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Liban - Hommage

Émouvante cérémonie pour la remise du prix Phénix 2014 à May Chidiac

C'est au siège de Bank Audi que le prix Phénix 2014 a été remis à la journaliste May Chidiac pour son essai « La télévision mise à nu », salué comme
« une référence incontournable ».

May Chidiac entourée de Raymond Audi, Alexandre Najjar et Marwan Hamadé.

Une foule de personnalités des mondes politique et culturel, dont le ministre de l'Information, Ramzi Jreige, et le ministre du Travail, Sejaan Azzi, ont assisté à la remise du prix Phénix 2014 à la journaliste May Chidiac.
Créé à l'occasion du Salon Livres du Sud qui s'était tenu à Villeneuve-sur-Lot en avril 1996. Patronné dès ses débuts par Bank Audi, le prix Phénix de littérature est attribué chaque année à une œuvre littéraire écrite en français par un Libanais, ou écrite par un écrivain francophone et ayant trait au Liban.
Décerné dans le cadre du Salon du livre francophone de Beyrouth par un jury prestigieux présidé par Amin Maalouf et composé de Nicole Avril, Mona Béchara, Daniel Rondeau, Paule Constant, Lucien George, Vénus Khoury-Ghata, Jean Lacouture, Yann Queffélec, Josyane Savigneau, Jabbour Douaihy et Salah Stétié, il a déjà récompensé une pléiade d'écrivains francophones de tout premier plan.
Après avoir souhaité la bienvenue à l'assistance, Raymond Audi a présenté le prix Phénix avant de retracer le parcours professionnel de May Chidiac : « Nous connaissions May comme journaliste de renom, comme militante qui a payé très cher son attachement à la liberté d'expression, et comme battante qui a surmonté la souffrance pour poursuivre son combat avec courage et ténacité. Nous la découvrons aujourd'hui essayiste grâce à ce livre édifiant qui nous raconte la grande et la petite histoire de la télévision libanaise, de sa naissance à nos jours, et qui nous en fait visiter les coulisses. »

Une référence incontournable
À propos de l'ouvrage couronné, il a affirmé que « la clairvoyance de May Chidiac et sa parfaite maîtrise d'un sujet qu'elle connaît de l'intérieur pour avoir longtemps travaillé au sein de la LBCI dont elle est l'une des icônes, de même que la précision de son style, son sens de la formule, le ton sarcastique ou humoristique qu'elle emploie parfois pour dénoncer telle ou telle dérive... font que ce livre se lit avec beaucoup de plaisir ». « Il constitue désormais une référence incontournable aussi bien pour les chercheurs et les universitaires que pour tout citoyen désireux d'en savoir plus sur le fonctionnement de ses institutions et sur l'interaction entre ce qu'on appelle "le 4e pouvoir" et les trois pouvoirs traditionnels qui incarnent l'État », a ajouté Raymond Audi.

Pour sa part, Alexandre Najjar a insisté sur la portée symbolique de l'attribution du prix à une journaliste comme May Chidiac qui a payé très cher le prix de la liberté d'expression : « La coïncidence de la remise du prix Phénix à une journaliste, May Chidiac, avec l'attentat qui, il y a quelques jours, en France, a coûté la vie à douze journalistes de Charlie Hebdo est lourde de signification. Elle est lourde de signification parce qu'elle nous rappelle que le Liban a été à l'avant-garde de la lutte pour la liberté d'expression et que ses journalistes ont payé très cher leur attachement à cette liberté fondamentale puisque, depuis l'indépendance, plus de trente journalistes et photographes de presse libanais ont été assassinés (je pense à Samir Kassir, Gebran Tuéni, Salim el-Laouzi, Riad Taha ou Kamel Mroué, pour ne citer qu'eux) ou grièvement blessés, comme May Chidiac que nous honorons aujourd'hui, a-t-il dit. Ce que la France découvre aujourd'hui, nous l'avons expérimenté depuis toujours dans un Moyen-Orient où la mort est employée par les obscurantistes et les tyrans comme instrument de censure. Et la douleur que nous avons éprouvée en apprenant la nouvelle du massacre de l'équipe de Charlie Hebdo est venue s'ajouter à notre douleur d'avoir perdu des journalistes libanais de premier plan, morts pour avoir pris la plume, et à la souffrance éprouvée par ceux qui ont été blessés pour avoir exprimé leur volonté d'indépendance et leur soif de justice », a-t-il ajouté.
« En récompensant le livre de May Chidiac, a indiqué Alexandre Najjar, La télévision mise à nu, les membres du jury ne se doutaient pas que la remise de ce prix aurait une portée aussi symbolique. Ils ont été d'abord sensibles au travail colossal qu'elle a entrepris, à sa parfaite connaissance des rouages de la télévision libanaise, connaissance qu'elle continue à transmettre à travers l'excellente fondation qui porte aujourd'hui son nom ; ils ont été attentifs à la manière dont elle a analysé les rapports ambigus entre le pouvoir et les médias en temps de guerre et d'occupation comme en temps de paix; ils ont mesuré la richesse de l'ouvrage qui conjugue habilement les éléments historiques, l'étude scientifique rigoureuse et les informations de première main avec les révélations et les anecdotes savoureuses afin de distraire le lecteur tout en l'instruisant ; ils ont enfin apprécié la finesse de May Chidiac et son humour caustique quand il s'agissait de mettre en valeur l'absurdité ou le ridicule d'une situation donnée. »

L'émotion de Hamadé et de Chidiac
Le député Marwan Hamadé a improvisé une allocution émouvante pour saluer le combat de sa « collègue » qui, par sa capacité à renaître de ses cendres, ressemble elle-même à un Phénix, ajoutant que l'épreuve, loin de briser May Chidiac, l'a grandie davantage encore.
Très émue, May Chidiac a répliqué : « J'ai reçu beaucoup de prix dans ma vie, surtout après l'attentat dont j'ai été victime, mais celui-ci revêt pour moi une importance particulière. Il s'agit d'un défi remporté contre le destin. Il ne m'était pas facile de consacrer autant de temps à cet ouvrage, malgré toutes les occupations et les souffrances physiques. » Elle a ensuite dénoncé ceux qui répondent aux mots par la mort et ceux qui ont recours à l'injure quand l'opinion de l'autre les indispose, faisant allusion aux violentes campagnes qui l'ont récemment visée.
May Chdiac a notamment déclaré sur ce plan : « Zigzaguer entre les lignes est devenu une tâche très rude et difficile au Liban. Ces derniers temps, autrement dit durant cette période marquée par une forte tendance à la déprime, deux incidents se rapportant à la liberté de la presse ont troublé mon sommeil et m'ont profondément inquiétée. Dans le premier cas de figure, il s'agit du massacre des journalistes de Charlie Hebdo. »
« Inutile de faire comprendre à la majorité croyante de tous bords, que l'on pouvait scander le slogan "Je suis Charlie" et se solidariser avec les journalistes et caricaturistes assassinés, sans pour autant approuver la teneur de leurs dessins. Ceux qui ont soutenu la cause ont fini engloutis dans une marée de critiques dues au fanatisme aveugle et à l'incapacité chez certains de séparer les croyances des fondements de la liberté d'expression, protégée par la loi. »
« J'avais beau les raisonner en écrivant : "Je t'ai fait du mal avec mes mots, tu me rends la pareille avec des mots. Je t'ai blessé avec un dessin, tu me blesses avec un autre où tu exprimes toute ta colère. Venge-toi avec un texte, une voix, une attitude, mais ne me tire pas une balle dans la tête, ne te venge pas de moi en déposant des explosifs sous ma voiture pour me déchiqueter en lambeaux". »

« Le message ne passait pas... »
Et Mme Chidiac d'ajouter : « Le deuxième incident frustrant n'est autre que la campagne orchestrée, dirigée depuis deux jours contre moi, par les partisans du Hezbollah depuis que j'ai écrit un mot sur Facebook, critiquant cette course à l'audience entre les différentes chaînes de télévision libanaises qui les pousse à retransmettre en direct les funérailles des miliciens tués à Kuneitra, en Syrie, et les retombées négatives de ce parti pris sur l'économie du pays, ses relations internationales et les risques d'une escalade militaire au Liban qui n'épargnera personne. .
« Depuis, les portes de l'enfer se sont rouvertes et un torrent de menaces obscènes s'est abattu sur moi. J'ai peur d'arriver au point de dire qu'il est de plus en plus difficile de parler d'un seul peuple, d'une seule civilisation, d'une même culture. Entre la culture du respect d'autrui et l'amour de la vie, d'une part, et l'endoctrinement qui incite à la haine et qui idolâtre la mort, d'une autre, un gouffre de plus en plus profond est en train de se creuser... »
Et de conclure : « Je ne vais pas trop m'attarder sur le sujet, car je préfère revenir à cette cérémonie qui est le meilleur témoignage de l'appréciation des vraies valeurs humaines et culturelles.»
La lauréate a ensuite reçu des mains de Raymond Audi le montant du prix et une médaille de la Monnaie de Paris, avant de signer son livre qui devrait bientôt sortir dans sa version arabe.

 

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commentaires (3)

En France, l'ancien ministre Jean-Pierre Chevènement avait dit : "Un ministre, ça ferme sa gueule ou ça démissionne." Au Liban, nous disons : "Un journaliste, ça ferme sa gueule ou il est assassiné."

Un Libanais

14 h 38, le 24 janvier 2015

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Commentaires (3)

  • En France, l'ancien ministre Jean-Pierre Chevènement avait dit : "Un ministre, ça ferme sa gueule ou ça démissionne." Au Liban, nous disons : "Un journaliste, ça ferme sa gueule ou il est assassiné."

    Un Libanais

    14 h 38, le 24 janvier 2015

  • VOILÀ L'EXPRESSION DE LA LIBERTÉ ! MAY CHIDIAC... HONNEUR À TOI !!!!!!!!

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 07, le 24 janvier 2015

  • Merci May !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    03 h 32, le 24 janvier 2015

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