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Nos Lecteurs ont la Parole - Bahjat RIZK

Des différences culturelles et de l’unité nationale

La plupart des conflits infranationaux et transnationaux aujourd'hui sont de nature culturelle, amplifiés par la mondialisation et le développement des moyens de communication. Toutefois nous continuons à appartenir à des États-nations dont nous portons, à juste titre, la nationalité, dont nous sommes ressortissants, citoyens ou sujets et qui nous donnent un ancrage matériel, social et politique, dans la réalité du monde. Les deux campagnes présidentielles en cours, tant aux États-Unis qu'en France, ainsi que le débat autour de la vacance présidentielle au Liban tournent principalement autour de la question identitaire. Tout débat démocratique dans nos sociétés pluriculturelles contemporaines doit, au préalable, résoudre cette problématique pour pouvoir s'organiser.
Nous appartenons à des sociétés plus ou moins régulées, soumises à un ordre social, culturel et politique, lui-même issu d'une vision idéologique, avec ses interdits et ses priorités. Certes l'identité n'est pas un état statique et définitif mais une dynamique qui emprunte, selon l'histoire de chaque pays, tour à tour, certains éléments structurants identifiés, depuis Hérodote, le père de l'histoire il y a 2500 ans, lors de son récit-enquête sur les guerres médiques à savoir « la race, la langue, la religion et les mœurs ». Ces éléments n'ont pas changé et contribuent à la fois à la structuration légitime des identités collectives et au risque de leur instrumentalisation, au service du politique.
Toute société à la base est une société pluriculturelle car il ne saurait exister une société où les quatre paramètres seraient alignés: ce serait une société verrouillée, clonée, condamnée à l'asphyxie. Une société plurielle présente, obligatoirement, une différence culturelle qui peut être vécue soit comme une valeur ajoutée (et une possibilité d'évolution, de remise en question et de rectification), soit comme une menace (et une possibilité de régression, d'agression et de confrontation). C'est là qu'il faudrait agir, en mettant en perspective tant les différences culturelles que l'unité nationale.
Si la différence culturelle est trop importante et qu'elle conditionne les individus, en les enfermant dans leur appartenance communautaire, au détriment de leur appartenance nationale, alors très rapidement cette société va être de plus en plus difficile à gérer et même va présenter un risque certain d'implosion ou de fragmentation. Si la différence culturelle est niée ou refoulée, de manière contrainte, elle va continuer à s'exprimer de manière directe ou détournée, en attendant de se restructurer et de ressurgir, à un moment donné, dans l'espace public et le projet politique.
Certes on ne peut demander à quelqu'un de renoncer à sa religion, sa langue, sa race ou ses mœurs car c'est ce qui lui a été transmis, ce dont il se sent dépositaire et c'est ce qui lui permet de se relier, de se construire et d'exister. Il ne peut pas nier ce qui le fonde.
Toutefois un individu ou même un groupe vit dans un environnement plus large avec lequel il doit communiquer et composer, et s'il reçoit des messages contradictoires ou ne partage pas avec son entourage immédiat un minimum de valeurs culturelles, il lui sera impossible de s'adapter. Ce qui peut mener soit à l'effacement, voire la disparition, soit à l'hostilité, la violence et la rupture. Les guerres entre les nations et les guerres civiles sont essentiellement des guerres culturelles. Elles sont souvent le fruit d'une histoire malheureuse de domination, de préjugés et d'abus qui finissent par se transmettre.
Nous portons en nous nos mémoires collectives et les récits historiques qui peuvent être perçus positivement ou négativement, selon les émotions qu'ils véhiculent. Il y a une part de subjectivité qui est incompressible et irréductible. Toutefois, pour sortir de ce rapport de force et désamorcer les passions, il faudrait remettre en perspective les paramètres identitaires comme des éléments neutres et objectifs dont certains seraient convergents et d'autres divergents.
Il s'agit donc de remettre en commun les valeurs positives et les idéaux dont tout le monde peut bénéficier et qui rétablissent les liens de convivialité entre les membres d'une même collectivité, au-delà de leurs différences culturelles.
Dans le passé, on essayait d'imposer une même culture à travers une même religion, une même langue, une même race et les mêmes mœurs. Et la plupart des guerres et des massacres ont eu lieu pour renforcer de manière autoritaire la cohésion nationale. Or cette coercition n'est plus acceptable dans notre monde d'aujourd'hui.
Il faudrait, tout en reconnaissant les spécificités culturelles, les inscrire dans un cadre d'appartenance plus large et plus global, qui élargisse notre environnement, tout en recréant la cohésion du groupe et en mettant en partage les valeurs positives, pour permettre à une société composée de ne pas se diviser sur elle-même et de se réconcilier avec les valeurs qui la fondent. Il y a un cadre référentiel commun qu'il faudrait définir au préalable et auquel il faudrait librement adhérer.
C'est ce cadre référentiel ouvert qui nous manque aujourd'hui et qui nous oblige à nous replier sur nous-mêmes et sur des espaces plus étriqués, pour nous protéger. Dans un monde mondialisé, nous ne pouvons accepter que les cultures s'affrontent impitoyablement, car ce serait un monde de luttes à mort, sans fin. La vie est faite de contradictions et de compromis – tant que les premières ne se transforment pas en conflits acharnés et les seconds en lâches démissions... Définir et identifier nos paramètres culturels est peut-être le meilleur moyen de les négocier et de les relativiser et, surtout, d'apprendre à nouveau sereinement, sur la même planète, à vivre ensemble.

La plupart des conflits infranationaux et transnationaux aujourd'hui sont de nature culturelle, amplifiés par la mondialisation et le développement des moyens de communication. Toutefois nous continuons à appartenir à des États-nations dont nous portons, à juste titre, la nationalité, dont nous sommes ressortissants, citoyens ou sujets et qui nous donnent un ancrage matériel, social et...

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L'écrivain français Milan Kundera dit :" La culture c'est la mémoire du peuple , la conscience collective de la continuité historique , le mode de pense, de vivre ". Là une question se pose : Le patrimoine culturel existe t-il encore de nos jours ? Malheureusement l'héritage culturel , le dialogue intergénérationnel et la transmission de valeurs n'existent plus . Tout est bafoué par la modernisation , le matérialisme et le robotisme. Nous vivons dans un monde sophistiqué, dominé par l'apparence, l'extravagance et l'hyperstimulation. C'est bien dommage que le savoir-vivre et le savoir-être n'existent plus : le Moi est soumis à l'automatisme , à la force géologique , à des " créations identitaires " et à l'intelligence artificielle . Où allons -nous dans ce brouhaha ? Personne ne sait . Nada Wehbé ‒ CLUB-MAMANS ‒ www.nadawehbe.org Facebook : Nada Wehbe

Fadi Wehbe

23 h 09, le 12 octobre 2016

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Commentaires (1)

  • L'écrivain français Milan Kundera dit :" La culture c'est la mémoire du peuple , la conscience collective de la continuité historique , le mode de pense, de vivre ". Là une question se pose : Le patrimoine culturel existe t-il encore de nos jours ? Malheureusement l'héritage culturel , le dialogue intergénérationnel et la transmission de valeurs n'existent plus . Tout est bafoué par la modernisation , le matérialisme et le robotisme. Nous vivons dans un monde sophistiqué, dominé par l'apparence, l'extravagance et l'hyperstimulation. C'est bien dommage que le savoir-vivre et le savoir-être n'existent plus : le Moi est soumis à l'automatisme , à la force géologique , à des " créations identitaires " et à l'intelligence artificielle . Où allons -nous dans ce brouhaha ? Personne ne sait . Nada Wehbé ‒ CLUB-MAMANS ‒ www.nadawehbe.org Facebook : Nada Wehbe

    Fadi Wehbe

    23 h 09, le 12 octobre 2016

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