Un peintre qui se situe toujours entre deux pôles, la vie et la mort. Photo Michel Sayegh
Né à Damas, Marwan Qassab Bachi, dit Marwan, commence à être paysagiste et portraitiste avant d’aborder des questions sociales concernant son pays. Après des études de beaux-arts à Berlin en 1958, sa peinture se libère et s’ouvre à de nouveaux horizons. L’artiste connaîtra plusieurs étapes dans sa vie, «chacune comme une source menant à un fleuve et ces fleuves menant à la mer», dira-t-il. Si dans la première époque thématique Marwan croque des personnes isolées ou des couples qui expriment une solitude étrange mais spirituelle, il va par la suite utiliser son propre visage comme paysage. Il glissera ainsi en douceur du figuratif à l’abstraction.
De l’architecture...
Après plusieurs galeries libanaises qu’il a fréquentées, c’est cette fois au tour du Beirut Exhibition Center de s’intéresser à cette période charnière des années 60-70 qui constituent comme le «compost» à sa peinture à la fois une et multiple. Car malgré la diversité de ses œuvres, ce sont les têtes qui occupent la plus grande place sur l’espace pictural de Marwan et qui deviennent un médium en soi, s’insérant organiquement dans la toile.
Se situant toujours entre deux pôles, la vie et la mort, le peintre se dit toujours dans cette recherche de soi, même si sa peinture est figurative. Ses œuvres, déclinant dans des teintes qui vont de la couleur terre au sable, évoquent ce côté de la Méditerranée – «ce sont des couleurs issues de ma mémoire». Car si l’artiste s’est installé en Allemagne (et y a enseigné aussi) depuis plus de quarante ans, il reste néanmoins très attaché à ses racines qu’il ne renie pas, mais qu’il revendique plutôt fortement. Sa palette donc prend source dans cette partie du Moyen-Orient et s’y inspire constamment.
Pour ses «têtes», elles
peuvent paraître semblables pour certains mais, à y regarder de plus près, elles permettent des questionnements multiples. «Ma toile est toujours animée par la question», confie l’artiste. «Parfois j’emploie des figures célèbres et d’autres fois j’utilise la mienne tout en ne retenant que l’expression ou certains traits. Ce ne sont donc pas des autoportraits», précise-t-il.
Marwan n’est pas simplement un peintre, c’est un architecte de la peinture. Tant dans la perspective ou les angles qu’il prend que dans la construction de l’œuvre. Il existe toujours chez lui une tension, tout comme dans le courant allemand. Une tension que l’artiste relève par un petit détail qui capte l’œil et le retient. Les thèmes de la vie, de la mort, mais aussi du couple et du sexe sont souvent évoqués dans ses toiles. Ici, un personnage au regard mélancolique avale la toile. Et là, un autre couple aux mains qui se cherchent, aux pieds qui s’entremêlent. Inquiétude, angoisse, mais aussi plaisir et joie y sont décryptés en différentes teintes. La toile devient tout d’un coup un espace où l’artiste installe sa «mise en scène». Le corps, parfois tronqué, à deux membres ou trois, s’efface même devant le visage qui devient une page de lecture.
Ce visage qui, peu à peu, phagocytera la toile en occupant tout l’espace. On y croit deviner des montagnes, des plaines et même des mers. Une surdimension de l’homme que Marwan questionnera tout le temps, comme si par ses œuvres et tout au long de sa mémoire l’artiste installe un fil d’Ariane qui mènera à sa «toile».
Pour mémoire