris total des codes académiques et une grande liberté d'expression, en utilisant tout matériau et support possibles dans le but de provoquer et d'amener le spectateur à réfléchir sur les fondements de la société, offrent un parcours puéril. Il reste que, dans la tradition du mouvement dadaïste marqué par sa dimension activiste et sa propagande à travers la réalisation de tracts, de revues, de livres, de photographies, de photomontages et de spectacles, « Yalla Dada » met à la disposition du public des workshops, des projections vidéo, des concerts, des performances ainsi qu'un choix de produits à acheter (vin, savon, tee-shirts, cartes postales). Une initiative qui atteste d'un art très engagé dans son extravagance et sa dérision et qui mérite résolument le détour. Sans oublier le parcours labyrinthique en sons, lumières et images mis en place par Augustin Rebetez, photographe suisse qui vous transporte l'espace de quelques pas dans un univers ludique, étonnant de créativité et d'humour.
Tzara avait affirmé : « Oui, je tiens à me faire passer pour un parfait imbécile et je ne cherche pas à m'échapper de l'asile dans lequel je passe ma vie ». À Station, une poignée d'artistes pointent la sortie de secours.

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Quelques dates importantes à retenir

- Samedi 19 novembre : workshop, performance et concert avec LP Company
- Mardi 22 novembre: « Talk » d'Adrian Notz, directeur du Cabaret Voltaire
- Vendredi 25 novembre : Concert de Belly of Paris, groupe basé à Bahreïn

 

 

* « Yalla Dada », curation par Nabil Canaan, à Station Beirut, jusqu'au 6 décembre.

Il fait froid en ce mois de février 1916 où, à la terrasse d'un café zurichois, alors que la Première Guerre mondiale fait rage, un groupe d'artistes exilés mené par Tristan Tzara feuillettent un dictionnaire à la recherche d'un nom pour leur mouvement artistique qui dénoncera la bêtise de la guerre et de la société. Ils pointent au hasard le mot « dada ». Protestation, abolition...

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