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Moyen Orient et Monde - Tribune

Réfugiés et migrants : la crise n’est pas une affaire de chiffres, c’est une crise de solidarité

Le secrétaire général de l’Onu, Ban Ki-moon. Mark Wilson/Getty Images/AFP

En septembre prochain, l'Assemblée générale des Nations unies réunira les dirigeants de la planète pour évoquer l'un des défis majeurs de notre temps : comment agir face aux déplacements massifs de réfugiés et de migrants.

Les guerres, les violations des droits de l'homme, le sous-développement, le changement climatique et les catastrophes naturelles poussent des populations entières sur les routes de l'exode, dans des proportions jamais vues depuis que nous disposons de données fiables. Plus de 60 millions de personnes – dont la moitié d'enfants – ont fui les violences et les persécutions et se retrouvent maintenant réfugiées ou sont déplacées dans leur propre pays. S'y ajoutent 225 millions de migrants qui ont quitté leur pays à la recherche d'une vie meilleure ou simplement pour survivre.

Mais la crise que nous vivons n'est pas une affaire de chiffres, c'est une crise de solidarité. Près de 90 % des réfugiés que compte le monde aujourd'hui sont accueillis dans des pays en développement. Huit pays abritent à eux seuls plus de la moitié de la population mondiale des réfugiés. Et 10 pays seulement apportent 75 % du budget que l'Onu consacre à l'amélioration du sort des réfugiés et à la recherche de solutions.

(Lire aussi : Le prochain patron de l'Onu devra s'efforcer de régler la crise des réfugiés)

Si les responsabilités étaient partagées équitablement, il n'y aurait pas de crise pour les pays d'accueil. Nous pouvons offrir d'aider, et nous savons ce que nous devons faire pour gérer les déplacements massifs de réfugiés et de migrants. Et pourtant, nous laissons trop souvent la peur et l'ignorance nous arrêter dans notre élan. Les besoins humains finissent par passer au second plan, et la xénophobie parle plus fort que la raison.

Les pays en première ligne de la crise s'évertuent chaque jour à faire face à la situation. Le 19 septembre, l'Assemblée générale tiendra une réunion de haut niveau pour demander un surcroît d'efforts sur le long terme. Pour aider la communauté internationale à saisir cette occasion d'agir, je viens de publier un rapport intitulé « Sûreté et dignité », qui contient des recommandations sur les voies et moyens d'engager dans le monde une action collective plus efficace.

Nous devons en premier lieu reconnaître notre humanité commune. Des millions d'hommes, de femmes et d'enfants jetés sur les routes sont exposés à des souffrances extrêmes. Des milliers sont morts en mer Méditerranée, en mer d'Andaman, au Sahel et en Amérique centrale. Les réfugiés et les migrants ne sont pas « autres », ils sont aussi divers que la famille humaine elle-même. Les mouvements de population constituent un phénomène essentiellement mondial qui exige un partage mondial des responsabilités.
Deuxièmement, loin d'être une menace, les réfugiés et les migrants contribuent à la croissance et au développement de leurs pays d'accueil comme de leurs pays d'origine. Mieux ils seront intégrés et plus leur contribution à la société sera grande. Nous avons besoin de mesures supplémentaires pour promouvoir leur inclusion sociale et économique.

(Pour mémoire : Gebran Bassil à « L'OLJ » : La communauté internationale s'emploie à résoudre ses problèmes à nos dépens)

Troisièmement, il incombe aux dirigeants politiques et aux responsables locaux de dénoncer haut et fort la discrimination et l'intolérance et de faire échec à ceux qui cherchent à gagner des voix en exploitant les peurs et les divisions. C'est le moment de construire des ponts, et non des murs, entre les peuples.
Quatrièmement, nous devons être plus attentifs aux facteurs à l'origine des déplacements forcés. L'Onu s'emploie plus que jamais à prévenir les conflits, régler les litiges par des voies pacifiques et réagir aux violations de droits de l'homme avant qu'elles ne s'aggravent. Nous disposons d'un nouvel instrument puissant avec le programme de développement durable à l'horizon 2030, adopté l'année dernière par l'ensemble des 193 États membres de l'Organisation des Nations unies et qui fait une large place à la justice, aux institutions et aux sociétés pacifiques.

Cinquièmement, nous devons renforcer les dispositifs internationaux qui gèrent les grands flux migratoires pour qu'ils puissent défendre les normes des droits de l'homme et apporter les protections nécessaires. Les États doivent honorer leurs obligations juridiques internationales et notamment la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés. Les pays de première entrée des réfugiés ne peuvent se retrouver seuls à gérer les exigences de la situation. Mon rapport propose un pacte mondial de partage des responsabilités à l'égard des réfugiés.

Il faut de toute urgence en faire davantage pour combattre les passeurs et les trafiquants, sauver et protéger les populations sur les routes de l'exode et garantir leur sécurité et leur dignité aux frontières. La mise en place de filières légales mieux organisées sera primordiale pour que des malheureux ne soient pas contraints de se tourner vers des réseaux criminels dans leur quête de sécurité.

(Lire aussi : À Lesbos, Rania de Jordanie réclame l'ouverture de « routes légales » pour les réfugiés)

Le nombre de migrants devrait continuer d'augmenter avec l'intensification des échanges, les pénuries de main-d'œuvre, la facilité des voyages et des communications, la montée des inégalités et le changement climatique. Mon rapport propose des mesures importantes pour améliorer la gouvernance globale dans ce domaine, notamment au moyen d'un pacte mondial garantissant des migrations sûres, ordonnées et régulières.

La crise des réfugiés et des migrants est loin d'être insurmontable, mais elle ne peut être résolue si les États agissent chacun de leur côté. Aujourd'hui, des millions de réfugiés et de migrants sont privés de leurs droits fondamentaux, et le monde se prive de tous les atouts qu'ils ont à offrir.

Le Sommet humanitaire mondial que je convoque à Istanbul les 23 et 24 mai cherchera à obtenir de nouveaux engagements de la part des États et d'autres acteurs résolus à collaborer pour protéger les populations et renforcer la résilience. J'attends de l'Assemblée générale qu'elle propose à sa réunion du 19 septembre des ébauches de solutions aux défis les plus immédiats de la crise des réfugiés et des migrants, et j'attends aussi un engagement des dirigeants mondiaux en faveur d'une coopération planétaire renforcée sur ces questions.

Depuis des millénaires, les êtres humains se déplacent d'un endroit à un autre, par choix ou par nécessité, et continueront de le faire dans un avenir proche et lointain. C'est seulement en accomplissant notre devoir de protéger ceux qui fuient les persécutions et les violences, et c'est seulement en saisissant les chances que les réfugiés et les migrants offrent à leurs nouvelles sociétés que nous serons en mesure de préparer un avenir plus prospère et plus juste pour tous.

* Ban Ki-moon est le secrétaire général de l'Onu.

En septembre prochain, l'Assemblée générale des Nations unies réunira les dirigeants de la planète pour évoquer l'un des défis majeurs de notre temps : comment agir face aux déplacements massifs de réfugiés et de migrants.Les guerres, les violations des droits de l'homme, le sous-développement, le changement climatique et les catastrophes naturelles poussent des populations entières...

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