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Culture - Design

Faiseurs d’objets, faiseurs de changements sociaux

Ce ne sont ni vraiment des artisans ni vraiment des designers qui exposent leurs créations à la galerie Eklekta, mais des « Makers ». Bienvenue dans leur univers 3D. Et engagé.

Guillaume Crédoz et sa bande de « faiseurs » testant la solidité de leur chaise longue urbaine. Photo DR

À la galerie Eklekta*, où il présente jusqu'au 17 décembre deux expositions parallèles, «Public Space» et «Affordable Design», Guillaume Crédoz montre ses lunettes en polyamide. Noires, rondes, lookées. «C'est moi qui les ai dessinées et c'est mon imprimante 3D qui les a façonnées. Je fabrique plein de choses comme ça : étui de carte de crédit, boutons, meubles...», avance-t-il avec satisfaction. Cet architecte français établi au Liban est, en quelque sorte, le chef de file du mouvement des «Makers» à Beyrouth.
Un mouvement mondial né il y a quelques années aux États-Unis, suite à l'évolution de la fabrication digitale. Laquelle a donné à toute une catégorie de personnes capables de définir assez bien l'information technologique, des machines-outils à commande numérique leur permettant de fabriquer tout seuls des objets qu'ils ont eux-mêmes imaginés. Ces artistes, créateurs, graphistes ou même bidouilleurs, qui ne sont donc ni vraiment artisans ni vraiment designers, ont été baptisés «Makers». «De la conception à l'exécution, ils ont raccourci le processus de production. Ce qui permet de mieux contrôler les prix. Ce mouvement a ainsi donné une prise de pouvoir au consommateur qui, désormais, n'est plus dépendant du binôme traditionnel designer et artisan », explique, en substance, Guillaume Crédoz.

Design abordable
Dans « Affordable Design » justement, le collectif « Beirut Makers », qui rassemble architectes, designers et graphistes (voir cadre ci-dessous), propose un assez vaste échantillonnage de cette production «digito-artisanale». Cela va des simples étagères en bois (en kits à assembler) à du mobilier de jardin..., en passant par des tables hautes (également en kits composés d'une grande planche de bois et d'un piètement de métal pliable), des tables d'appoint hyperstylisées en polyamide, des guéridons en assemblage (sans clous ni boulons) de bois contreplaqué et des tabourets en bois et acier... Mais aussi des pochettes et portefeuilles en cuir sans coutures, ou encore des sous-plats et des fruitiers composés d'un assemblage répétitif d'une même forme géométrique en tiges métalliques...
«En fait, l'un des avantages de cette révolution digitale, c'est que maintenant on peut faire sur place des objets d'ordinaire manufacturés en Chine et importés de là-bas, comme les boutons par exemple. Et, d'autre part, étant donné le potentiel de ces nouvelles machines, on peut explorer des formes inédites, à l'instar des guéridons en polyamide de Stéphanie Bachir qui a, elle-même, créé le logiciel permettant leur fabrication paramétrique. »
Bref, avec une machine découpeuse au laser reliée à un ordinateur et, dans certains cas, une imprimante 3D, les Makers peuvent faire ce qui leur plaît. Objets sur-mesure ou duplicables en milliers d'exemplaires. Sauf que les Beirut Makers, qui s'inscrivent dans la grande mouvance écologique des «Makers» internationaux, ne sont pas là pour rajouter inutilement des objets à un monde plus qu'encombré. Ils préfèrent reconvertir et recycler des matières préexistantes. Ainsi le bois qu'ils utilisent est récupéré des chantiers et poncé. Idem pour l'aluminium brossé, issu des déchets de Beyrouth et, donc,
recyclé.

Produire est une affirmation politique !
Cela, d'une part. D'autre part, ces faiseurs d'objets se veulent aussi faiseurs de changements sociaux. Sous le slogan « Making is a Political Statement » (Produire est une affirmation politique), Guillaume Crédoz et sa bande se sont lancés dans un projet que certains jugeront ambitieux et d'autres utopique. Ils ont réalisé du mobilier urbain. À savoir toute une gamme de bancs, chaises, tables et chaises longues inclinables (exposés sous l'intitulé Public Space) qu'ils verraient bien installés sur des coins de rue et de larges trottoirs, comme sur la Corniche par exemple. Cette ligne toute en lattes de bois dur et piètement en aluminium recyclé a été baptisée «Power the Nap Addict». Elle est destinée à « faire de la rue un espace public meilleur. En redonnant aux piétons les trottoirs usurpés par les voitures et aux citoyens un accès plus paisible à leur espace urbain», expliquent-ils. C'est pourquoi ils la proposent aux municipalités du pays à prix coûtant. «Le but est que les gens arrivent à se détendre dans la rue, qu'il s'installe un certain climat de confiance... Cela peut changer beaucoup de choses au niveau de la cohésion sociale», assure Guillaume Crédoz. Le défi est d'envergure. Mais pour cette génération de créatifs qui non seulement ont des idées mais aussi les moyens de les réaliser, «ce pouvoir gagné, il faut l'utiliser pour le redonner à la société».

*Corniche el-Nahr, Jisr el-Wati, Hangars Baladi. Tél. : 01/426511.

 

Les membres du collectif « Beirut Makers »
Karim Chaya (Spock Design), Guillaume Crédoz (Ghouyoum + Rapid Manufactory), Ahmad Khouja (Damji), Kamal Aoun, Charbel Jreijiri (D-Rift), Stéphanie Bachir, Hadil Ankouny (FabLab Beirut), Thomas Bilals (Coffe & Kiwi) et Jean-Baptiste Goetgheluck.

À la galerie Eklekta*, où il présente jusqu'au 17 décembre deux expositions parallèles, «Public Space» et «Affordable Design», Guillaume Crédoz montre ses lunettes en polyamide. Noires, rondes, lookées. «C'est moi qui les ai dessinées et c'est mon imprimante 3D qui les a façonnées. Je fabrique plein de choses comme ça : étui de carte de crédit, boutons, meubles...»,...

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