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Moyen Orient et Monde - Conférence

Le Brexit, une opportunité stratégique pour un monde multipolaire ?

Lionel Vairon, sinologue, ancien diplomate et expert des questions internationales, analyse les conséquences géostratégiques du Brexit pour l'avenir de l'Union européenne et ses relations extérieures.

Le président américain Barack Obama et l’ex-Premier ministre britannique David Cameron, le 8 juillet 2016, au sommet de l’Otan à Varsovie. Photo AFP

Lors d'une conférence-débat qui s'est tenue jeudi au Centre consultatif pour les études et la documentation, un think tank du Hezbollah, Lionel Vairon, sinologue, docteur en études extrême-orientales, ancien diplomate en poste en Asie du Sud-Est et au Moyen-Orient, a proposé une analyse des implications géostratégiques du Brexit et des évolutions à venir dans les relations de l'Union européenne (UE) avec les États-Unis, l'Otan, la Chine et la Russie.
Le 23 juin dernier, les Britanniques se sont prononcés en faveur d'une sortie de l'UE, une décision qui ouvre une ère d'incertitudes majeures entraînant un bouleversement des équilibres internes de l'UE et un changement de perspective dans les rapports de l'Union avec les principaux pôles de puissance. Si, historiquement, le Royaume-Uni, non-membre de l'espace Schengen, a su conserver une politique monétaire et de change autonome, et s'est refusé à prendre part à la politique de justice et de sécurité intérieure, il participait néanmoins pleinement au marché unique, à la politique commerciale de l'Union, et restait membre majoritaire de l'UE sur le plan de la défense et des relations euro-Atlantique. Or, comme le rappelle Lionel Vairon, avec le départ du Royaume-Uni, l'Union perd 50 % de son droit de vote au Conseil de sécurité, 40 % de sa puissance de feu nucléaire, 40 % de sa puissance militaire globale et 15 % de son effort d'aide au développement. Le Brexit risque donc d'affecter lourdement les volets défense et sécurité, et d'entraîner des conséquences tangibles dans les relations stratégiques de l'Union.


(Repère : Le Brexit, mode d'emploi)

 

Perte d'influence
Parmi les principales implications géopolitiques du Brexit, l'auteur du Défis chinois : introduction à une géopolitique de la Chine (Ellipses, 2006) relève que les États-Unis se retrouvent privés de leur « plus efficace cheval de Troie en Europe ». Depuis son adhésion à la Communauté économique européenne (CEE) en 1973, le Royaume-Uni a toujours été perçu comme un membre réticent. L'histoire de la dernière décennie et les épisodes de l'implication de Londres dans la guerre en Irak et du veto anglais début 2005, visant à bloquer la décision européenne en faveur de la levée de l'embargo sur les armes à destination de la Chine, témoignent de l'importance décisive de Londres dans la stratégie d'ingérence active et systématique de Washington dans les affaires européennes. Si les États-Unis peuvent s'appuyer sur des pays traditionnellement atlantistes comme la Pologne ou la République tchèque, rappelle Lionel Vairon, leur poids en matière de politique de défense reste limité. « Washington sera donc amené à réviser sa stratégie d'influence au sein de l'UE au cours des deux ou trois prochaines années », estime l'ancien diplomate. Le Brexit porterait également en germe, selon M. Vairon, un affaiblissement de la puissance de Londres qui sera dans une dynamique de dépendance renforcée vis-à-vis de Washington.

 

(Lire aussi : Brexit : Hollande accepte de laisser May « préparer » la négociation)

 

Puissance continentale conciliatrice
Face à la Grande-Bretagne et aux États-Unis, « l'UE pourrait retrouver son statut de puissance continentale, et les relations entre l'Otan et l'Union s'en trouveraient entièrement révisées ». Ce statut de puissance continentale, au sens où l'entendait le géopoliticien britannique Mac Kinder, contraindrait l'Europe à s'intéresser de plus près aux pays d'Europe centrale et orientale (le heartland). L'intransigeance et la confrontation directe avec la Russie, sous l'influence de Londres, laisseraient place à une opportunité réelle de rapprochement. Parmi les autres conséquences qui pèsent sur l'Otan, celle d'une diminution de la contribution de Londres au budget de l'organisation, en raison de l'impact économique du Brexit, n'est pas des moindres. Pour Lionel Vairon, l'avenir post-Brexit est aussi incertain en matière de sécurité. En dépit de l'attitude traditionnellement hostile de Londres à l'élaboration d'une politique de sécurité et de défense commune (PESD), la France et la Grande-Bretagne représentent la plus importante puissance de feu et la coopération bilatérale la plus avancée. Le Brexit pourrait donc avoir deux effets contraires en matière de défense : favoriser l'annihilation définitive d'un projet européen de défense et de sécurité sans les Britanniques, ou encourager la France à poser ce cadre avec l'Allemagne « en investissant davantage dans une politique de défense relativement déconnectée des influences des États-Unis et de l'Otan ».

Affaiblissement stratégique
Quelles que soient les évolutions à venir, la perspective d'une Europe divisée ne mécontente pas Moscou et Pékin. La Russie voit le resserrement de l'UE comme une opportunité pour des interactions plus souples avec l'Europe. Lionel Vairon estime que sans Londres, et dans un contexte où l'Union « va se débattre avec les questions économiques liées au Brexit, elle pourrait se montrer moins encline à maintenir et renforcer des sanctions coûteuses contre la Russie ». Une Europe affaiblie est également perçue positivement par la Chine dans une phase de recomposition du système international. Si, « sur le plan économique, le Brexit peut entraîner des conséquences majeures pour Pékin, principal partenaire commercial de Londres au sein de l'UE lui offrant un accès au marché unique, sur le plan géostratégique, cela reste un atout », estime M. Vairon. Il rappelle que les évolutions politiques intervenues en Europe depuis 5 ans ont entraîné un bouleversement dans les représentations des dirigeants chinois. Si, pendant de nombreuses années, l'Europe était perçue par Pékin comme un « pôle d'équilibre » dans une approche multipolaire, depuis 2006, « l'UE est une planche pourrie en termes de multipolarité », note M. Vairon. Avec l'apparition d'une nouvelle génération de dirigeants européens atlantistes qui ont pris la direction des pouvoirs en Europe, la Chine a renoncé au credo de son potentiel stabilisateur.
Le Brexit apparaît finalement pour Lionel Vairon comme l'événement le plus marquant dans l'histoire de l'UE, après l'épisode de la décolonisation et de l'effondrement du bloc soviétique. Si l'impact économique du Brexit reste encore difficile à mesurer, sur le plan géostratégique, il amorce un processus de recomposition durable des influences.

 

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commentaires (1)

EXCELLENTISSIME .... A LIRE PAR LES TENANTS DE LA THEORIE DE LA CONNIVENCE AFIN QU'ILS COMPRENNENT CE QUE CE MOT VEUT DIRE .......

FRIK-A-FRAK

13 h 27, le 30 juillet 2016

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Commentaires (1)

  • EXCELLENTISSIME .... A LIRE PAR LES TENANTS DE LA THEORIE DE LA CONNIVENCE AFIN QU'ILS COMPRENNENT CE QUE CE MOT VEUT DIRE .......

    FRIK-A-FRAK

    13 h 27, le 30 juillet 2016

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