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Santé

En Égypte, une ONG réoriente le surplus de médicaments vers les plus nécessiteux

En Égypte, un pharmacien élabore un système qui met les surplus de médicaments à portée des patients dans le besoin.

Waleed Shawky, 36 ans, a fait de l'accès aux médicaments pour les Égyptiens les plus pauvres sa mission. Photo Jonathan Rashad

En 2010, dans une mosquée du Caire, Waleed Shawky tombe sur un stock de médicaments donnés. Le pharmacien, qui sait combien il est difficile pour ses clients aux ressources limitées d'acheter les traitements dont ils ont besoin n'en revient pas.


Depuis un moment déjà, il se demande où disparaissent les médicaments inutilisés. Un gaspillage qu'il évalue à près d'un milliard de livres égyptiennes (112 millions de dollars, 98 millions d'euros) chaque année en Égypte.
«J'ai demandé à quoi servaient ces médicaments. Les gens à la mosquée m'ont répondu qu'un pharmacien viendrait peut-être pour les informer...», se souvient-il, assis dans sa modeste pharmacie.
Très sensible à la question de l'accès aux médicaments, Waleed Shawky décide alors de lancer Medicine For All, une ONG qui collecte les surplus de médicaments et fait le lien avec les patients dans le besoin. Il s'associe d'abord avec des étudiants en pharmacie pour ouvrir des points de distribution ouverts au personnel universitaire. Rapidement, le programme prend de l'ampleur. Au point que l'année dernière, le programme a permis d'aider 60000 Égyptiens.


Les médicaments, qui représentent le plus gros poste de dépense du système de santé égyptien, restent hors de portée d'une grande partie des 90 millions d'habitants du pays. Selon la Banque mondiale, si plus de la moitié des Égyptiens ont accès à une assurance santé, 72% des coûts de santé restent à la charge des patients. Avec plus d'un quart de la population vivant en dessous du seuil de pauvreté et 17 % parvenant à peine à se nourrir, nombreux sont ceux qui se passent de médicaments.


Medicine For All procède selon le principe de la redistribution, créant un lien entre l'offre – des surplus de médicaments peu ou pas utilisés – et la demande. La majorité des dons provient de pharmacies et d'entreprises pharmaceutiques, qui ne sont plus autorisées à vendre les produits trois à six mois avant leur date d'expiration, alors qu'ils sont encore bons.


Les dons viennent également de particuliers qui ont acheté des boîtes de médicaments complètes, comme la loi l'exige, mais n'en ont utilisé qu'une partie. Certaines personnes font don de leur surplus de médicaments par altruisme ou par charité, d'autres pour bénéficier d'une déduction d'impôts.
L'idée de Waleed Shawky lui a valu une belle reconnaissance : il a été finaliste du MIT Arab Forum et nommé Fellow du réseau mondial d'entrepreneurs sociaux Ashoka en 2013.

 

Filtrer et contrôler les dons
Au siège de Medicine For All à Nasr City, un quartier de l'est du Caire, un don conséquent d'une entreprise pharmaceutique attend d'être trié. Waleed Shawky forme des étudiants en pharmacie bénévoles à filtrer et contrôler les produits reçus, leur donnant au passage de précieux conseils pratiques sur la gestion des médicaments.
Son équipe rejette les produits altérés ou expirés, et enregistre les autres dans une base de données. L'organisation distribue ensuite les médicaments via des ONG partenaires, qui identifient les bénéficiaires selon leurs besoins médicaux et leurs ressources financières, puis s'assurent que les patients suivent leur traitement jusqu'au bout. Chaque mois également, des caravanes médicales livrent des médicaments aux patients de lieux reculés. L'an passé, Medicine For All a distribué pour 1,6 million de livres égyptiennes (180000 USD; 160000 euros) de médicaments, contre 300000 livres égyptiennes (33700 USD, 29000 euros) l'année de la création de l'ONG, en 2013.


À Zeitoun, un autre quartier de l'est du Caire, l'organisation d'Helmy Torky, al-Nour al-Mohamedy, distribue des médicaments à une trentaine de patients chaque mois. «Je n'ai pas les moyens d'acheter ne serait-ce qu'un demi-cachet», déplore Saber Mostafa Mohamed. Cet ancien plombier de 64 ans reçoit 360 livres égyptiennes (40 USD, 36 euros) par mois au titre de l'assurance sociale, mais son traitement pour des problèmes cardiaques lui coûterait le double. Avant même d'arrêter de travailler en raison de ses problèmes cardiaques, il aurait eu du mal à choisir entre nourrir sa famille et acheter ses médicaments. «Il aurait fallu que je m'en remette à Dieu», dit-il.


Medicine For All, dont les frais de fonctionnement annuels s'élèvent à 100000 livres égyptiennes (11200 USD, 9900 euros), est désormais autofinancé. La bourse que Waleed Shawky reçoit en tant que Fellow Ashoka y contribue. Espérant étendre davantage les opérations de l'ONG, il cherche d'autres financements et partenariats.
Waleed Shawky a notamment lancé un programme de parrainage pour les patients souffrant de maladies chroniques, telles que l'hépatite C et la schistosomiase, endémique en Égypte et nécessitant des traitements onéreux. À Zeitoun, Karima Bakry Ahmed, une gardienne de 54 ans, doit aux médicaments reçus de Medicine For All le résultat enfin négatif de son dernier test d'hépatite C.


Le coût élevé médicaments et leur gaspillage sont des maux que connaissent de nombreux pays dans le monde, où des programmes similaires ont pu naître. Aux États-Unis, l'organisation Sirum propose ainsi un système en ligne de redistribution de personne à personne.
«Partout où un problème de mauvais usage des médicaments se pose, [notre] projet peut fonctionner», déclare Waleed Shawky. «Je sais qu'il est duplicable au Moyen-Orient et dans la région du Golfe. Dans ces pays, mes amis me disent que le problème est identique à celui de l'Égypte.»
Au-delà des avantages en termes de santé publique et de développement, Medicine For All a fait évoluer les mentalités en encourageant même les plus nécessiteux à partager. «L'organisation m'a montré comment vivre», reconnaît Mohamed le plombier. «S'il me reste des médicaments, je les rapporte à Monsieur Helmy.»

 

Pour plus d'informations :
https://www.ashoka.org/fellow/waleed-shawky

 

 

 

En 2010, dans une mosquée du Caire, Waleed Shawky tombe sur un stock de médicaments donnés. Le pharmacien, qui sait combien il est difficile pour ses clients aux ressources limitées d'acheter les traitements dont ils ont besoin n'en revient pas.
Depuis un moment déjà, il se demande où disparaissent les médicaments inutilisés. Un gaspillage qu'il évalue à près d'un milliard de livres...

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