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Beyrouth, ses artistes émergents et sa scène culturelle hybride

La culture, miroir aux alouettes ou reflet bien réel d’une société ? Éric Reidy, journaliste et photographe assistant de projet au centre SKeyes pour la liberté de la presse et de la culture, semble convaincu, pour sa part, que la culture est l’antidote parfait aux divisions et aux dissensions sociales.

Éric Reidy. Photo Nada Sleiman

«L’art est plus fort que le canon.» «Notre culture est agonisante.» «L’art a été marginalisé.» «Tout le monde s’en va, moi je reviens au Liban.» Des témoignages divers, parfois contradictoires, ont été recueillis par le jeune homme dans un essai intitulé A Fractured Mirror: Beirut Cultural Scene and the Search for Identity, aux éditions Ske.


Si Beyrouth est un centre culturel, où se trouve donc cette culture et quel rôle joue-t-elle dans la vie citadine? C’est la question essentielle qui trottait dans l’esprit du journaliste photographe lorsqu’il a débarqué dans la capitale libanaise. Il rencontre d’une manière fortuite les responsables du centre SKeyes qui lui proposent une série d’interviews avec des artistes basés à Beyrouth, autour de leur travail, l’expérience de vivre et de créer dans la ville, des défis auxquels ils doivent faire face et leur avis sur le rôle de la ville en qualité de centre culturel dans la région. Il a réalisé une vingtaine d’interviews, assisté à un grand nombre de spectacles, de concerts, de pièces de théâtre, d’expositions. Il a pris le pouls de la ville et rédigé ce condensé, cette analyse affûtée qui ausculte l’art et ses créateurs, dans un pays schizophrénique, mais ô combien inspirateur. Les artistes interviewés, la plupart émergents ou appartenant à la scène underground, parlent de leurs conditions de travail, leurs inspirations, leurs questionnements
identitaires...


Ils vivent tous dans la capitale libanaise, certains sont libanais, d’autres syriens ayant échappé à la guerre. Il y a également des artistes palestiniens, d’autres appartenant à la communauté des travailleurs émigrés, ou encore des Libanais expatriés fraîchement débarqués ici.


Bref, un véritable melting-pot à travers lequel Reidy a tâté l’énergie vibrante d’une scène culturelle qui perdure malgré les divers challenges auxquels elle doit faire face au quotidien.


Pourquoi s’intéresser à la culture alors que la région du Moyen-Orient est sur feu ardent? Avec tous les problèmes socio-économiques qui engluent le pays, n’y a-t-il pas de sujet plus crucial à traiter? À ces questions qui pourraient tarauder le lecteur, Reidy présente dans son avant-propos l’explication suivante: «Dans leur analyse de la situation actuelle en Syrie et notamment des débats sectaires qui enflamment le quotidien, certains avancent que lorsque les sociétés moyen-orientales se retrouvent étêtées (sans leader puissant), elles glissent de nouveau vers leurs anciennes divisions. La conclusion logique serait alors la création de petits États sectaires.» «Cette analyse est troublante à plus d’un niveau », rétorque Éric Reidy. D’abord, selon lui, elle puise ses racines dans une croyance orientaliste qui considère la société arabe comme fondamentalement antimoderne. Elle ignore ensuite que ces petits États seraient, historiquement parlant, aussi fictifs que les frontières artificielles créées par les accords de Sykes-Picot. Troisièmement, et c’est là que l’analyse se corse, la corrélation accepte de facto que les différences religieuses, ethniques et sectaires sont inévitablement source de conflit au Moyen-Orient. Elle ne laisse aucune chance à toute interaction et toute coexistence pacifique, positive, productive et mutuellement enrichissante.


Pour le journaliste, la culture en général et les œuvres des artistes à Beyrouth de manière plus spécifique défient cette logique homogénéisante. «Lorsque les discours ambiants affirment que la solution nécessaire à la diversité au Moyen-Orient est la séparation, il devient impératif de se tourner vers la culture», affirme-t-il. La culture comme espace où l’on se parle, se dialogue, se comprend. Où un sentiment d’expérience commune est développé. Où les différences sont négociées et mélangées. Dans le but de reconnaître la nature hybride innée de la vie.


Voilà donc une belle analyse à lire, une introduction à la scène culturelle beyrouthine bien recherchée sans être trop savante.
Contre les divisions, brandissons donc... la culture.

 

 

Pour mémoire

L’âge d’or de Beyrouth...

 

« Beyrouth Objets trouvés »... dans un album-coffret

 

«L’art est plus fort que le canon.» «Notre culture est agonisante.» «L’art a été marginalisé.» «Tout le monde s’en va, moi je reviens au Liban.» Des témoignages divers, parfois contradictoires, ont été recueillis par le jeune homme dans un essai intitulé A Fractured Mirror: Beirut Cultural Scene and the Search for Identity, aux éditions Ske.
Si Beyrouth est un centre...

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