Du Gospel à la Maison-Blanche, « O yeah Lord » !

C'était il y a quelques jours dans le cadre de « In Performance at the White House », ces concerts organisés à la présidence, occultant ainsi la politique, l'espace d'un soir, pour honorer la culture américaine. Ces rendez-vous ont été initiés par la chaîne de télévision culturelle PBS en 1978 durant le mandat de Jimmy Carter. La tradition du Gospel est la quatorzième manifestation qu'organise dans cet esprit la Maison-Blanche depuis le début de l'administration du président Barack Obama. Et cet art presque sacré, évoquant la soif de liberté des Noirs au temps de l'esclavage, est perpétué par les grands noms actuels de la chanson. Ils se sont ainsi retrouvés pour exprimer avec émotion le mélange de douleur et d'espoir de toutes les personnes brimées dans le passé qui ne pouvaient exprimer leurs aspirations que dans les églises. Et qui, ne pouvant se payer des instruments de musique, rythmaient leurs invocations en modulant leurs cris, en battant des mains et en frappant des pieds le sol.

Rhiannon Giddens, Michelle Williams et Lyle Lovett
En écho à ces chants spirituels et corporels, les prestations furent émouvantes, ce soir-là. Celles de Michelle Williams entonnant : « Quand Jésus dit oui, qui peut dire non » ; Rhiannon Giddens : « J'entends des voix dans l'air et je crois qu'il y a un paradis quelque part » ; Darlene Love : « La foi est la clé pour ouvrir la porte » ou encore Lyle Lovett, qui s'était mis au gospel après avoir perdu un être cher, chantant, en version rock : « Une chose que je peux faire dans ma douleur, prier. Au ciel, je verrais sûrement Jésus. » Ont également participé aux chants les chœurs de la Morgan State University.

Aretha Franklin, indétrônable « Queen of soul »
Le fin mot était à la «Queen of Soul», Aretha Franklin qui, à 63 ans, a donné une performance époustouflante, chantant de toute son âme et de tout son corps, comme dans un état de transe, s'agenouillant, ayant peine à se remettre debout, se relevant et continuant avec force « De la terre Dieu m'a élevée. » Enchaînant enfin, avec la même ferveur : « J'aime le Seigneur, il a entendu mon cri. Ô Seigneur tout puissant, j'ai
besoin de vous. Relevez-moi et relevez l'humanité. »
Mais, à tout seigneur tout honneur, c'est le président Barack Obama qui a accueilli son audience en brossant les grandes lignes de l'histoire des gospels. « Cette musique, a-t-il dit, qui a contribué à donner forme à notre nation. À travers les années, la quintessence des sons américains a rempli cette pièce : du jazz au blues et à la country. Aujourd'hui, a-t-il poursuivi, nous honorons le Gospel qui a influencé ces genres. Ce que l'on sait de cette musique, c'est qu'elle est enracinée dans les spirituals chantés par les esclaves et qualifiée par le sociologue activiste Du Bois comme "la plus belle expression de l'expérience humaine née de ce côté des mers". Dans les années 60, elle est devenue indissociable du mouvement des droits civils. Elle a évolué avec le temps mais elle est toujours vérité. Et, comme l'a dit un jour Mahalia Jackson, a-t-il conclu, "les blues sont des chants de désespoir et les gospels sont les chants de l'espérance". »