L'exposition «Céramiques – Le jeu de la forme» présente une sélection des diverses formes d'expression de la terre. La céramique est un jeu de mains mais nullement un jeu de gamins. C'est un état de grâce avec la terre, l'eau, le feu et l'air, qui combine tous les sens et qui dure depuis des millénaires. Il porte en lui tous les échos du passé et projette les illuminations du futur. Ce travail laborieux, considéré comme un art de la patience, nécessite beaucoup de maturité et d'expérience afin d'arriver à donner forme et sens à une poignée de terre. La dialectique entre l'objet fonction et la céramique d'art demeure, mais petit à petit, la fonction n'est plus enfouie que dans la mémoire de l'objet.
Ils sont cinq artistes à avoir cohabité dans la galerie. Cinq à avoir écouté différemment les besoins de la terre pour les traduire dans des langages différents. Leurs œuvres ont été choisies avec beaucoup de minutie et de patience afin de montrer combien les frontières entre les différents domaines de la céramique sont poreuses.
Samir Müller, le faiseur de terre
Né à Zhalta en 1953, il est décédé en 2013. Ce faiseur de terre (puisqu'il fabriquait sa propre argile) travaillait dans l'épure et les corps modelés, presque immatériels, devenaient objets méditatifs. De plus son travail sur les émaux crée des paysages abstraits qui laissent profiler les saisons de cette terre qu'il a tant aimée. C'est grâce à sa famille que ses créations ont pu être rassemblées par la galerie.
Joseph Abi Yaghi, l'ascète
C'est un rapport monacal à l'objet qu'établit ce céramiste qui a choisi de s'éloigner du monde du bruit et de la cité. Loin de tout ce chaos contemporain, il crée en un tour de main, par un geste fin et tendre, ses propres sonorités. Chaque objet a sa musique, son univers contemplatif. Dans un monde moderne où l'art conceptuel exclut les sens, la céramique les questionne et plus que nulle part ailleurs, celle de Joseph Abi Yaghi fait appel à la sonorité. Ce
céramiste a réussi à créer une harmonie de la forme «parlante» et du silence.
Michèle Assaf Kamel, la tactile
Cette artiste combine la céramique et la sculpture. Michèle Assaf Kamel a son propre vocabulaire. Le petit grès un peu rugueux prend des formes alphabétiques qui s'inspirent particulièrement des hiéroglyphes ou encore de l'écriture phénicienne et cunéiforme. Une mythologie personnelle qui témoigne encore une fois que la céramique réunit passé et présent sur un même sol.
L'équilibre chez Souraya Haddad Crédoz
Elle travaille avec des formes très japonisantes et joue sur le parallélisme entre équilibre et déséquilibre ainsi que sur le recentrement. Si ses pièces sont ainsi décentrées, c'est parce que la céramiste essaye d'étirer le concept de cet art fragile tout en essayant de le questionner. Très influencée par la culture extrême-orientale, Souraya Haddad Crédoz contemple, interroge, déforme pour reformer.
Les Dalo, jeu de masques et de totems
Les pièces exposées à la galerie appartiennent à la collection Chrystyna Salam. Elle sont signées Daniel Derock et Loïc Bailliencourt, connus sous le nom de «les Dalo». Ce duo formé en 2007 travaille sur ce qu'ils appellent des idoles. Très influencés par l'art populaire et par le renouveau de la céramique des années 50/60 en France, leurs œuvres se concentrent sur ces visages stylisés semblant issues de civilisations perdues. Elles se situent entre création utilitaire et décorative.
*Galerie Tanit-Naila Kettaneh Kunigk, jusqu'au 14 août. Tél : 01-562812