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À La Une - LIban

« Helem » se mobilise contre « le scandale de Dekouané »

Les jeunes de l’ONG ont organisé hier un sit-in devant le Palais de justice, accusant le président du conseil municipal de Dekouané d’avoir commis onze violations de la loi dans la nuit du 20 avril.

Des tam-tams pour faire du bruit, et faire avancer les choses. Photo Joseph Eid AFP

Faire une entrée en trombe dans la boîte de nuit Ghost un samedi soir, arrêter des ressortissants syriens parmi les clients sans aucun préavis, obliger deux d’entre eux à s’embrasser dans les locaux de la municipalité, les forcer à se dénuder dans une ambiance hilare, les prendre en photo, les violenter, les humilier, les relâcher sans procès-verbal et se vanter de proclamer une localité libanaise, censée être accessible à tous, comme zone interdite aux homosexuels et transsexuels : telles sont les accusations lancées contre le président du conseil municipal de Dekouané, Antoine Chakhtoura, par les membres et les amis de « Helem », une ONG spécialisée dans la défense des droits des homosexuels et des transsexuels.


Hier, devant le Palais de justice, les protestataires ont organisé un sit-in pour souligner à l’intention des autorités qu’ils ne comptent pas se taire face à ce « scandale » et qu’ils sont déterminés à poursuivre M. Chakhtoura en justice. Levant leurs drapeaux aux couleurs de l’arc-en-ciel et des pancartes dénonciatrices, des dizaines de supporters de la communauté LGBT (lesbiennes, gays, bisexuels, transsexuels) ont exprimé leur mécontentement à travers des slogans comme « Non à l’homophobie, oui à la dignité humaine », « Dékouané n’est pas une propriété privée », « Je suis syrien et j’ai le droit de vivre », « Homme ou femme, ça ne te regarde pas », ou encore « Que la barque (Chakhtoura en arabe) de l’homophobie fasse naufrage ».


Le 20 avril, Antoine Chakhtoura s’était permis d’effectuer une descente dans la boîte de nuit Ghost, connue pour sa tolérance envers les homosexuels, et avait arrêté quatre travestis pour « atteinte aux bonnes mœurs » avant d’ordonner la fermeture de la boîte.


« C’est aberrant, dénonce Rania, personne n’a le droit de forcer quelqu’un à se déshabiller. Va-t-on apprendre à respecter les droits de l’homme dans ce pays ? » De son côté, Georges, responsable à « Helem », déclare que « l’ONG se prépare à poursuivre en justice Antoine Chakhtoura, qui a commis onze violations en fermant le Ghost ». « La communauté gay est une cible facile, ajoute-t-il. Il s’est donc permis de s’attaquer à elle, sachant qu’un président de municipalité n’a pas les prérogatives nécessaires pour prendre ce genre de mesures. De plus, comment se permet-il d’être discriminatoire à l’égard des Syriens ? En tout cas, le parquet a été notifié de ces violations, et nous suivrons les procédures légales pour mettre un terme à ce genre de comportement. »


Pour sa part, Ahmad souligne que « les espaces tolérants envers la communauté LGBT sont très rares ». Et d’expliquer : « Quand les élections s’approchent ou qu’ils veulent faire un étalage de force, les responsables comme M. Chakhtoura s’attaquent à nous et nous privent du peu de liberté dont on jouit. N’est-il pas temps que l’on reconnaisse au Liban que l’homosexualité n’est pas une accusation ou un crime, et que l’orientation sexuelle est un choix ? Nous ne sommes que quelques dizaines à manifester aujourd’hui, mais nombreux sont ceux qui approuvent notre cause et stigmatisent l’homophobie. »


Après la fermeture du Ghost, ouvert depuis cinq ans, certains affirment aujourd’hui qu’un litige de nature financière entre le propriétaire de la boîte de nuit et Antoine Chakhtoura aurait poussé ce dernier à effectuer ce tour de force, « sans compter l’approche de l’échéance électorale de mi-mandat du conseil municipal », relèvent ces sources. « C’est étrange qu’il ferme le Ghost après tout ce temps, dit Sélim. Il est vrai que nous sommes pour la liberté d’expression et que M. Chakhtoura a le droit de dire ce qu’il veut, mais ses propos sont discriminatoires, racistes et ridicules. Et voilà maintenant qu’il se cache derrière la religion et les bonnes mœurs pour se justifier et renforcer sa position en plaçant des pancartes homophobes à Dekouané. » En effet, une dizaine de pancartes « encensant » le rôle du président du conseil municipal ont été levées hier dans toutes les ruelles de la ville. Sur elles, on peut lire : « Ce qui est contre nature est aussi contre la loi », « Le président de notre municipalité est une merveille de valeurs morales et de principes nobles » et « Le futur de nos enfants est entre vos mains ». Devant le Ghost, là où des jeunes, il y a quelques semaines encore, venaient « être eux-mêmes », loin des regards médisants et moralisateurs, une sainte banderole rappelle aux plus pécheurs que « le patriarche maronite a béni la ville de Dekouané et que nul ne peut la souiller ».

 

 

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