Les slogans des opposants à la loi travail se mettent à l’heure de l’Euro de football, qui se tient actuellement en France. Ainsi, les manifestants distribuent-ils des « cartons rouges » au projet de réforme. Alain Jocard/AFP
L'exécutif socialiste français est de nouveau passé en force hier pour faire adopter par les députés son projet de réforme du droit du travail, contre laquelle la mobilisation dans la rue s'étiole après quatre mois de conflit. « J'ai décidé d'engager la responsabilité du gouvernement », a déclaré le Premier ministre Manuel Valls, posant la question de confiance à l'arrivée du texte en deuxième lecture devant l'Assemblée nationale. Cette arme constitutionnelle, le 49-3, déjà utilisée lors de l'examen initial du projet au printemps, lui permet d'éviter un vote sur ce texte qui divise la gauche. Malgré des manifestations à répétition dans le pays et la fronde d'une partie des députés socialistes, l'exécutif, très impopulaire, n'a rien cédé sur le fond.
Les adversaires du texte ont encore la possibilité de déposer une motion de censure, qui, si elle obtenait la majorité, ferait tomber le gouvernement. L'opposition de droite a renoncé à en défendre une. La gauche de la gauche, qui avait échoué de peu à en déposer une en première lecture, pourrait de nouveau tenter de réunir les 58 députés nécessaires pour le faire. S'il n'y a pas de motion de censure ou qu'elle est rejetée, la réforme fera une dernière navette au Sénat avant son adoption définitive, d'ici au 22 juillet, par l'Assemblée nationale.
La « loi travail », dernier grand projet du quinquennat de François Hollande neuf mois avant la prochaine élection présidentielle, est censée fluidifier le marché de l'emploi dans un pays où le chômage culmine à 10 %. Mais ses détracteurs à gauche la jugent trop favorable aux employeurs au détriment des salariés. Au cœur de la contestation, une disposition accorde la priorité aux accords d'entreprises sur ceux conclus au niveau des branches professionnelles. Les syndicats réformistes y sont favorables, y voyant des occasions de donner plus de place aux négociations. Mais pas les syndicats contestataires, principalement CGT et FO, majoritaires, dont la culture est façonnée par l'idée de lutte des classes.
Trêve estivale
Pour la douzième journée d'actions contre le projet depuis mars et la dernière avant les vacances d'été, la mobilisation dans la rue a marqué le pas hier, avec des manifestations moins fournies à Paris et en province. Dans la capitale, un cortège a rassemblé environ 7 000 personnes, selon la préfecture de police, 45 000 manifestants d'après la CGT. En province, des défilés rassemblant chaque fois entre un et quelques milliers d'opposants, selon les estimations, ont eu lieu à Rennes, Marseille, Bordeaux ou encore Toulouse.
Figure de proue de la fronde depuis mars, le numéro un du syndicat CGT, Philippe Martinez, a assuré que la contestation connaîtra de nouveaux « temps forts à la rentrée ». Le gouvernement « n'en a pas fini avec la loi travail », a-t-il averti. Des réunions sont prévues pour la fin de l'été, comme à Nantes, le 28 août, où la contestation sociale a plusieurs fois pris un tour violent faisant des blessés. Ce climat a conduit le Parti socialiste (PS) à annuler son université d'été, prévue dans cette ville à la même date. Ses permanences, ainsi que des locaux syndicaux ont été récemment vandalisés dans plusieurs villes. Le numéro un du PS, Jean-Christophe Cambadélis, a mis en cause dimanche « une ultragauche antidémocratique », mais le député socialiste frondeur Yann Galut a estimé que l'annulation de l'université d'été montrait « l'état de rupture du gouvernement avec les Français ».
Ses divisions mettent le parti au pouvoir en mauvaise posture pour rassembler la gauche à l'approche de la présidentielle, face à la droite qui rêve de revanche et de l'extrême droite qui a le vent en poupe. L'impopularité du président Hollande fait qu'il n'apparaît pas, pour beaucoup, comme le candidat naturel de la gauche. Le PS a été contraint d'annoncer une primaire pour début 2017. Le paysage politique en France a rarement été aussi éclaté. Dans l'opposition, l'ancien président Nicolas Sarkozy, chef du parti Les Républicains, a fait adopter samedi dernier par ses troupes un programme pour la présidentielle. Mais ses nombreux rivaux ont fait savoir qu'ils n'étaient pas liés par ses orientations.
(Source : AFP)