Un défilé où prédominent le beige, le noir et le blanc ponctués de détails métalliques, dorés ou argentés.
C'est un Stéphane Rolland fidèle à lui-même, à son image et à ses amitiés qui présentait à Beyrouth sa collection automne-hiver 2015. Discret, délicat, « près du cœur », comme on dit chez nous, le couturier à la célèbre crinière brune compte de nombreuses clientes au Moyen-Orient parmi lesquelles plusieurs Libanaises. L'un des habilleurs préférés de la reine Rania de Jordanie et Cheikha Moza, mère de l'actuel émir du Qatar, il répond scrupuleusement à celles qui lui disent : « nous ne sommes pas des Arabes à paillettes» et lui réclament des robes à la fois fortes et minimalistes qui mettent en valeur leurs magnifiques bijoux. Partant du principe qu'une robe ne doit ni peser ni être trop présente, il conçoit chaque pièce comme un écrin et affirme que «c'est la robe qui doit porter la femme et non l'inverse».
L'âme d'un architecte
Stéphane Rolland a grandi à l'ombre d'une mère qui dirigeait le célèbre studio Picto où œuvraient les plus grands photographes du XXe siècle tels Jean-Loup Sieff et David Hamilton. Adolescent, il s'installe avec elle à Buenos Aires une dizaine d'années au cours desquelles il vit en partie aux Antilles. Après des études à la Chambre syndicale de la couture de Paris, il fait ses armes chez Balenciaga où il dirige le prêt-à-porter hommes à seulement 21 ans, puis chez Jean Louis Scherrer dont le personnel le rejoint à la fermeture de la marque. La société Stephane Rolland Haute Couture voit le jour en 2007, aussitôt accueillie comme « membre invité » de la Chambre syndicale de la haute couture.
Une vie d'expatrié, une passion pour l'architecture et l'art moderne nourrie à la fréquentation des paysages urbains habités comme des écrins d'un art de vivre glamour et tout en légèreté font de Stéphane Rolland un couturier à part. C'est en sculpteur et en architecte qu'il construit ses robes, le plus souvent dans des drapés cariatide qui convergent vers une ceinture bijou dont la boucle monumentale est conçue autour d'une somptueuse pierre dure. Volumes, force, rondeurs, générosité, mouvement puisent leur inspiration chez Ron Arad ou Zaha Hadid dont Rolland dit qu'ils sont ses «plus hautes références».
Un tournant Dans la collection
automne-hiver 2015 présentée au Biel, on constatait déjà que cette robe signature de Stéphane Rolland était moins présente, bien que soulignée par un magnifique prototype, une robe longue en soie blanche toute simple ponctuée par une ceinture en métal doré et malachite surdimensionnée. Dans ce
défilé où prédominent le beige, le noir et le blanc ponctués de détails métalliques, dorés ou argentés, et où une certaine nuance de vert menthe apporte de la couleur dans une palette davantage portée sur les valeurs, c'est le corset en silicone qui fait une apparition remarquée. De plus en plus, la robe écrin se fait bijou et le couturier se fait plaisir en renouant avec sa passion pour la sculpture. Il pétrit la matière, la moule à même le corps avant de la retravailler sur mannequin d'atelier. Il montre avec les mains ce geste jubilatoire. À l'arrivée, le corset ressemble à une somptueuse armure dorée qui confère au buste l'élan d'une Victoire de Samothrace. L'ensemble de la présentation n'est pas sans rappeler ce petit air pop et rétro futuriste des grands classiques des années 60, entre Cardin et Courrèges, mais tout en longueur avec force détails géométriques sur tissus techniques. L'Art déco, source d'inspiration de la décennie suivante, n'est pas loin non plus, entre un fourreau argenté, une jupe ou une étole dorée à motifs de tressages et de demi-cercles découpés au laser. La touche du couturier reste présente, mais l'évolution est spectaculaire. Stéphane Rolland diversifie clairement ses techniques, répugne à confiner la couture au classique trio fil/aiguille/tissu, et imprime à son style un tournant réjouissant.