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Liban - Interview

Raymond Sayegh : Nous vivons les derniers jours des séquelles du conflit entre le ministère de la Santé et l’ordre des médecins

Le président de l'ordre des médecins fait part à « L'Orient-Le Jour » de sa vision de ce que devraient être les relations avec les médias, d'un côté, et le ministère de tutelle, de l'autre.

Raymond Sayegh : Je ne détiens pas la solution miracle au problème pérenne des rapports de l’ordre avec les médias, mais je cherche un terrain d’entente.

Assainir et normaliser les relations avec les médias et le ministère de la Santé... Tel est l'un des principaux objectifs que s'est fixé le président de l'ordre des médecins, le Dr Raymond Sayegh, pour la prochaine étape. À juste titre, vu la tension qui était montée au cours des dernières années entre l'ordre et le ministère, d'une part, et les médias, d'autre part, à la suite de la divulgation par certains médias de cas de patients qui auraient été victimes d'une erreur médicale et aux mesures prises par le ministre de la Santé, Waël Bou Faour, comme la formation, l'an dernier, de la commission consultative d'enquête. Des mesures qui avaient été mal perçues par l'ordre.

C'est précisément cette tension qui avait marqué, notamment, les derniers mois du mandat de l'ancien président de l'ordre des médecins, le Dr Antoine Boustany, et le début du mandat du Dr Sayegh, que ce dernier cherche à dissiper par la voie de « méthodes diplomatiques ».
« Nous ne voulons pas déclencher des guerres inutiles avec les médias, le ministère de la Santé ou encore la population au service de laquelle nous sommes, déclare d'emblée le Dr Sayegh à L'Orient-Le Jour. Mais nous n'accepterons plus d'être malmenés et non respectés. »

Le Dr Sayegh rappelle qu'en sa qualité de tuteur, le ministère de la Santé est responsable du secteur de la santé dans le pays. « Globalement, les ministres de tutelle défendent leurs administrés, souligne-t-il. Ils ne les attaquent pas. Ensemble, ils confrontent leurs différends, s'ils existent, ou, dans le cas contraire, joignent leurs efforts pour avancer dans le bon sens. Je n'accepterais plus que les relations soient des relations de conflit à tous les niveaux. »
Ce qui est malheureusement le cas... « C'est la raison pour laquelle je déploie des efforts pour corriger les anomalies qui entachent cette relation qui sont, à mon avis, nocives et inutiles. Ces efforts commencent à porter leurs fruits. Je pense qu'on est en train de vivre les derniers jours des séquelles du conflit entre le ministère de la Santé et l'ordre des médecins. »

 

Bombe à retardement
En ce qui concerne la commission consultative d'enquête, dont la formation a été vivement critiquée par son prédécesseur, le Dr Sayegh affirme qu'elle ne le dérange pas, « malgré le fait qu'elle n'est pas uniquement consultative ». « Cette commission, formée de médecins de qualité auxquels nous faisons confiance, nous aide, d'autant qu'elle est en train de plancher sur nombre de dossiers et nous envoie ceux qui doivent être étudiés, explique-t-il. Cela va aider à améliorer nos performances. Les gens croient à tort que le conseil de l'ordre ne sanctionne pas les médecins. Or nous examinons beaucoup de cas que nous réussissons souvent à régler sans recourir aux tribunaux. Malheureusement, nous n'avons pas le droit de divulguer à la presse les décisions du conseil de discipline, de l'arbitrage... »
Ce qui est très grave, selon le Dr Sayegh, ce sont « les débordements de certains médias, surtout audiovisuels, qui déballent des informations sans aucun sens de responsabilité, sans aucune éthique, loin de toute communication intelligente ». « Cela a un effet catastrophique, insiste-t-il. Cela revient à préparer une bombe à retardement. »

Comment compte-t-il agir à cet égard ? « Comme je l'avais signalé dans mon programme lorsque je me suis porté candidat, je cherche à communiquer positivement avec les médias, sans toutefois porter atteinte à leur liberté d'action, qui reste une chose sacrée, indique le Dr Sayegh. Cela ne m'empêchera pas toutefois d'être ferme et de rappeler des principes importants de la vie quotidienne. On ne peut pas enquêter avec un médecin, le juger et le condamner devant l'opinion publique. Cela est inacceptable. »

Le Dr Sayegh souligne ainsi que son objectif sur le court et le long terme est « de dialoguer avec les médias en leur demandant principalement de ne jamais parler d'un cas médical avant que l'enquête ne soit terminée ». Et de mettre en garde : « Si les choses continuent de cette façon et que les débordements, le manque de déontologie et d'éthique dans la médiatisation de cas de fautes médicales présumées se poursuivent en nuisant à la réputation d'un médecin, surtout s'il n'est pas fautif, l'ordre sera alors contraint de poursuivre les journalistes et les institutions médiatiques pour diffamation et réclamer des dommages et intérêts très conséquents. En tant que président de l'ordre, je ne peux pas rester passif lorsque des médecins sont malmenés. Il est de mon devoir de les défendre car cela risque de porter un grave préjudice à l'ambiance des soins, aux relations avec les patients, leurs familles, les médias... Ni les médias ni moi-même nous aimerions en arriver là. Il faut savoir qu'au-delà de notre personne, ce sont nos familles que nous défendons. »

 

Un terrain d'entente
Le Dr Sayegh confie qu'il ne détient pas « la solution miracle » à ce problème pérenne avec les médias, mais qu'il cherche « un terrain d'entente ». Soulignant qu'il est en faveur d'une charte d'honneur entre l'ordre et les médias, il rappelle qu'une telle initiative avait été entreprise au cours de mandats précédents, mais elle n'a pas abouti. « Nous cherchons à communiquer avec toutes les parties, note le Dr Sayegh. D'ailleurs, nos revendications ne sont pas compliquées. Nous demandons aux médias qu'ils s'abstiennent, en cas d'investigation, de se poser eux-mêmes en justiciers. Nous leur demandons d'attendre les résultats de l'enquête et la décision de la justice. La partie lésée a le droit de se défendre. Idem pour les médecins et pour l'ordre. Mais cela doit se faire dans une ambiance civilisée et selon les procédures en vigueur et non pas sur les ondes des chaînes de télévision. »

Au nombre des priorités du Dr Sayegh également « tirer au clair les idées reçues concernant les erreurs médicales, parce que toutes les complications médicales ne sont pas nécessairement liées à une faute ». « Il y a ce qu'on appelle l'aléa thérapeutique, précise-t-il. Il s'agit d'un effet indésirable, qui n'est lié à aucune faute. En France et en Europe, on a reconnu qu'en médecine, certaines complications peuvent survenir, qui peuvent être dramatiques pour le malade, mais qui ne sont pas liées à une erreur d'un médecin, d'un soignant ou d'un hôpital. Pour régler ce problème, la France a créé une caisse publique nationale pour payer des indemnités et aider les gens qui sont victimes des aléas thérapeutiques. »
Et le Dr Sayegh de conclure en assurant qu'il œuvrera à améliorer l'image de marque de l'ordre. « C'est un travail de longue haleine qui nécessite que l'ordre soit proactif et présent aux côtés des citoyens, ce qui n'est pas le cas actuellement. Nous allons œuvrer en ce sens avec au programme deux sujets importants : les droits de l'homme et la santé du citoyen », indique-t-il.

Assainir et normaliser les relations avec les médias et le ministère de la Santé... Tel est l'un des principaux objectifs que s'est fixé le président de l'ordre des médecins, le Dr Raymond Sayegh, pour la prochaine étape. À juste titre, vu la tension qui était montée au cours des dernières années entre l'ordre et le ministère, d'une part, et les médias, d'autre part, à la suite de...

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