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Moyen Orient et Monde - Pakistan

Dans leur ancien fief, les talibans respectaient les chrétiens et les hindous

À Bannu, les chrétiens et hindous qui vivaient aux côtés des talibans au Waziristan du Nord ne se rappellent aucun mauvais traitement particulier. Hasham Ahmad/AFP

Alors que l'armée pakistanaise tente de nettoyer leur fief tribal du nord-ouest des talibans, les déplacés chrétiens et hindous racontent avoir été relativement bien traités lorsqu'ils y étaient sous la coupe de ces rebelles réputés brutaux.

À Bannu, principal refuge du demi-million d'habitants du Waziristan du Nord voisin jetés sur les routes par l'offensive, il sont près de 2 000 membres des minorités religieuses à camper en attendant mieux, la plupart dans des école chrétiennes. Un exode où ils se rappellent la vie sous la sévère férule des rebelles talibans du TTP et de leurs alliés d'el-Qaëda qui avaient fait de cette zone tribale frontalière de l'Afghanistan leur principal repaire dans la région ces dernières années. Le TTP, qui réclame l'imposition de la charia à tout le pays et a déclaré la « guerre sainte » au gouvernement en 2007, est connu pour ses multiples attentats dont certains visant les minorités religieuses.

Mais à Bannu, les chrétiens et hindous qui vivaient ces dernières années aux côtés de ses combattants au Waziristan du Nord, et sous la menace permanente des tirs de drones américains, ne se rappellent aucun mauvais traitement particulier. Jameela Lal, une hindoue de 80 ans, a raconté s'être installée à 15 ans à Miranshah, principale ville du Waziristan du Nord, lorsqu'elle s'est mariée avec un autre hindou. Au cours de ces 65 ans, elle dit avoir vécu un « âge d'or » avec « la paix, l'amour et le respect » entre communautés locales. Cela a changé avec l'émergence des talibans dans les années 2000. « C'était terrifiant de les voir dans les rues avec leurs armes et leur attirail menaçant », se rappelle-t-elle, assise sur un lit entourée de ses enfants et petits-enfants.

Les petites communautés chrétienne et hindoue sont installées depuis longtemps dans cette zone tribale traditionnellement rétive à l'autorité étatique, pour beaucoup descendants d'officiers ou servants arrivés avec l'armée britannique et restés sur place après l'indépendance de 1947.

Sympathie inattendue
Sous la férule talibane, elles ont subi le même sort que le reste de la population, entre racket des commerçants et enlèvements contre rançon. Mais « ils ne nous ont jamais menacés sur la base de notre religion, et ne nous ont jamais forcés à nous convertir » à l'islam, souligne Jameela.

Au Pakistan, où près de 97 % des 180 millions d'habitants sont musulmans, les minorités chrétienne et hindoue sont souvent discriminées, notamment dans l'éducation et le monde du travail. Elles sont également parfois victimes de violences, comme en septembre dernier lorsqu'un attentat-suicide – non revendiqué – a tué près d'une centaine de chrétiens dans une église de Peshawar. Mais moins que les minorités musulmanes telles que les chiites et les ahmadis, considérés comme des traîtres à l'islam par les talibans et leurs alliés armés extrémistes sunnites. D'ailleurs, « les talibans locaux se sont inquiétés de l'attentat de Peshawar et nous ont même envoyé leurs condoléances », raconte Iqbal Masih, un pharmacien de 38 ans. « Ils nous respectaient. »

Le fils de Jameela, Nadeem Kumar, 35 ans, confirme que les talibans n'ont jamais forcé les chrétiens à se convertir à l'islam. Mais cela ne les empêchait pas de leur voler de la nourriture et de les accuser de collaborer avec les autorités qui surveillaient la région. « Un de mes frères a été ainsi accusé et enlevé quelques heures », raconte-t-il.

À Bannu, les déplacés hindous et les chrétiens se sont installés dans des quartiers non musulmans. « Nous avons accueilli ces familles pour éviter tout problème », explique Humphrey Peters, l'évêque de Peshawar, principale ville du Nord-Ouest. « Ils vont pouvoir participer à leurs cérémonies religieuses, ce qui n'aurait pas été possible dans un camp de réfugiés au milieu des musulmans. » La plupart disent vouloir rentrer au Waziristan du Nord après l'opération militaire destinée à réinstaller l'autorité de l'État, plutôt que d'émigrer dans une autre région. « Nous y avons vécu depuis des générations. Et j'espère qu'on y aura la paix et la stabilité très vite », souligne Iqbal Masih, en réclamant une compensation financière du gouvernement pour les familles déplacées.
Mais Jameela Lal, la grand-mère hindoue, estime, malgré son amour pour sa région, que le temps est peut-être venu de changer d'air. « Le gouvernement devrait soutenir pleinement notre retour sur place, nous donner de la nourriture et reconstruire nos maisons. Ou sinon il devrait nous renvoyer en Inde, la terre des hindous. »


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