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Moyen Orient et Monde - Immigration clandestine

Malaise dans les gares d’Italie face à un « bouchon » de migrants

Des migrants hier près de la station de train Tiburtina, à Rome. Yara Nardi/AFP

Ils ne demandent qu'à quitter l'Italie, mais s'y trouvent coincés de fait par la mauvaise volonté des pays voisins : des centaines de migrants campent dans et autour des gares de Rome ou de Milan dans des conditions sanitaires toujours plus précaires. Plus de 50 000 personnes ont débarqué depuis le début de l'année sur les côtes italiennes, dont près de 6 000 au cours du week-end dernier.
Nombre d'Italiens ne dissimulent plus leur malaise face aux dégradations et aux risques supposés de contagion infectieuse pour les usagers habituels des trains. « Puis-je encore appuyer ma tête sans crainte sur le fauteuil ? » s'inquiète Silvana, une Milanaise d'une cinquantaine d'années. Ces craintes sont attisées avec soin par l'extrême droite italienne, qui prône une politique farouchement anti-immigration.
Nombre de ceux qui sont arrivés récemment viennent d'Érythrée, un pays accusé par l'Onu de violations des droits de l'homme « d'une portée et d'une ampleur rarement observées ailleurs », qui « pourraient constituer des crimes contre l'humanité ». Ils constituent la seconde population, après les Syriens, à se lancer dans la périlleuse traversée de la Méditerranée.
Jusqu'ici relativement discrets, les migrants sont désormais nombreux et bien visibles en gare de Milan, vêtus d'habits d'emprunt, assis en rond sous les arbres de la place ou sur les bancs de marbre dans le hall, à quelques mètres des démarcheurs de services de téléphonie mobile et des boutiques de parfum. Ils étaient environ 700 à dormir aux abords de la gare de Tiburtina à Rome, jusqu'à ce que la police évacue en partie le campement jeudi après-midi, ne laissant sur place que des cartons, des journaux déchirés, des chaussures ou des brosses à dents abandonnées. Hier matin, nombre d'entre eux étaient cependant de retour, groupés près d'un camion de la Croix-Rouge ou tentant d'acheter des billets d'autocar vers le Nord.

Bouchon aux frontières
« Ils ne veulent pas rester en Italie, ils veulent continuer vers le Nord », assure Giorgio De Acutis, un responsable de la Croix-Rouge italienne. « Ils restent quelques jours avant de continuer leur route vers d'autres pays. Mais, depuis que certains pays ont rétabli un contrôle à leurs frontières, un bouchon s'est créé », déplore-t-il. Mary Stuart-Miller, une volontaire britannique auprès de la communauté catholique Sant'Egidio, souligne que le camp avait été créé à peine quelques jours plus tôt par des réfugiés somaliens et érythréens : « Quand vous voyez à quelle vitesse le camp est apparu de nulle part, cela montre bien que cette situation est une bombe à retardement », avertit-elle.
Même blocage à Milan, où nombre de migrants, refoulés aux frontières, sont contraints de revenir, faute de mieux. « Les gens ont beaucoup plus de mal qu'avant à quitter l'Italie. Les renvois à la frontière étaient légers avant, maintenant ils sont plus stricts. La France n'accueille plus, la Suisse n'a jamais accueilli, l'Autriche a fermé la frontière de manière définitive. Quelques-uns arrivent à passer par la Slovénie, mais les autres rencontrent beaucoup de difficultés », constate Giorgio Ciconali, un médecin qui aide les migrants dans la gare pour le compte de la région Lombardie.

« Rats géants »
« Million », un Érythréen de 28 ans, loge dans un parc de Milan proche de la gare après avoir été lui aussi expulsé de Suisse : « La dernière fois que j'ai fait un repas normal était dans l'avion me ramenant en Italie », souligne-t-il. « Je ne peux pas trop critiquer les Italiens car c'est eux qui ont sauvé nos vies la plupart du temps. Mais maintenant nous sommes ici et ils ne font rien pour nous. Regardez-nous, nous devons dormir dans des buissons et vivre comme des clochards », soupire-t-il. « La situation est en train d'empirer », opine Bianca Maldifassi, volontaire auprès d'une association d'aide qui opère dans le parc : « À présent nous sommes en juin mais dans un mois vous verrez des rats géants courir ici. Les gens dorment et font leurs besoins ici », déplore-t-elle. Ironiquement, ce quartier de Milan est peuplé d'une forte communauté érythréenne déjà bien installée, mais qui rechigne à aider les migrants, qu'elle tient « pour des lâches qui ont fui le service militaire », relève Mme Maldifassi.
Le chef de file de la Ligue du Nord, Matteo Salvini, a allègrement versé de l'huile sur le feu de cette situation déjà tendue, accusant une nouvelle fois de lâcheté le gouvernement de Matteo Renzi et allant jusqu'à réclamer de pouvoir « prendre le train sans attraper la gale ».
Giorgio Ciconali, qui soigne les migrants dans la gare de Milan, ne nie pas la présence parmi eux de nombreuses « pathologies de la peau, de cas de gale à gogo », mais réfute tout risque pour les voyageurs. « Les gens peuvent être tranquilles. Les maladies transmissibles existent, mais dans les conditions actuelles, il n'y a pas de risque de contagion. »

Amélie HERENSTEIN
et Philippine ROBERT/AFP

Ils ne demandent qu'à quitter l'Italie, mais s'y trouvent coincés de fait par la mauvaise volonté des pays voisins : des centaines de migrants campent dans et autour des gares de Rome ou de Milan dans des conditions sanitaires toujours plus précaires. Plus de 50 000 personnes ont débarqué depuis le début de l'année sur les côtes italiennes, dont près de 6 000 au cours du week-end...
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