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Moyen Orient et Monde - Antiterrorisme

Jihadistes de retour de Syrie : le rôle crucial de l’évaluation

« Continuer à s'exciter et envoyer des chasseurs bombardiers supplémentaires ne va pas régler le problème. En fait, ça va même empirer les choses ».

Des véhicules transportant des complices présumés de Mohammad Merah, à leur arrivée dans les locaux de la police le 4 décembre 2012 à Toulouse. Archives AFP

Pour éviter d'être submergés sous le nombre des jihadistes de retour de Syrie, dont certains pourraient passer à l'action dans leurs pays d'origine, les services occidentaux doivent renforcer leur capacité d'analyse et d'évaluation de la menace que chacun peut représenter, estiment des experts.

Si la plupart de ceux qui rentrent sont repentis, traumatisés, dégoûtés par ce qu'ils ont vu ou décidés à reprendre une vie normale, une minorité risque de basculer dans l'action violente : pour les détecter, les surveiller, éventuellement les neutraliser, il faut s'en donner les moyens, ajoutent-ils. « Il faut avant tout les comprendre, savoir quelles sont leurs motivations », explique à l'AFP Richard Barrett. Pour cet ancien chef du département antiterroriste des renseignements britanniques, qui a ensuite dirigé le comité de sanctions de l'Onu contre les talibans et el-Qaëda, « il est impossible de tous les placer sous surveillance : il doit y en avoir cinq ou six mille ». « Donc il faut établir des priorités, ajoute-t-il. S'ils sont revenus et ont détesté ce qu'ils ont vu là-bas, n'ont pas trouvé ce qu'ils étaient allés chercher et veulent reprendre le cours de leur vie, ils ne sont peut-être pas si dangereux. Il faut mettre en place un programme de réintégration (dans la société). Pas de réhabilitation, de réintégration. »

 

(Lire aussi : Anciens et nouveaux suspects jihadistes : les services français submergés)


Pour l'instant, il est difficile à des jihadistes ayant séjourné en Syrie ou en Irak de rentrer dans leur pays d'origine sans attirer l'attention. Mais ça pourrait ne pas durer, prévient Yves Trotignon, ancien analyste antiterroriste des services secrets français (DGSE). « Il n'y a à ma connaissance pas de jihadiste revenant d'une zone de combat qui ne soit vu et évalué par un service européen, dit-il. Mais le maillage n'est pas parfait, il n'est pas infaillible. On va aller vers de vrais professionnels qui vont savoir passer sous le radar, et là on aura un problème. »
Après des mois de formation, un jeune homme ou une jeune femme pourra revenir en ayant appris toutes les techniques de dissimulation : il saura faire et dire ce qu'on attend de lui pour se faire passer pour un repenti, endormir la méfiance des enquêteurs et attendre le temps nécessaire pour endormir les soupçons avant de passer à l'action.

 

(Lire aussi : L'EI "fantasme plus sur la kalach que sur le Coran" : le témoignage d'une Française de retour de Raqqa)

 

« Évaluation de la dangerosité »

« Le type qui revient de Syrie et dit "Bande de mécréants, on va tous vous tuer", c'est facile : on l'embarque, on le juge, prison. Problème réglé, au moins pendant un moment, ajoute Yves Trotignon. Mais celui qui a un comportement normal, vous vous demandez forcément s'il est juste normal, s'il a fait une connerie qu'il ne refera plus, ou s'il dissimule. L'exemple type est en cela Mohammad Merah, qui avait été interrogé à son retour de voyages suspects, notamment en Afghanistan, et a trompé tout le monde. » Mohammad Merah avait tué en mars 2012 dans le sud-ouest de la France sept personnes dont des militaires et des enfants juifs avant d'être abattu par la police.

« Le point fondamental, c'est donc l'évaluation de la dangerosité, poursuit-il. Si l'évaluation de la menace est bonne, ensuite vous avez tous les outils pour la traiter. Mais il ne faut pas se tromper. Si vous traitez un type extrêmement dangereux comme un premier communiant, vous allez vous planter. Et si vous traitez un premier communiant comme un type dangereux, vous allez faire une bavure ou gaspiller pour rien des moyens par définition limités. »

C'est d'autant plus difficile qu'un parcours individuel n'est jamais figé : à la faveur d'un événement, cela peut être un attentat, une polémique sur l'islam, la mort d'un proche, un ancien jihadiste peut se radicaliser une deuxième fois. « Et ça peut être des années plus tard, ajoute l'ancien agent de la DGSE. On a en France des anciens, de vrais anciens, des types qui ont quinze, vingt ans de jihad. Il faut pouvoir les surveiller aussi. »
La mise en place de tels programmes d'évaluation et de surveillance « est difficile. Bien sûr c'est difficile », conclut Richard Barrett. « Si c'était facile, on le ferait tous. Mais pour l'instant, continuer à s'exciter et envoyer des chasseurs bombardiers supplémentaires ne va pas régler le problème. En fait, ça va même empirer les choses ».


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