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À La Une - Syrie

El-Qaëda ou pas? Al-Nosra fait sa crise d'identité

L’opposition réclame encore des armes ; les États-Unis réfléchissent à la façon de la soutenir davantage.

À Alep, cet homme marche à travers les décombres, son quartier a été totalement détruit. Dimitar Dilkoff/AFP

Le Front jihadiste al-Nosra, en première ligne dans le combat contre le régime syrien, a annoncé hier qu’il prêtait allégeance au chef d’el-Qaëda mais a décliné le parrainage de la branche irakienne du réseau extrémiste. Agacé par l’annonce faite la veille par les jihadistes irakiens de créer un État islamique d’Irak et du Levant englobant al-Nosra, le chef du groupe Abou Mohammad el-Joulani a jugé que cette déclaration était prématurée et pouvait même nuire aux relations d’al-Nosra avec les autres factions qui combattent le régime de Bachar el-Assad. « Nous, le Front al-Nosra, prêtons allégeance à cheikh Ayman al-Zawahiri (...) », a-t-il ainsi déclaré dans un message audio, diffusé sur des forums jihadistes. Mais il s’est démarqué de l’annonce de parrainage faite par la branche irakienne du réseau mardi. « Nous informons que ni le commandement d’al-Nosra, ni sa Choura, ni son responsable général n’étaient au courant de cette annonce. Elle leur est parvenue via les médias et si le discours attribué est authentique, nous n’avons pas été consultés », a assuré son chef.

 

(Lire aussi : Une charge explosive d’al-Nosra destinée au Hezbollah ?)

Démarcation
Pour lui, l’annonce spectaculaire des jihadistes irakiens n’était pas appropriée. « Nous avions reporté l’annonce d’adhésion en raison de la particularité de la Syrie », dit-il en soutenant que ce report avait été décidé en concertation avec d’autres factions islamistes. Tout en reconnaissant l’appui militant et financier apporté par el-Qaëda en Irak qui « a approuvé le projet proposé par al-Nosra pour venir au secours de nos frères opprimés en Syrie et nous a donné une partie de l’argent de l’État islamique d’Irak », le chef Joulani estime que cette déclaration risque de semer le trouble dans les rangs de la rébellion. « Le Front al-Nosra restera fidèle à son image. Nous ne voulions pas précipiter les choses avec l’annonce d’un État islamique car dans les régions libérées se réalisent déjà la charia, la résolution des conflits, l’aspiration à la sécurité entre musulmans. Le fait d’annoncer cela n’était pas nécessaire », souligne-t-il, martelant qu’en tout cas, « l’État islamique en Syrie sera construit par tout le monde, sans exclusion d’aucun partie ayant participé au jihad et au combat en Syrie ».


Ainsi à Alep un tribunal islamique régit désormais la vie des quartiers rebelles. Mariage, héritage, contrats commerciaux, tout passe maintenant par cette instance gérée par des juges et des avocats passés à la rébellion et placée sous le patronage du front islamique.

Faire fondre le crédit
Cette déclaration d’allégeance pourrait nuire aux intérêts d’al-Nosra, voire saper le soutien dont il jouit sur le terrain en Syrie, jugent des analystes. Cette alliance pourrait ainsi faire fondre le crédit dont al-Nosra jouit au sein de la population syrienne. « Il a récolté un soutien non négligeable parce qu’il peut se vanter d’obtenir des résultats et, surtout, il a su éviter de s’aliéner son environnement immédiat », la population civile, note Peter Harling, spécialiste de la Syrie à l’International Crisis Group. « Sa déclaration d’allégeance va se retourner contre lui, car il s’associe à une entité qui est étrangère à la culture syrienne et qui est perçue comme ayant échoué dans ses entreprises précédentes », nuance-t-il. Cette alliance met, de plus, en évidence « qu’il fait partie d’el-Qaëda », renchérit Cole Bunzel, doctorant à l’université de Princeton aux États-Unis. Et en prêtant allégeance à Ayman al-Zawahiri, al-Nosra permet au régime de Bachar el-Assad d’affirmer encore plus résolument qu’il est en lutte contre des « terroristes ».
La déclaration d’Abou Mohammad al-Joulani n’est cependant pas une surprise, elle officialise un état de fait que Washington soupçonnait déjà depuis plusieurs mois.

 

(Lire aussi : Ziad Rahbani hué à l’AUB en raison de ses prises de position sur la Syrie)

G8
Parallèlement, en marge du premier jour d’une rencontre des ministres des Affaires étrangères du G8 dans la capitale britannique, l’opposition syrienne, dont le Premier ministre de la rébellion, Ghassan Hitto, s’est entretenue& avec John Kerry et plusieurs de ses homologues. Elle a de nouveau demandé, lors d’un déjeuner avec le secrétaire d’État américain, de recevoir des armes. Mais M. Kerry, dont le pays fournit une importante aide humanitaire à la rébellion syrienne mais pas d’aide militaire létale, « n’a rien promis », a indiqué un représentant de son ministère.
En revanche, le chef de la diplomatie américaine se rendra le 20 avril à Istanbul à une nouvelle réunion du groupe des Amis de la Syrie, a annoncé une autre source au département d’État.


Les entretiens d’hier ont été organisés sous l’égide du Royaume-Uni, qui préside actuellement le G8 et milite pour une levée de l’embargo de l’Union européenne sur les livraisons d’armes aux forces de l’opposition syrienne. La question qui divise ses partenaires est plus que jamais d’actualité après l’annonce de l’allégeance d’al-Nosra à el-Qaëda. La France, après avoir semblé être sur la même ligne que Londres, a indiqué qu’elle n’avait pas encore arrêté sa position. Elle a fait valoir qu’il fallait d’abord établir si on pouvait « avoir confiance » à l’opposition syrienne et a mis en avant le risque que les armes tombent aux mains des extrémistes. « Nous étudions toujours une grande variété d’options, nous allons continuer à aider l’opposition, en travaillant avec elle pour discuter de ce dont elle a besoin, et de ce que nous sommes prêts à fournir », a déclaré pour sa part hier un représentant du secrétariat d’État américain. « Nous avons besoin d’avoir en permanence ce genre de conversation, c’est la raison pour laquelle nous retournons à Istanbul », a-t-il encore dit.
Une « déclaration assez forte » devrait clore la réunion aujourd’hui à Londres, selon un haut représentant de l’administration américaine.

 

(Pour mémoire: « Le Front al-Nosra a toujours été clair sur ses intentions : il veut un califat »)



Au moins 66 morts...
Sur le terrain, la violence ne connaît pas de répit. Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), au moins 66 personnes ont trouvé la mort hier.
Par ailleurs, la Turquie construit actuellement deux camps le long de sa frontière avec la Syrie pour faire face au nombre croissant de réfugiés issus de minorités, comme les chrétiens assyriens et les Kurdes, a indiqué un responsable gouvernemental. La Jordanie a de son côté ouvert un second camp pour accueillir les centaines de milliers de Syriens qui se sont réfugiés sur son territoire.


Enfin, la justice israélienne a inculpé hier un Arabe israélien d’atteinte à la sécurité pour avoir rejoint les rebelles syriens et fait cause commune avec des islamistes radicaux. Hikmat Massarwa, 29 ans, encourt une peine maximale de 15 ans de prison pour entraînement militaire illégal, voyage dans un pays hostile et contact avec des agents étrangers.

 

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