C'est une « petite guerre » dans un conflit majeur. Mais comme chacune de ces « petites guerres », qui se multiplient en Syrie à mesure que le conflit se prolonge, ses enjeux dépassent largement le simple cadre local.
Les combats qui ont opposé ces derniers jours les combattants d'Ahrar al-Cham et ceux de Jund el-Aqsa, dans la province d'Idleb, mettent une nouvelle fois en évidence les nombreuses disparités au sein de ce que l'on a coutume d'appeler « les forces rebelles ». Ici, la ligne de fracture est essentiellement idéologique : les salafistes d'Ahrar al-Cham, groupe rebelle le plus puissant en Syrie et proche d'Ankara, accusent certains membres du Jund al-Aqsa, désigné comme « entité terroriste » par Washington, d'être directement liés au groupe État islamique (EI). Fateh al-Cham (ex-Front al-Nosra), proche de Jund al-Aqsa, mais qui collabore avec Ahrar al-Cham au sein de la coalition Jaych al-Fateh dans le nord de la Syrie, a essayé de calmer le jeu entre les deux groupes.
Dimanche, Fateh al-Cham a annoncé qu'il reprenait sous son aile les combattants radicaux de Jund al-Aqsa. « Ils ont toutefois posé deux conditions : que les combattants liés à l'EI soient jugés par les responsables d'Ahrar al-Cham ; et que Jund al-Aqsa soit complètement dissous », explique une source au sein de l'opposition syrienne qui a souhaité garder l'anonymat. « Les combats ne devraient pas tarder à cesser. Il n'y a pas de raison qu'ils se prolongent alors que les deux groupes partagent un même objectif : faire tomber le régime », confie un combattant à Alep, contacté via WhatsApp, sous couvert d'anonymat.
L'allégeance de Jund al-Aqsa à l'ex-Front al-Nosra ne résout pourtant pas vraiment le problème. À court terme, les combats devraient effectivement cesser. Les trois formations ont publié hier un communiqué affirmant qu'elles avaient trouvé un terrain d'entente. Mais à long terme, cela risque de creuser davantage le fossé entre les différents groupes rebelles, qui n'ont réussi à gagner du terrain sur le régime que dans les rares moments – comme durant le printemps 2015 – où ils faisaient front commun.
« Fateh al-Cham s'est présenté comme faisant partie de la rébellion, mais en prenant Jund al-Aqsa sous son aile, il joint ses forces à un groupe considéré (...) par chacune des factions de l'opposition comme un paravent de l'EI », explique à l'AFP Charles Lister, du Middle East Institute. « Fateh al-Cham montre que la protection de jihadistes, même ceux assez extrémistes pour être frappés du label EI, est plus importante que celle de l'opposition au sein de laquelle il a tellement essayé de s'incruster », poursuit l'expert. La décision de Fateh al-Cham pourrait conduire à l'affaiblissement des forces rebelles, soit du fait de leurs divisions, soit du fait de ce qui pourrait être objectivement perçu par leurs soutiens extérieurs comme une radicalisation.
(Pour mémoire : La mort de Saraqeb, nouveau coup dur pour Fateh el-Cham)
« Nous comptons beaucoup sur les pays frères et amis »
La résistance des groupes rebelles face aux forces loyalistes, particulièrement à Alep, tient pourtant autant à la question de leur armements qu'à celle de leur unité. Des rumeurs faisaient état le week-end dernier d'une livraison d'armes, notamment des missiles Tow et des Manpads (armes antiaériennes), aux forces rebelles « modérées ». « Nous avons reçu des armes, mais elles ne sont pas arrivées à Alep », confirme le combattant rebelle. L'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH) a rapporté hier que l'opposition avait utilisé pour la première fois hier des armes antiaériennes à Deraa, financées par les pays arabes et en provenance d'Europe de l'Est.
Le porte-parole du Haut-Comité des négociations (HCN), Salem al-Moslet, avait affirmé plus tôt dans la journée, en réponse à une question, que « l'opposition n'avait pas reçu d'armes antiaériennes ». Il a précisé qu'elle n'en attendait pas de l'administration américaine de Barack Obama en fin de mandat.
En revanche, « nous comptons beaucoup sur les pays frères et amis (...) pour une levée de l'embargo sur l'armement sophistiqué imposé à l'opposition », a-t-il ajouté. La livraison de ces armes pourrait permettre aux forces rebelles d'abattre les avions qui survolent à basse altitude les zones tenues par l'opposition. Les Américains avaient, jusqu'à maintenant, mis leur veto à la livraison de telles armes, de peur qu'elles ne tombent en de mauvaises mains. Si les armes ont été effectivement livrées, Washington doit donc suivre de très près l'évolution de cette « petite guerre » entre les deux groupes rebelles syriens.
Pour mémoire
Plusieurs groupes rebelles seraient sur le point de fusionner en Syrie
commentaires (5)
La guerre civile syrienne semble donc longue et sans issue à jour . Triste .
Sabbagha Antoine
20 h 27, le 11 octobre 2016