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Marc Dibeh

Génération Orient : #5 Marc Dibeh, designer, 31 ans

Le selfie de Marc Dibeh

Il aurait pu être réalisateur, metteur en scène d'histoires qu'il aurait lui-même imaginées et qu'il raconterait avec ce bagout qui lui est propre : mélange d'autodérision, de culture et de goût – celui des autres notamment – qui le caractérise. Sauf que les « accidents heureux » qui ont ponctué, jusque-là, son parcours ont porté le talentueux monsieur Dibeh vers une tout autre voie. Celle du design dans lequel il a, néanmoins, réussi à mettre toute sa verve et sa faconde.

Enfant, Marc Dibeh était fasciné par les immeubles, les bâtiments, plus que par les objets. Puis, adolescent, il se prend de passion pour l'image, narrative et cinématographique. Du coup, en terminale, il hésite entre cinéma, photo et architecture... La « voix de la raison », en l'occurrence celle du papa César Dibeh, lui propose alors d'aller faire une année préparatoire en arts appliqués à Paris, avant de choisir une spécialisation.

Inscrit en architecture à l'École nationale de Paris, il boucle son année de licence avant de retourner, pour les vacances, le 11 juillet 2006, à Beyrouth. Le 12, la guerre éclate. Son père veut le renvoyer en France. Lui ne veut surtout pas se retrouver seul à Paris, vide en été. Pour rester au Liban, il laissera tomber ses études d'architecture préférant s'inscrire en architecture d'intérieur à l'Alba. C'est là qu'il croisera, au bout de la deuxième année, « un grand type aux oreilles décollées », qui lui lance de manière impromptue : « Inscris-toi en design de produit. » C'était Marc Baroud, alors tout jeune professeur, qui recrutait, semble-t-il, de cette manière insolite, ses futurs étudiants. La réponse de Marc Dibeh fuse, spontanément positive. Elle se révélera déterminante... autant au niveau professionnel qu'amical.

Puis, un début de carrière en coup d'éclat avec Love the Bird. Grace à cette lampe de chevet qui cache un sex toy à tête d'oiseau, Marc Dibeh connaît, à 24 ans, une notoriété fulgurante. Mais à double tranchant. Car si l'objet du désir (ou du délit), d'une belle esthétique, est publié sur le site du fameux Dezeen Magazine (de design), il est aussi célébré par plus d'une revue coquine. Passée l'euphorie des premiers temps, le jeune homme, qui sous des airs insouciants a les pieds sur terre, s'inquiète d'être étiqueté « designer d'accessoires sexy ou sympathique provocateur que l'on ne prend pas au sérieux ».

 

Don't tell Mumm

Ce sera Rabih Keyrouz qui l'aidera à rectifier le tir en lui confiant l'aménagement de la boutique Starch à Saïfi en 2011. Suite à quoi un couple le chargera de la construction de leur maison à Chemlan, avec pour consigne obligatoire de n'arracher aucun arbre, un tournant capital dans son parcours.

Entre-temps, une collaboration de quelques mois à Riyad avec des investisseurs saoudiens lui aura fait prendre conscience de son attachement à Beyrouth ainsi qu'à sa liberté de création. Qu'il nourrit essentiellement d'échanges et de « rapports humains » (avec des clients qui deviennent souvent ses amis), et d'histoires que ce « designer narratif », comme il aime se définir, va puiser des situations les plus incongrues. Ainsi une glace murale tombée de ses mains en cours d'accrochage - lui donnant brièvement le sentiment de culpabilité d'un gamin maladroit craignant de se faire tancer par sa mère - sera à l'origine de Please don't tell Mumm, une série de miroirs faussement brisés.

Miami en 2013 : Wires, la collection mobilière réalisée en duo avec son ex-professeur et désormais ami Marc Baroud, est signalée parmi le top 5 des pièces à voir. Elle lui vaudra également les louanges du Wall Street Journal ainsi que le coup de cœur d'Artsy. Et puis Paris, la Corse, encore Londres, New York et Washington – sans oublier Beyrouth... À tout juste 31 ans (qu'il fête ce mois-ci), Marc Dibeh vole de projet en exposition, avec toujours cette propension à raconter des histoires. De celles qui rendent la vie plus belle, plus drôle, plus légère. Mais cet audacieux, qui a été chercher l'inspiration d'une de ses séries en se faisant inviter à dîner chez des gens qu'il ne connaissait que de nom, n'a pas pour autant pris le melon. Surtout qu'il n'est jamais aussi malicieux et irrévérencieux que lorsqu'il parle de lui-même.

Il aurait pu être réalisateur, metteur en scène d'histoires qu'il aurait lui-même imaginées et qu'il raconterait avec ce bagout qui lui est propre : mélange d'autodérision, de culture et de goût – celui des autres notamment – qui le caractérise. Sauf que les « accidents heureux » qui ont ponctué, jusque-là, son parcours ont porté le talentueux monsieur Dibeh vers une tout...

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