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Culture - Exposition

(Re)découvrir New York dans les yeux de Jamil Molaeb

« Mes œuvres expriment ce que je suis : un être anxieux, existentialiste et néanmoins pleinement immergé dans la vie sous toutes ses facettes », confie l'artiste à l'éternel béret. La galerie Janine Rubeiz consacre une exposition (très) partiellement rétrospective à ses années américaines.

De Jamil Molaeb, on connaît l'attachement au pays, à la terre, à Bayssour, son coin de montagne. Sa prédilection pour les bleus de la Méditerranée, la luminosité du ciel libanais et ses grands vols d'oiseaux. Peu de gens connaissent, par contre, la « période américaine » de ce peintre, sculpteur et graveur, que certains considèrent comme un chantre du terroir. Et pourtant, c'est à New York, où il effectue deux séjours marquants dans les années 80 – avant d'y retourner une dernière fois l'été dernier –, qu'il va développer son art. Et lui apporter sa touche contemporaine.
La galerie Janine Rubeiz* revient dans cette exposition – qui se tient jusqu'au 5 février – sur les dates américaines dans le parcours de cet artiste.

1984 : le choc de la découverte
Premier voyage à New York. Jamil Molaeb, alors diplômé des beaux-arts de l'Université libanaise, s'inscrit à la Pratt University, à Brooklyn, pour y parfaire sa formation et obtenir un master lui permettant d'enseigner l'art à l'université. Au cours de ce premier séjour, qui ne va durer que quelques mois, il accumule les impressions et les découvertes. Il en ressort étonné, ébahi, effaré aussi par la modernité, la puissance, le rythme soutenu, la vertigineuse verticalité de cette mégapole. « J'étais comme transplanté de la terre vers une autre planète. L'architecture, la technologie, la notion du temps, les langues, le mélange des races et des cultures... Tout était tellement différent de chez nous que ça en devenait presque surréaliste », se souvient-il.
Ses gravures (sur bois) de l'époque traduisent son regard avide de déchiffrer cet univers nouveau à travers des accumulations et superpositions de symboles : tours, métro, personnages en mouvement, la figure de la justice, le sigle du dollar... Sauf qu'il décrit tout cela avec son propre langage pictural. Celui d'un artiste au dessin nourri de plusieurs couches de civilisations. Et de leurs empreintes sumériennes, babyloniennes, hiéroglyphiques...
Étrangement, la toute première œuvre qu'il réalisera à (de) New York, en 1984 donc, une eau-forte intitulée The Collapse semble prémonitoire. On y voit un avion survolant le World Trade Center, des nuages menaçants, des oiseaux hitchcockiens et des personnages courant affolés entre les voitures.


(Lire aussi : Jamil Molaeb, son musée, la mer, les pinèdes et chênaies)



1986 : immersion inquiète
Sa deuxième période américaine durera 3 ans. En 1986, il retourne à Brooklyn poursuivre ses études à la Pratt. Au bout de deux ans, il complétera son master d'un doctorat à l'Université d'Ohio. Son second séjour new-yorkais sera marqué par « un sentiment d'insécurité, un certain pessimisme, une angoisse diffuse et en même temps on a l'impression d'être au sommet du monde », confie l'artiste. Des sentiments mitigés que Molaeb va retranscrire dans des lithographies plutôt monochromes. Il y inscrit sa perception inquiète d'une ville-monde aussi séduisante que froidement dominatrice. Dans ses œuvres de cette époque, on retrouve les figures iconiques des années 80 (le président Reagan ou l'actrice et mannequin Isabella Rossellini, par exemple), placées sur un fond sombre traversé de lignes de failles. Parfois, il y intègre des bribes de textes en arabe. Des vers aussi qu'il adresse à cette cité qui le fascine et l'effraye tout à la fois. Une ville qu'il qualifie de Roue de la fortune, notamment dans une de ses sérigraphies plus colorées, où l'on retrouve quand même quelques influences pop.

2015 : retour apaisé
« New York reste à mes yeux le lieu où j'ai acquis ma culture contemporaine. Je voulais y retourner pour voir où j'en étais au bout de toutes ces années. J'y ai passé les quelques mois de l'été dernier. Et là, plus aucune trace de mes difficultés et de mes appréhensions passées d'étudiant étranger désargenté. J'ai redécouvert New York avec le regard serein d'un touriste. Et cela m'a donné envie de la peindre, sous le seul angle de la beauté. D'exprimer la vision apaisée que j'en avais. De là est née la série de panoramas et de vues extérieures de New York représentées, de manière plus figurative, à la gouache, au pastel sec ou encore au fusain. »
« J'aime que mes toiles soient attrayantes, mais ce que je cherche, par-dessus tout, c'est qu'elles soient éloquentes, évocatrices et chargées de sens. De manière à ce que celui qui les regarde retrouve un peu de sa vie, de son être », ajoute en conclusion Jamil Molaeb.


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Une période, un livre

Un ouvrage conçu par François Sargologo et publié aux éditions L'Orient-Le Jour accompagne cette exposition. Intitulé Jamil Molaeb; New York New York, il déroule, sur un texte de la critique d'art Maha Sultan, l'ensemble des œuvres produites par l'artiste au cours de ses différents séjours dans la grosse pomme.

* Raouché, imm. Majdalani, rez-de-chaussée. Horaires d'ouverture : de mardi à vendredi, de 10h à 19h, et samedi jusqu'a 14h. Tél. 01-868290.

 

Pour mémoire
Jamil Molaeb Xylographies-Woodcuts

De Jamil Molaeb, on connaît l'attachement au pays, à la terre, à Bayssour, son coin de montagne. Sa prédilection pour les bleus de la Méditerranée, la luminosité du ciel libanais et ses grands vols d'oiseaux. Peu de gens connaissent, par contre, la « période américaine » de ce peintre, sculpteur et graveur, que certains considèrent comme un chantre du terroir. Et pourtant, c'est à...

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