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Liban - Tribune

Ban et François : problématique des réfugiés et de la désintégration

Nombreuses sont les approches et initiatives qui se succèdent tant aux niveaux national, régional qu'international face à la question des réfugiés syriens, dans un temps où s'opère une aliénation quasi systématique du dossier des réfugiés palestiniens, et un semblant de pragmatisme par rapport aux réfugiés irakiens, ce qui mène à croire que d'aucuns cherchent à aller dans le sens d'une redéfinition des priorités des pays donateurs d'une part, et des pays d'accueil d'autre part.
L'Onu, par le truchement de ses institutions et ses programmes, s'est contentée ou s'est trouvée même forcée d'intervenir pour répondre aux besoins humanitaires, tout en appliquant la politique de l'autruche face aux éventuelles conséquences que susciterait la question des réfugiés, en l'occurrence une fragmentation identitaire désastreuse tant sur le plan géographique que démographique. Ces suppositions ne se fondent pas sur un éventuel complot qui se préparerait dans le but d'intégrer ou de naturaliser les réfugiés syriens là où ils se trouvent, mais émanent plutôt d'une conviction selon laquelle le retour de ces réfugiés demeure impossible à la lumière de la destruction continue de leur pays et des conflits multiples dont nous, libanais, avons fait l'expérience et sommes sortis indemnes et handicapés à la fois.
Quoi qu'il en soit, et loin de toute improvisation, démagogie ou populisme, il est urgent de tenter de décrypter le contenu du rapport du secrétaire général des Nations unies : « Sûreté et dignité : gérer les déplacements massifs de réfugiés et de migrants » (21/04/2016) ainsi que la déclaration du pape François à travers laquelle il implore l'Europe de traiter les réfugiés et les migrants avec dignité et de les intégrer (16/05/2016). Un lecteur averti qui examinerait de près le rapport de Ban Ki-moon et les propos du pape n'y verrait que de l'humanisme qui ne tient pas profondément du caractère politique et complexe de la question des réfugiés, encore moins se pencher sur ses causes principales.

 

(Lire aussi : Plus d'un million de réfugiés auront besoin d'être relocalisés en 2017, selon l'Onu)

 

Ban Ki-moon : impuissance et échec retentissant
Ledit rapport du secrétaire général de l'Onu n'est qu'un document qui vient s'ajouter à la littérature onusienne et qui témoigne encore une fois : (1) d'une incapacité institutionnelle à imposer des solutions politiques radicales à des problèmes urgents, notamment celui des réfugiés palestiniens et syriens ; (2) de l'échec de toute tentative de persuader les puissances d'imposer des solutions politiques à ces problèmes ;
(3) d'un glissement dans une dimension de financement des secours humanitaires avec la crainte d'en manquer au cas où ces problèmes se prolongeraient encore plus dans le temps ; (4) d'une conviction que la crise de réfugiés et de migrants doit bouger, toujours à la lumière des trois points précédents, du plan international au national en passant par le régional. Ceci devrait permettre de contenir l'état de confusion au sein de la communauté internationale, d'éliminer les obstacles à la mise en œuvre de son agenda et d'atténuer les tensions régionales en poussant les États hôtes qui reçoivent l'aide financière à résister, ne serait-ce que temporairement, en attendant de parvenir à une solution politique.
Ces quatre piliers se sont manifestés dans l'appel à fournir les éléments de viabilité aux réfugiés et migrants involontaires, ce qui fait croire à une possibilité de non-retour, surtout avec la crise qui se prolonge. C'est là où le bât blesse, dans la mesure où le rapport omet de voir la gravité des appels à l'intégration, celle-ci étant une façon de tuer l'identité des réfugiés d'une part, et s'emparer de celle des communautés d'accueil d'autre part.
Autant l'aspect socio-économique mérite et appelle à un examen minutieux de la capacité d'absorption des réfugiés par les communautés d'accueil, autant faut-il éviter de le traiter séparément, au risque de tomber dans la dialectique fonds et secours d'une part, et économie et absorption d'autre part. Dans tous les cas toute idée de solution restera tronquée tant qu'elle ne sera pas complétée par des composantes politiques, juridiques, culturelles, éthiques et de souveraineté.
Provoquer des tensions entre les réfugiés et les communautés d'accueil serait servir les intérêts des grands aussi bien sur scène que dans les coulisses.
L'Onu, à travers le rapport de son secrétaire général, a prouvé son impuissance, et donc il ne reste aux pays d'accueil qu'à mettre en place des politiques cohérentes ouvrant la voie au retour des réfugiés. Les enclaves et les zones de sécurité sont nécessaires. La Turquie et la Jordanie sont déjà prêtes. Le Liban, quant à lui, et en présence d'une classe politique qui ne cherche qu'à servir ses propres intérêts, n'a toujours pas adopté une politique nationale cohérente, se contentant d'exprimer un rejet verbal. Il est évident que nous n'avons pas tiré des leçons du passé et ne le ferons probablement jamais.

 

(Lire aussi : Hazem, onze ans, réfugié syrien, est l'homme de la famille)

 

Le pape : une éthique non raciste
Parallèlement au rapport de Ban Ki-moon, le pape François a exceptionnellement manifesté un intérêt particulier pour les réfugiés et migrants à plus d'un niveau, qu'on ne saurait détailler dans cette analyse, notamment son discours où il appelle l'Europe à intégrer ceux-ci dans les pays d'accueil. Il est clair que la dimension humaine et morale domine, ce qui porte à croire que le pape perçoit la possibilité de l'émergence d'une vague de racisme surtout après les attentats de Paris et Bruxelles.
Cependant, et bien qu'on ne puisse que comprendre l'attitude du pape, nous méritons quand même qu'il se penche, ainsi que la diplomatie silencieuse du Vatican, sur les raisons plutôt que les résultats. L'éthique non raciste et la sauvegarde de la citoyenneté dans le cadre d'un pluralisme bien géré exigent qu'on mette le doigt sur l'obligation de rejeter tout renflouement des vagues de réfugiés et de migrants. En d'autres termes, il s'agit de dissiper toute confusion quant à l'appel à l'intégration qui semble donner le feu vert à une désintégration de l'identité des réfugiés. Cela devrait inciter à rechercher une solution juste et pacifique pour le retour des réfugiés palestiniens et syriens à la fois. Toute éthique non raciste et tout refus de construire des murs de séparation devraient avoir pour point de départ l'élimination des dictatures et des théocraties en faveur de démocraties citoyennes fondées sur le droit, l'égalité, l'efficacité, la reddition de comptes et la durabilité. Oui, la dignité humaine domine, mais l'identité est aussi une constante dans cette dignité.
Le Liban-message, le Liban cofondateur des Nations unies, est dans le cœur et la pensée du Vatican. Malheureusement, ses dirigeants n'ont pas réussi jusqu'à présent à mettre en place une politique de sécurité nationale face aux questions des réfugiés palestiniens et syriens (le terme « déplacement » est une innovation courageuse made in Lebanon). Ils s'abandonnent aux slogans vides de tout sens et à une partition fatale... Il est temps de revenir à la raison pour ne plus revivre l'amertume de la destruction...
À bon entendeur, salut !

 

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commentaires (1)

Une analyse tellement objective, reelle , inedite je dirai ! Mille fois bravo Mr El Sayegh qui avez su vous eloigner de toute demagogie et de toute litterature superficielle. Je voudrais quand meme ajouter une toute petite note : Que Mr Ban et consorts se decident a ne PLUS proposer des solutions ni des conseils bases sur- pour le moins - leurs fausses analyses- sinon leurs analyses fourbes !

Gaby SIOUFI

11 h 19, le 15 juin 2016

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Commentaires (1)

  • Une analyse tellement objective, reelle , inedite je dirai ! Mille fois bravo Mr El Sayegh qui avez su vous eloigner de toute demagogie et de toute litterature superficielle. Je voudrais quand meme ajouter une toute petite note : Que Mr Ban et consorts se decident a ne PLUS proposer des solutions ni des conseils bases sur- pour le moins - leurs fausses analyses- sinon leurs analyses fourbes !

    Gaby SIOUFI

    11 h 19, le 15 juin 2016

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