Voilà qui est fait : cette hérésie de gouvernement d'union nationale s'est de nouveau (mal)heureusement imposée. C'est (très) drôle, surtout qu'il s'agit d'un pays qui s'est toujours noyé dans ses désunions, qu'il s'agit d'un Liban où les concepts de convivialité et même de coexistence n'en finissent plus de se faire dynamiter, jour après jour et à n'importe quel niveau. Et près de onze mois plus tard, tout le monde pense avoir réussi le hold-up du siècle contre le camp adverse ; tout le monde y est, dans cette équipe-Babel, et tout le monde est plus ou moins content d'y être.
Tout le monde, sauf les Forces libanaises – d'une constance presque hallucinante depuis la sortie de prison de leur chef, Samir Geagea. Et peu importe que cette absence retentissante soit le fruit d'une divergence, d'une allergie, ponctuelles ou amenées à durer, entre Meerab et la Maison du Centre, ou qu'elle soit le résultat logique d'une (très) roublarde distribution de rôles. Le fait est que pour la première fois, l'Alliance du 14 Mars, qui puise sa force, sa vélocité et sa résilience du tandem FL-Futur, n'a pas hésité à afficher aux yeux de ses propres partisans comme à ceux du 8 Mars ce qui était en réalité un secret (de Polichinelle) qu'elle essayait de garder plus ou moins bien : sa (si) grande vulnérabilité. Sa friabilité. Sa peau écorchée, comme chez Roland Barthes.
Soit. Mais cela peut s'avérer payant.
Déjà confrontée à un sérieux problème identitaire, organique, c'est-à-dire amenée à répondre très régulièrement et presque toujours vainement à une question primitive, éminemment existentielle : Qui suis-je ?, c'est-à-dire : Où est Walid Joumblatt ?, Que fait Amine Gemayel ?, Où va Saad Hariri ? et Que pense Samir Geagea ?, l'Alliance du 14 Mars a désormais un autre gigantesque défi à relever : Pourquoi, ou pour quoi j'existe? Résoudrait-elle ces deux tourments qu'elle se referait une sacrée beauté.
Quelle chance : c'est le timing idéal. Aucun des leaders de ce 14 Mars n'est passé à côté de cette petite information parue cette semaine dans les colonnes d'un journal organiquement pro-Hezbollah, qui annonce, très sainte-nitouche, que Michel Aoun, fort d'un soutien saoudo-US, pourrait décrocher la présidence de la République, parce que, dit ce journal le plus sérieusement du monde, il est le plus à même de mener des discussions avec le Hezb sur ses armes ou sur la stratégie de défense. Et non : ce n'est pas un poisson d'avril.
À la bonne heure ! C'est aujourd'hui et pas demain que l'Alliance du 14 Mars doit nommer, d'une seule voix, son candidat pour le palais de Baabda. Que ce soit parmi les siens, ou parmi ces ultracentristes capables d'aimer tout le monde et de dire à chacun ce qu'il a envie d'entendre. Même le toujours très étonnant Sleimane Frangié leur a donné le la : Michel Sleiman est faible et le but est d'avoir un président fort, fût-il du 14 Mars.
Ahla w sahla, w ma tekram aaynak, Slimmy bey.
Encore faut-il que le 14 Mars cesse de gigoter. Et qu'il s'active. Aujourd'hui.
Liban - En dents de scie
À quoi sert le 14 Mars ?
OLJ / Par de Ziyad Makhoul, le 22 février 2014 à 00h00
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YI7SHI KOUSSA TA YÉKILON MOUSSA !
LA LIBRE EXPRESSION
22 h 07, le 22 février 2014