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Moyen Orient et Monde - Le point

Au nom des enfants de Peshawar

Il serait facile, trop facile d'expédier le drame terrible de Peshawar d'un commentaire lapidaire, du style : « l'œuvre de malades » ou, plus global et désenchanté, d'un : « le monde est devenu fou ». Mais ces 141 victimes, des écoliers dans leur majorité, ont été abattus non pas en série et d'une rageuse rafale de mitraillette, mais individuellement, comme l'avaient été jadis les Polonais de Katyn, ou les 909 intoxiqués américains de Jonestown. Ces enfants auraient pu être les nôtres, ces assassins des hommes de Daech, des Tchétchènes comme à Beslan et la violence serait advenue à deux pas de chez vous.
Dans le village planétaire où désormais nous évoluons (mais peut-on vraiment parler d'évolution ?), le crime ne connaît pas de frontières et l'inhumanité se trouve partout. Le déclic peut se produire à tout moment, qui nous ramènerait au pire, à l'ère des cavernes, au mieux, à l'époque où Plaute faisait découvrir à ses semblables que l'homme est un loup pour l'homme (homo homini lupus est). Or, ce qui effraie, c'est précisément de constater qu'il suffirait de bien peu de choses pour faire basculer le citoyen lambda dans l'indicible, faisant de lui un monstre échappant à tout contrôle.
Ce que les six talibans (des « étudiants en théologie », double imposture, assassinant de sang-froid des élèves...) cherchaient, nous a-t-on expliqué fort doctement, c'était à instaurer le règne de la terreur. Ayant dit cela, les psychanalystes et autres experts croient expliquer alors qu'ils ne font que rendre plus ardue encore la recherche de la vérité. La terreur, mais dans quel but, celui de figurer demain dans les livres spécialisés, « Les grands crimes de l'histoire », « Les monstres qui ont marqué leur époque », celui d'attirer l'attention sur eux, pauvres inconnus ayant obtenu enfin plus que leurs 15 minutes de célébrité promises par Andy Warhol ? Auquel cas les « expérimentateurs » d'Auschwitz, de Dachau et de Buchenwald auront vu leurs désirs exaucés au-delà de toute espérance. Idem pour Pol Pot, Augusto Pinochet, Ben Laden, Saddam Hussein, Abou Bakr al-Baghdadi et tous ceux qui leur disputent une bien peu glorieuse palme, celle de l'atrocité.
Le siècle passé a connu deux guerres mondiales qui ont totalisé, effrayant chiffre, non moins de 120 millions de morts, dont la moitié pour la seconde (1939-1945), soit, pour cette dernière époque, 2,5 pour cent de la population du globe. Les livres d'histoire générale préfèrent jeter le voile d'un bienfaisant oubli sur les grandes révoltes qui ont secoué la Chine : celle des Mandchous (25 millions de morts), des Dounganes (12 millions), des Taiping (entre 20 et 30 millions), d'An Lushan (entre 33 et 36 millions). Le bilan des conquêtes du Mongol Gengis Khan et de ses descendants reste de loin le plus « glorieux » avec une moisson que l'on situe approximativement à 30-60 millions de victimes.
Dans sa livraison de juin dernier, l'American journal of public health, quant à lui, relève que 90 pour cent des morts en période de guerre sont des civils, soit une proportion de 10 pékins pour un militaire. Ainsi donc, il n'aurait pas tort, l'auteur du dicton selon lequel « les généraux meurent dans leur lit ». Plus significatif encore est le fait que l'Amérique a lancé 202 des 248 conflits qu'a connus notre pauvre monde depuis 1945. Normal quand on sait que ce (combien) cher Nouveau Monde compte pour 41 pour cent des dépenses militaires, loin devant la Chine, la Russie, le Royaume-Uni et la France (on comprend dès lors pourquoi toutes ces difficultés qu'éprouve le brave M. Dassault à placer ses Rafales).
Il existe sur le Net un site consacré à la population du globe. On y voit un compteur égrener en permanence, au fur et à mesure qu'ils surviennent – le tableau est hallucinant –, le nombre de naissances, de décès, diverses statistiques et projections. On apprend ainsi que l'Ebola a déjà tué plus de 7 000 personnes, que la guerre en Syrie a fauché près de 200 000 vies humaines, qu'aux États-Unis la violence par les armes à feu est responsable, pour la seule année finissante, de 11 980 tués . Suivent les chiffres détaillés : 608 enfants de 0 à 11 ans, 269 tueries, 1 474 accidents mortels...
Énumérés ainsi, les nombres n'ont qu'un impact tout relatif, comparé à celui, imprimé sur nos rétines, de l'insoutenable regard apeuré d'un petit Pakistanais qui vient de voir la mort de près, la détresse d'une mère, d'un père ayant perdu leur enfant. Terrifiante surtout et combien vraie cette réflexion dAlbert Einstein : « Le monde est dangereux à vivre. Non pas tant à cause de ceux qui font le mal, mais à cause de ceux qui regardent et laissent faire. »

Il serait facile, trop facile d'expédier le drame terrible de Peshawar d'un commentaire lapidaire, du style : « l'œuvre de malades » ou, plus global et désenchanté, d'un : « le monde est devenu fou ». Mais ces 141 victimes, des écoliers dans leur majorité, ont été abattus non pas en série et d'une rageuse rafale de mitraillette, mais individuellement, comme l'avaient été...

commentaires (2)

comptons les morts! les statistiques avant tout et malgré tout!

Bahijeh Akoury

10 h 15, le 18 décembre 2014

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Commentaires (2)

  • comptons les morts! les statistiques avant tout et malgré tout!

    Bahijeh Akoury

    10 h 15, le 18 décembre 2014

  • PERMETTEZ-MOI DE VOUS CORRIGER, CHER MONSIEUR CHRISTIAN MERVILLE : DANS "L'ENFER" PLANÉTAIRE QU'ORBITE L'HÉBÉTUDE ET Où NOUS ÉVOLUONS... ÉVOLUONS SYNONYME DE NOUS NOUS ABRUTISSONS... MERCI. BON ARTICLE. BONNE JOURNÉE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 05, le 18 décembre 2014

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