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Culture - Exposition

Écouter Cézanne en contemplant du Yared

Apprécier des œuvres d'art, autant par l'ouïe que par la vue. C'est ce que propose la National Gallery de Londres à six compositeurs, dont Gabriel Yared qui a choisi de mettre en musique les « Baigneuses » de Cézanne.

Entendre la peinture et contempler la musique. Ainsi pourrait-on présenter «Soundscapes», exposition tout à fait inédite de la National Gallery à Londres, qui contient l'une des plus grandes collections de peinture au monde. En effet, il était demandé à quatre compositeurs et deux «sound designer», chacun créant dans un style très personnel, dont notre grand Gabriel Yared, de choisir un tableau et de lui «donner leur réponse musicale» par une pièce spécifiquement composée pour l'occasion.

Gabriel Yared a choisi Les Grandes Baigneuses de Paul Cézanne, œuvre avec laquelle il ressent une «profonde connexion musicale». Yared connaît bien l'œuvre de Cézanne et l'apprécie particulièrement, mais pourquoi avoir choisi cette toile ? « Ce qui m'a frappé dans cette œuvre, c'est le mouvement perceptible derrière une immobilité apparente. Je me suis tout de suite senti attiré par l'anonymat de ces femmes qui existent sans véritablement exister et dont les formes désindividualisées se confondent avec la nature autour d'elles», indique le compositeur à L'OLJ. Pour Yared, «un tableau contient déjà sa propre musique, aussi bien qu'une musique peut suggérer ou refléter des couleurs ».

Le visiteur de «Soundscapes» est conduit dans six pièces attribuées à chaque toile et à chaque compositeur, où la musique est diffusée en boucle. Dans la pièce consacrée aux Baigneuses, Gabriel Yared a voulu une installation d'écoute très spécifique créée par Alain Français. «Ce procédé technique novateur consiste en ce que chaque instrument est diffusé par une enceinte individuelle.» La pièce de Yared étant un quatuor (soprano, violoncelle, clarinette et piano), elle bénéficie donc de huit enceintes (pour l'effet stéréophonique). Pour le compositeur, «il est important qu'en se promenant à travers la pièce et en passant successivement devant les enceintes, l'écoute de l'auditeur se modifie et évolue selon le lieu de la pièce où il se trouve. En outre, l'impression que les musiciens sont physiquement présents est très forte ».

Pour Gabriel Yared, « peinture et musique sont très intimement imbriquées et se complètent. Les exemples de cette parenté sont nombreux. La musique de Claude Debussy est très largement inspirée par la peinture impressionniste et japonaise, Modeste Moussorgski a composé Les Tableaux d'une exposition sur une rétrospective des œuvres du peintre Viktor Hartman, Henri Dutilleux a basé deux de ses principales œuvres sur les toiles et la correspondance de Vincent Van Gogh et, plus près de nous, dans notre patrimoine musical libanais, nous avons l'exemple de Naji Hakim à qui, en 2010, le Haugar Vestfold Kunstmuseum de Tønsberg (Norvège) avait commandé une pièce pour violon solo, Fantasia, jouée par un violoniste face à la toile d'Edvard Munch intitulée Jeunes gens sur la plage. »




Gabriel Yared lui-même n'en est pas à sa première expérience dans ce domaine. Ayant composé la musique des films Camille Claudel (Bruno Nuytten) et celle de Vincent et Théo (Robert Altman), il s'était alors longuement penché sur les sculptures de l'une et sur la peinture de l'autre, et en avait été très imprégné pour écrire sa partition.
La presse anglaise a largement couvert cet événement dont Time Out qui en était le partenaire et qui a consacré une longue interview à Gabriel Yared. Au lendemain du vernissage, on pouvait lire dans les journaux (Evening Standard, Guardian...) ou entendre à la BBC des commentaires tels que «Soudain, en écoutant leur musique, on peut vraiment voir l'œuvre» ou bien «Comment sonne Cézanne? Musique pour les yeux et peinture pour les oreilles!», et encore «Les amoureux de l'art ont maintenant la chance d'entendre (oui entendre!) certains tableaux célèbres de la National Gallery ».

Cette exposition agite le microcosme artistique anglais et il est très valorisant qu'un compositeur libanais y soit associé. Si cet été vous passez par Londres, ne la manquez sous aucun prétexte, elle est en cours jusqu'au 6 septembre.

 

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