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Entre ténèbres et lumière, le parcours des prisonnières

Discrimination dans les lois, mais égalité dans les sanctions

Au Liban, la discrimination suit la femme de la naissance jusqu'à la mort et l'affecte à cause de lois aberrantes qui vont du statut personnel (mariage, divorce, garde des enfants, héritage) au droit de donner la nationalité à ses enfants, en passant par le code pénal et ses dispositions sur les crimes d'honneur, récemment modifiées, l'adultère, sans oublier le droit du travail. Dans le même esprit, une question s'impose : pourquoi ne pas instituer des mesures pénales « particulières » relatives à la condamnation et à la détention des femmes, considérées encore par le législateur comme des « citoyennes de 2e catégorie » ? Peut-on ne pas réagir vis-à-vis des lois discriminantes, des différenciations des droits et se taire face à une égalité dans la sanction ?
Même si elles sont moins nombreuses que les hommes en prison, les femmes détenues présentent des caractéristiques particulières. Il arrive que certaines soient enceintes au moment de leur emprisonnement ou aient des enfants en bas âge. La relation mère-enfant est un problème majeur pour les femmes en prison. Telle est la situation de Safina, ressortissante du Bangladesh, arrêtée avec son compagnon pour le kidnapping de l'enfant de leur employeur. Elle a accouché en prison et y vit avec son nourrisson de 50 jours. « Faites quelque chose pour moi, supplie Safina, aidez mon enfant. Il manque de lait, de couches, d'habits. Il grandit dans une ambiance malsaine et insalubre. Je n'y peux rien, je suis complètement démunie. »

 

Pas de régime spécial pour les détenues
Une autre question s'impose : existe-t-il des structures spécifiques pouvant accueillir les mères et leurs jeunes enfants ? Qu'en est-il du traumatisme des détenues qui accouchent en prison puis se séparent de leur nourrisson ? « Le code de procédure pénale ne prévoit pas de régime de détention spécifique pour les femmes », explique une source autorisée du parquet. « La même réglementation est appliquée aux deux, à l'exception de l'article 409 qui stipule que » si la condamnée est enceinte, l'exécution de la peine sera reportée jusqu'à l'écoulement de dix semaines après l'accouchement ».


Toujours selon la même source, « les mères détenues peuvent si elles le désirent conserver leur nouveau-né auprès d'elles, quelques mois après la naissance, 70 jours plus exactement, sur autorisation du juge. Ceci s'inscrit dans une politique de respect des liens humains et maternels ». « Il est évidemment dur pour elles de se séparer de leur bébé mais l'intérêt de l'enfant prime. Il grandira hors de prison, même séparé de sa mère, qui se voit d'ailleurs du fait de sa condamnation retirée de toute autorité parentale, et ce en vertu des dispositions légales des différentes confessions relatives au statut personnel et au droit de la famille. Par ailleurs, en raison d'un règlement pénitentiaire et en application du principe de non-mixité, les femmes sont hébergées dans des établissements distincts de ceux des hommes, qui n'y ont accès que sur autorisation spéciale. Les détenues sont surveillées par un personnel féminin. Ne subsistent que quelques gardiens masculins armés à l'entrée des prisons. »
Rappelons dans ce contexte que le Conseil des ministres avait décidé en 2013, en accord avec le ministre de l'Intérieur, de confier la gestion et l'administration des prisons au ministère de la Justice, qui se chargera avec des magistrats spécialisés et un personnel qualifié de s'acquitter de cette tâche peu facile. Décision qui à ce jour reste lettre morte.


À la question de savoir pourquoi la criminalité est un phénomène qui touche davantage les hommes que les femmes, le magistrat explique : « Le caractère de la délinquance et le profil des femmes incarcérées restent assez différents de celui des hommes. Lorsqu'on observe les statistiques à travers la procédure judicaire, on se rend compte que les femmes « disparaissent » davantage que les hommes. La raison est simplement que les femmes, généralement de nature non violente, commettent des délits de moindre importance et sont par conséquent condamnées à de simples amendes. On ne connaît pas encore à l'heure actuelle la raison exacte qui explique cette différence. Certains chercheurs tiennent compte du taux de testostérone et de son influence sur l'agressivité. Ce qui permet peut-être d'expliquer pourquoi les femmes se battent moins. On regrette toutefois le peu d'études existant sur ce sujet. Toutefois, on remarque une représentation des femmes dans quelques crimes de sang, notamment les crimes intrafamiliaux ou de défense contre la violence conjugale, de vols et surtout de trafic de stupéfiants. Néanmoins, il serait inexact de parler d'une délinquance particulièrement féminine ».

 

Une plus grande clémence des juges ?
De mêmes sources, on reconnaît que la majorité de la population carcérale est caractérisée par la pauvreté et la précarité. « Ceci est d'autant plus vrai pour les femmes dont la détresse est toujours plus flagrante. Cette fragilité sociale et psychologique serait donc prise en compte. Ainsi, il n'est pas rare que des juges les considèrent comme des complices entraînées par des hommes, et non pas ayant agi de leur propre volonté », explique-t-on de mêmes sources, avant de préciser que « sur cette approche juridique se greffe aussi la question de la maternité, qui incite parfois les juges à une plus grande clémence ».
« À l'inverse, pour d'autres magistrats, lorsque les femmes sont vraiment coupables de trafic de drogue, de proxénétisme aggravé, elles devraient, selon eux, encourir des sanctions plus lourdes et être plus sévèrement traitées », toujours selon la même source, qui insiste sur la « grande vulnérabilité de la population carcérale féminine ».
« Rares sont celles qui arrivent en prison après un parcours de vie sans nuages. La majorité des détenues ont subi des maltraitances dans l'enfance ou dans la vie conjugale et ont souvent été très marquées par des bouleversements dans leur vie : décès, séparation, alcoolisme, divorce, qui ont pu les mener plus facilement en prison », conclut-on de mêmes sources.

Au Liban, la discrimination suit la femme de la naissance jusqu'à la mort et l'affecte à cause de lois aberrantes qui vont du statut personnel (mariage, divorce, garde des enfants, héritage) au droit de donner la nationalité à ses enfants, en passant par le code pénal et ses dispositions sur les crimes d'honneur, récemment modifiées, l'adultère, sans oublier le droit du travail. Dans le...