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Lifestyle - Interview

Pinter peut rire de (presque) tout

Le dessinateur fête ce mois-ci ses dix ans de collaboration régulière avec « L'Orient-Le Jour ». Nous avons demandé à PP, son double, de l'interviewer car, semble-t-il, il le connaît assez bien.

Une femme derrière chaque réussite.

Quelles sont vos réflexions sur l'évolution de votre métier de dessinateur de presse?
Je pense que l'on pourrait parler, à l'échelle globale, d'un phénomène d'involution. Je verrais plutôt une régression dans la parole dans l'humour, dans la transgression ou la provocation. Je crois qu'un jour il sera interdit de plaisanter – sérieusement !

Comment vous êtes-vous adapté au quotidien du Proche-Orient ?
L'actualité libanaise est comme une maîtresse dévorante, jouant dans une pièce qui se situerait entre du Shakespeare et du Feydeau, avec beaucoup de comique de répétition...

Comment vous définiriez-vous ?
Pertinent, mais pas méchant! C'est un peu fou de penser qu'il serait sérieux de passer sa vie à remplir 13 cmx 8 cm de papier, chaque jour, dans un journal, avec une actualité qui va très vite, et qui implique de comprendre rapidement les enjeux, tout en conservant la distance qui permet l'humour.

Comment faites-vous pour trouver l'imagination de faire parfois jusqu'à quatre dessins par jour ?
Petit, j'ai découvert que le malheur est présent partout et que la création était un très bon moyen de lui échapper. L'imaginaire est source de très grande joie dans le monde tourmenté qui nous entoure. Tous les jours, je transforme les questions posées par l'actualité pour en faire quelque chose, en tentant de lui donner du sens à travers quelques coups de crayon. C'est un moyen d'échapper à son implacable lourdeur.

Comment fait-on pour travailler, seul depuis l'Europe, pour une rédaction à Beyrouth ?
J'essaie de suivre l'actualité et son flot continu en observant le point essentiel du jour, la nouveauté, le point marquant et important. L'intérêt que je porte au Liban depuis si longtemps me permet d'en limiter la distance. Dans ce flot ininterrompu d'événements qui s'entrechoquent et se contredisent, l'observation et l'analyse se développent au point qu'inconsciemment, l'écume des jours se transforme immédiatement en dessin.

Quels ont été les moments de l'actualité de cette décennie les plus importants pour vous ?
Chaque jour est extrêmement important, car il porte en lui l'événement et la logique du suivant. Mon bonheur réside dans le fait de dessiner, rien d'autre. Le buzz ne m'intéresse pas trop. Je pense que c'est déjà absolument formidable de pouvoir exprimer son opinion quotidiennement comme je le fais. Regarder le monde discrètement et le retranscrire en images publiées dans la presse est un vrai luxe. J'ai la chance d'avoir beaucoup de réactions de lecteurs, d'amis et de confrères qui communiquent leurs émotions et leurs réflexions. Et cela crée un dialogue stimulant et beaucoup d'émulation.

Comment traiter les conflits, les guerres et attentats à travers les dessins? Pouvez-vous toujours le faire ?
Oui, d'une manière symbolique qui m'ennuie profondément. La mort, le sexe et la religion demeurent un tabou. Il convient avec le dessin de presse de faire réfléchir aux causes en amont et de décocher des flèches sur l'essentiel. On peut aussi émouvoir. Dans les trois cas ce n'est pas chose facile, tant on peut interpréter un dessin à l'inverse de ce qu'il souhaite dire.

Pensez-vous que les replis identitaires, l'idéologie et les religions ont changé le regard que vous portez sur le monde ?
Votre question porte la réponse en elle-même. En particulier dans certains pays occidentaux où le pessimisme va croissant. Comment avoir, par ailleurs, un regard juste et équilibré quand on n'est pas serein ou victime d'injustice en permanence ?

Pensez-vous qu'il soit encore possible de rire face aux événements en 2016 ?
Pas avec tout le monde, comme le disait le prophète Pierre Desproges.

Votre métier sert-il encore à quelque chose ?
La réponse dépend de mon humeur du jour... Parfois, oui. Lorsque les lecteurs qui m'écrivent me le disent en expliquant que cela leur fait du bien. Parfois aussi lorsque certains se sentent soutenus grâce à ces dessins...

La dérision est-elle encore efficace face à la radicalisation violente ?
Vous ne trouvez pas? C'est mieux que des barbelés, non? La dérision peut être efficace contre la stupidité et encore... Face à la violence je ne pense pas.

Quel a été, à votre avis, le dessin le plus important de ces trois décennies ?
Celui qui vous a touché. Il est différent pour chacun d'entre nous.

Votre conclusion ?
Je voudrais juste ajouter un mot sur les dix ans que je viens de vivre en harmonie avec le journal, avec des consœurs et des confrères ouverts et subtils qui ont été pour moi un pur bonheur. C'est tellement rare que cela mérite d'être évoqué. Les journalistes de L'Orient-Le Jour me font confiance depuis dix ans, car ils savent que je les aime.

 

Pour mémoire
L'actuali-dérision de Patrick Pinter

Quelles sont vos réflexions sur l'évolution de votre métier de dessinateur de presse?Je pense que l'on pourrait parler, à l'échelle globale, d'un phénomène d'involution. Je verrais plutôt une régression dans la parole dans l'humour, dans la transgression ou la provocation. Je crois qu'un jour il sera interdit de plaisanter – sérieusement !
Comment vous êtes-vous adapté au quotidien...

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