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Le Liban en 2015 - Politique

2015 au Liban, l'année de toutes les déliquescences contrôlées

« Ils ne mourraient pas tous, mais tous étaient frappés. » La Fontaine n'aurait pas dit mieux s'il devait décrire aujourd'hui la situation qu'a connue le Liban au cours de l'année écoulée. Une année qui aura été celle de la déliquescence généralisée, mais contrôlée. Pas un acteur de la scène politique locale, aussi bien au plan officiel qu'au niveau des diverses factions partisanes, n'a échappé au « mal ». Mais le miracle libanais a fonctionné à plein rendement afin d'éviter que, partout, le point de non retour soit atteint.

Le scandale des déchets a illustré à quel point les « saboteurs de la République » étaient en mesure de mener à bien leur funeste stratégie de longue haleine visant à saper les fondements de l'État, sans toutefois provoquer son effondrement total, et à paralyser le gouvernement, sans pour autant entraîner sa chute définitive. La tactique du dérapage contrôlé mise au service d'une stratégie régionale hégémonique transnationale… Comme conséquence, l'État a été incapable, pour régler la crise des ordures ménagères, de s'imposer face à la multitude de collectifs et de regroupements dits « citoyens » qui ont pullulé un peu partout dans le pays, s'improvisant à qui mieux-mieux en experts écologiques et en défenseurs des droits de la population, faisant obstruction de manière suspecte – et donc, sans doute, télécommandée – à toute solution envisagée par le gouvernement. Cette obstruction s'est faite de manière honteuse au mépris de la santé des Libanais.

Le torpillage systématique de l'élection présidentielle – toujours pour les mêmes raisons de stratégie régionale – aura achevé de frapper de léthargie le pouvoir exécutif (déjà fragilisé au départ) en même temps que l'appareil législatif de l'État. Sauf en cas d'extrême nécessité… Dérapage contrôlé oblige !

Cette déliquescence rampante a dépassé en fin d'année le cercle des institutions constitutionnelles pour frapper les deux grands camps politiques qui s'affrontent sur la scène locale depuis près d'une décennie. L'initiative lancée par le leader du Courant du futur, Saad Hariri, visant à débloquer la présidentielle en avançant la candidature du chef des « Marada », Sleiman Frangié, a ébranlé sérieusement aussi bien le 14 Mars que le 8 Mars, mais là aussi sans que le point de rupture ne soit atteint de part et d'autre. En s'opposant sans détours à la démarche de son allié sunnite, le leader des Forces libanaises, Samir Geagea, a pris soin dans le même temps de ne pas couper les ponts avec lui et de réaffirmer son attachement au projet politique du 14 Mars, lequel représente, a-t-il rappelé, non pas simplement un rassemblement de partis et de personnalités, mais plutôt une vision particulière du Liban, de son rôle et de son message. Cette perception devait d'ailleurs être reprise explicitement par le chef du bloc du Futur, Fouad Siniora, en présence de M. Geagea, à la mosquée Mohammed el-Amine, lors de la commémoration de l'assassinat de Mohammad Chatah. Il s'agissait ainsi de gérer les divergences sur un dossier certes crucial, mais somme toute conjoncturel, sans remettre en question la dimension stratégique et historique du 14 Mars, concrétisée par une certaine vision du Liban.

L'initiative Hariri aura également ébranlé le camp du 8 Mars, plus particulièrement au niveau des rapports – déjà tendus depuis quelque temps – entre le général Michel Aoun et Sleiman Frangié. Quant au Hezbollah, fragilisé lui aussi cette année par son implication de plus en plus coûteuse dans le bourbier syrien, et donc soucieux de préserver sa précieuse couverture chrétienne, il a entrepris de réaffirmer son soutien à la candidature du chef du Courant patriotique libre. Mais nul n'est dupe. Cet appui reste tributaire de la Raison d'État… iranienne.

 Cette vague de déchéance généralisée qui a marqué les développements de 2015 a mis en relief une autre dégénérescence, lente mais soutenue, d'une autre nature, bien plus grave. Celle du système politique en place. Et c'est peut-être là l'objectif stratégique recherché par le Hezbollah : susciter une agonie prolongée du système sans provoquer sa chute brutale, vraisemblablement dans le but d'éviter un effet boomerang et de choisir le timing propice du coup de grâce. Qu'une telle stratégie se confirme ou non, l'année 2015 aura incontestablement accentué dangereusement l'effet des failles constitutionnelles qui sont l'une des principales sources de tous les blocages institutionnels et de tous les dérèglements qui ont sclérosé la vie politique locale au cours des derniers mois… Des failles sur lesquelles la classe politique devra plancher, mais sereinement, tôt ou tard, si l'on désire réellement sauver ce qui fait la spécificité du pays du Cèdre.     

« Ils ne mourraient pas tous, mais tous étaient frappés. » La Fontaine n'aurait pas dit mieux s'il devait décrire aujourd'hui la situation qu'a connue le Liban au cours de l'année écoulée. Une année qui aura été celle de la déliquescence généralisée, mais contrôlée. Pas un acteur de la scène politique locale, aussi bien au plan officiel qu'au niveau des diverses factions...