Najla Said sur scène.
Une expérience vécue par Najla, fille de l’intellectuel palestinien et architecte des études postcoloniales Edward Said, et de la Libanaise Mariam Cortas, qu’elle relate dans un ouvrage mémoire intitulé Looking for Palestine. Growing Up Confused in an Arab-American Family (ou À la recherche de la Palestine : grandir dans la confusion dans une famille arabo-américaine. D’entrée de jeu, elle fait un autoportrait direct et lucide. « Je suis une femme palestino-libano-américaine et chrétienne. J’ai débuté ma vie comme une WASP (White Anglo Saxon Protestant, comprendre l’élite). »
Ses parents voulaient pour elle la meilleure éducation : « À l’âge de cinq ans, je suis envoyée dans une école privée pour filles, située dans le Upper East Side (quartier huppé) de Manhattan, fréquentée par la crème de la crème américaine, dont Jacqueline Onassis. Là, j’ai commencé à réaliser que quelque chose n’allait pas pour moi...Chez nous, c’était des piles de livres partout, des pipes, des crayons, des tapis d’Orient et d’étranges invités : les plus grands écrivains occidentaux – Noam Chomsky, Norman Mailer, Jacques Derrida, Susan Sontag – aussi bien que la crème de la crème de la résistance palestinienne. De quoi se remettre continuellement en question. » Ajoutez à cela le background libanais de sa mère qui ne lui était pas étranger. Autant de jalons soubresauts et l’impossibilité de se rendre au Moyen-Orient en ébullition qui ont créé chez elle un sentiment de déconnexion qui a provoqué des troubles alimentaires. Puis il y a eu une cure chez un « psy » juif. Elle évoque dans son livre sa période anorexique car elle avait découvert qu’elle était liée à son manque d’assimilation de sa culture originelle. L’apaisement viendra quand elle acceptera l’idée qu’elle ne « devait » pas avoir une seule identité. Ainsi, au bout de ses luttes et ses descentes en elle-même, elle réalise qu’elle peut exister à travers sa diversité « au lieu d’être uniquement américaine ou uniquement arabe ».
Les planches, sa planche de salut
Aujourd’hui, Najla Said a 39 ans et elle a réussi à s’imposer aux États-Unis en menant une carrière de comédienne et d’auteure dramatique, après cette enfance et cette adolescence choyées mais déroutantes par leur substantialité. Les planches ont également été pour elle une catharsis en prolongeant sa quête du Moyen-Orient. Dans ce domaine, tout avait commencé lorsque, à l’âge de 5 ans, ses parents l’avaient inscrite à un cours d’art dramatique pour l’aider à sortir de sa timidité et, depuis, elle poursuit cette voie. Après des études à l’Université de Princeton, elle fait des stages au Shakespeare Lab at the Public Theatre, à New York, et à l’Actors Center à Londres, avant de créer une troupe de théâtre collective arabo-américaine baptisée « Nibra » (résonance vocale), qui se propose de renforcer la visibilité de la créativité de cette communauté. Sa première production, Sajjil, est primée comme provenant du meilleur ensemble de l’édition 2002 du New York International Fringe Festival. Son œuvre théâtrale maîtresse demeure Palestine, un one-woman-show. Un titre sans détour et un pays bien nommé où, de par sa famille, elle a été plongée dès sa naissance et que, pourtant, elle a appréhendé avec moult difficultés pour avoir vécu d’autres données. « Alors, se rappelle-t-elle, mon père avait pris le temps de m’exposer la cause palestinienne et ce peuple privé de ses droits égalitaires. J’ai compris que je possédais une “voix”, étant et américaine et palestinienne. » Une voix qu’elle a choisi de faire entendre sur les planches, qui auront été sa planche de salut. Après Off Off Broadway, elle a présenté Palestine dans d’autres théâtres et devant plusieurs publics estudiantins. À son actif également, des rôles sur le grand écran.
Fille de..., originaire d’un pays aux contours toujours indéfinissables, elle a finalement intégré son propre « moi », tout en étant consciente, comme elle le dit, « que mon histoire arabo-américaine n’est en rien typique ».
Pour mémoire
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